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Caricatures : de Chirac à Macron, comment la position de la France a évolué

Caricatures : de Chirac à Macron, comment la position de la France a évolué

La France officielle a nettement pris position concernant les caricatures controversées du Prophète de l’Islam. Plutôt deux fois qu’une, le président Emmanuel Macron a signifié que son pays ne renoncera pas au principe de la liberté d’expression, qui fait l’un des fondements de sa démocratie en France.

C’était lors de l’hommage national rendu au professeur Samuel Paty, assassiné vendredi 16 octobre dans la région parisienne pour avoir montré les caricatures à ses élèves.

Plus que les caricatures elles-mêmes, la déclaration de Macron a donné lieu à une série de réactions dans le monde musulman, allant de la dénonciation à l’appel au boycott des produits français.

La crise est bien là pour la France qui voit son image subitement malmenée dans des pays où elle était plutôt bien perçue jusque-là. Pas seulement grâce à sa « politique arabe » bien connue, mais aussi par une approche prudente concernant les questions liées à l’Islam et aux musulmans.

Le discours de la France officielle a bien évolué depuis le premier « épisode » des caricatures du Prophète. C’est en 2005 qu’un petit journal danois, le Jyllands-Posten, publia des caricatures portant atteinte explicitement au Prophète Mohammed.

Les dessins font le tour des rédactions européennes jusqu’à arriver en France en janvier 2006 où elles avaient été reprises par de nombreux journaux dont France-Soir, Libération et Charlie-Hebdo.

Ce que disait Jacques Chirac

Alors que le monde musulman s’enflammait, le président Jacques Chirac n’hésite pas à condamner la publication des caricatures qu’il assimile à des « provocations manifestes, susceptibles d’attiser dangereusement les passions ».

« Sur la question des caricatures et des réactions qu’elles provoquent dans le monde musulman, je rappelle que si la liberté d’expression est un des fondements de la République, celle-ci repose également sur les valeurs de tolérance et de respect de toutes les croyances. Tout ce qui peut blesser les convictions d’autrui, en particulier les convictions religieuses, doit être évité. La liberté d’expression doit s’exercer dans un esprit de responsabilité », déclarait Chirac en Conseil des ministres en février 2006.

Des propos qui reflétaient pour Dalil Boubekeur, alors recteur de la Grande Mosquée de Paris, la « véritable image » de la France, une « image d’estime et de respect envers les musulmans ».

Alain Juppé, un autre grand nom de la droite modérée française, expliquait le danger « d’agir sur la scène internationale (ou nationale) en s’imaginant que le monde est tel qu’on le rêve », estimant que c’est « la provocation médiatique » qui « sert les extrémistes ».

Mais un autre discours commençait déjà à se développer dans la même famille politique, porté notamment par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur qui disait préférer « l’excès de la caricature à celui de la censure ».

Lire aussi : Caricatures, Islam et musulmans en France : entretien avec Ghaleb Bencheikh

Sarkozy sera élu président de la République en 2007 à l’issue d’une campagne qu’il a voulue axée sur le thème de « l’identité nationale ». Son mandat unique sera marqué par des polémiques portant la place des immigrés de l’Islam et des musulmans, outre ses approximations en politique étrangère notamment lors des révolutions des printemps arabes.

Lors du procès intenté en 2006 par des organisations musulmanes à Charlie-Hebdo (qui sera acquitté), Nicolas Sarkozy avait adressé une lettre de soutien au journal lue à l’audience par la défense.

Celle-ci avait fait citer de nombreux autres témoins, dont François Bayrou et surtout François Hollande, futur président de la République. Au tout début de son mandat, il y a eu un autre épisode de caricatures offensantes à l’Islam, en 2012, toujours sur Charlie-Hebdo.

 « Les religions doivent être respectées dans notre République laïque », avait-il déclaré lors d’une cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme. Mais son ministre de l’Intérieur et futur Premier ministre, manuel Valls, avait affirmé que la liberté d’expression était « un droit fondamental », prônant la fermeté contre ceux qui manifestaient pour dénoncer les caricatures. C’est sous François Hollande qu’a eu lieu l’annus horribilis de 2015, avec des attentats qui avaient fait des dizaines de morts en France.

Au lendemain de celui qui avait décimé une partie de la rédaction de Charlie-Hebdo en janvier 2015, il trancha que « la liberté d’expression ne se négocie pas ». Suite à la décapitation de Samuel Paty, l’ancien président a, avant même la phrase controversée d’Emmanuel Macron, déclaré qu’il était inadmissible de « reculer ».

« Si face à cette pression, l’enseignant, pour ne pas créer d’incident, pour ne pas s’exposer lui-même, cède, c’est-à-dire ne transmet plus le savoir, alors la République recule et ça nous ne pouvons pas l’admettre », a dit François Hollande le 17 octobre.

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