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En internationalisant la crise, le pouvoir algérien fait fausse route

En internationalisant la crise, le pouvoir algérien fait fausse route

La Russie met en garde contre la déstabilisation de l’Algérie et refuse toute ingérence dans les affaires internes de notre pays. L’information a tourné en boucle pendant toute la matinée de ce mardi 19 mars comme si c’était l’élément qui va changer le cours des événements.

Confronté à une crise interne sans précédent, le pouvoir algérien mise énormément sur l’apport de ses « alliés », quitte à passer pour la partie qui sollicite l’intervention étrangère, puisque, jusque-là, aucun pays ne s’est immiscé dans ce qui se passe en Algérie depuis un mois.

Les rares réactions enregistrées sont très prudentes et affichent un respect sans faille à la souveraineté de l’Algérie. Washington s’est contenté de rappeler le droit des Algériens à manifester librement, tandis que la France a donné son quitus au plan de sortie de crise du président Bouteflika.

Nommé vice-Premier ministre et chef de la diplomatie le 11 mars, Lamamra est déjà en tournée dans plusieurs capitales. Avant Moscou, il était à Rome. Il devient maintenant clair que son rappel, avec Lakhdar Brahimi, en plein contexte de crise interne, répond au souci de s’adresser d’abord à l’étranger.

La veille de la visite de Lamamra à Moscou, Ali Benflis a dénoncé des velléités d’internationalisation de la crise. La dénonciation de l’ingérence étrangère a toujours constitué le cheval de bataille des autorités algérienne dès qu’un mouvement interne commence à gronder. Aujourd’hui, ce sont elles qui la sollicitent, en l’assumant presque. Cela renseigne sur le désarroi du pouvoir, en panne de solutions.

Devant l’ampleur prise par la contestation populaire, le pouvoir abat sans doute l’une de ses dernières cartes. Mais qu’attend-il concrètement de cette offensive diplomatique ? S’il mise sur une condamnation de la communauté internationale du mouvement de contestation, cela n’a presque aucune chance d’arriver avec le pacifisme et le civisme des manifestants et surtout la légitimité de leurs revendications que même le président contesté reconnaît. Même la Russie, de laquelle on pouvait attendre une telle position, ne l’a pas fait.

Pour ceux qui crient déjà victoire sur certaines chaines de télé, Serguei Lavrov n’a fait que paraphraser le président français en rappelant que la crise actuelle est une affaire interne à l’Algérie, ajoutant, certes, une énigmatique mise en garde contre les tentatives de déstabilisation du pays : « Il est particulièrement important que tous les autres pays respectent de façon sacrée les dispositions de l’Onu et s’abstiennent de toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Algérie. »

Ramtane Lamamra risque de revenir bredouille de sa tournée et le régime algérien de découvrir qu’il est vain de faire le parallèle avec ce qui s’est passé en Syrie et plus récemment au Venezuela. La donne qui change tout et que refusent d’admettre les autorités algériennes, c’est que la révolte en Algérie n’est pas le fait d’un parti, d’une région ou d’une caste. Surtout, les puissances occidentales n’y sont pour rien. C’est tout le peuple qui est dans la rue et ni la Russie ni aucune autre puissance ne peut avoir d’influence sur le cours et l’ampleur des manifestations qui s’inscrivent maintenant dans la durée.

La Chine n’a pas attendu la venue de Lamamra pour faire part de la neutralité de son pays et de son refus de toute ingérence. Geng Shuang, porte-parole des AE chinoises, a annoncé que son pays espère « voir l’Algérie faire avancer sans heurt son calendrier politique ».

La stabilité de l’Algérie est « dans l’intérêt fondamental de son peuple et de la paix dans les régions voisines », a également affirmé M. Geng, selon qui la Chine « adhère au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays ». La Chine est « convaincue que le peuple algérien a la sagesse et la capacité nécessaires pour explorer une voie répondant aux conditions de son pays ».

Avant Washington et Paris, Lamamra est allé voir en premier les soutiens traditionnels de l’Algérie, en commençant par la Russie, soit une manière de placer la crise dans un contexte qui n’est pas le sien, celui des tiraillements de la géostratégie internationale. Une autre grosse erreur d’appréciation. Car à considérer même que Moscou et Pékin sont prêtes à apporter leur soutien au régime algérien contre de supposées velléités de déstabilisation des occidentaux, ces deux pays ne disposent d’aucun levier efficace pour peser sur le cours des événements, à moins d’une intervention militaire impensable ou un veto au Conseil de sécurité tout aussi inimaginable puisque la crise n’ira pas jusque-là.

Au contraire, les bons leviers sont entre les mains de certaines puissances occidentales où se trouvent par exemple l’essentiel des avoirs du pays, les intérêts privés de hauts dirigeants algériens…

Comme depuis le début de la crise, le pouvoir algérien fait une fois de plus surtout fausse route.

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