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Ali Ghediri, potentiel présidentiable ou lièvre inespéré de Bouteflika ?

Ali Ghediri, potentiel présidentiable ou lièvre inespéré de Bouteflika ?

Un petit geste anodin suffit parfois pour faire ou défaire une réputation. Ali Ghediri était considéré par beaucoup comme celui qui allait « dégager tout le système » s’il est élu le 18 avril prochain. Mais l’illusion risque de voler après ce qu’il a fait ce dimanche 3 mars.

Ghediri a chargé son directeur de campagne Mokrane Aït Larbi de déposer son dossier devant le Conseil constitutionnel. Le candidat étant présent, rien à priori ne justifie qu’il se fasse ainsi remplacer par quelqu’un d’autre. Sinon la volonté de préparer l’opinion à accepter que le dossier de Bouteflika, qui ne peut se déplacer à cause de ses soucis de santé, soit aussi déposé par une tierce personne, son directeur de campagne précisément.

Le chargé de presse du candidat a vite réagi sur TSA : « Monsieur Ghediri était en compagnie du président du Conseil constitutionnel. Ils ont signé ensemble une déclaration qui n’a pas été publiée. Le récépissé a été donné à Mokrane Aït Larbi parce que c’est lui qui était occupé de pointer le dossier avec la personne chargée de ça ». Un malentendu technique ? L’argument ne convainc pas de nombreux observateurs qui soulignent que le geste n’est pas sans rappeler la diffusion par l’ENTV des images de la prestation de serment du nouveau président du Conseil constitutionnel, où on a vu Tayeb Belaïz « zapper » le long texte du serment, se contentant de prononcer trois petits mots en arabe : « Je le jure par Dieu Tout Puissant ».

C’était le 21 février. Même les plus candides avaient compris que la mise en scène était bien destinée à « permettre » au président, en butte à de sérieux problèmes de locution, d’en faire de même lors de sa prestation de serment, après sa réélection.

La cérémonie était un casse-tête pour le cercle présidentiel, jusqu’à ce que l’avocat du régime, Farouk Kesentini, souffle l’idée le 13 février. « Bouteflika ne sera pas obligé de prononcer l’intégralité du texte de la prestation de serment. Il lui suffira de dire : je jure par Dieu Tout Puissant. »

Ali Ghediri, le candidat de la rupture, a-t-il joué ce dimanche une part de la partition entamée par Tayeb Belaïz il y a dix jours ? Il doit une franche explication à ceux qui, nombreux, ont cru en son discours et à l’espoir que sa candidature a suscité. L’exercice sera d’autant plus difficile pour le général-major à la retraite est l’une des rares personnalités de « poids », sinon la seule à avoir déposé son dossier de candidature alors que le régime semble se diriger de pied ferme vers le maintien de l’option du cinquième mandat.

Les derniers espoirs de voir de beaux lièvres sur la ligne de départ le 18 avril ont commencé à s’évaporer ce dimanche 3 mars, dernier jour de dépôt des candidatures. Trois potentiels candidats ont renoncé à la dernière minute : Abderrazak Makri, Ghani Mehdi et Ali Benflis. Ce dernier avait dès le début lié sa candidature à la décision de Bouteflika.

Vers 16h, quand il a compris que la candidature du président sortant était inéluctable, il a annoncé son renoncement en conférence de presse. Makri avait laissé une porte ouverte à la mi-journée, refusant de se présenter si Bouteflika est candidat, et il a tenu sa parole. Les autres acteurs majeurs de la scène politique, comme le RCD et le FFS, avaient depuis plusieurs semaines tranché qu’il n’y avait rien à attendre d’un scrutin biaisé. Ils ont été rejoints par le PT de Louisa Hanoune et le FJD de Abdallah Djaballah. Bouteflika allait se mesurer le 18 avril à Abdelaziz Belaid, un pur produit des jeunesses FLN, Ali Zeghdoud et d’autres ovnis politiques. Hélas, il y aura aussi Ali Ghediri et Rachid Nekkaz, un autre candidat sorti de nulle part mais qui jouit d’une certaine popularité, pour pimenter le scrutin.

Pour Ali Ghediri, il ne s’agit nullement d’une volteface. Depuis l’annonce de son intention de briguer la présidence, le 19 janvier, il a maintenu la même ligne de conduite, assurant qu’il ne construisait pas sa stratégie sur la candidature ou non de Bouteflika. « Je suis partant qu’il vente ou qu’il neige », déclarait-il le 27 janvier lors de sa première sortie publique, au forum de Liberté. Il avait même fait part d’une énigmatique assurance quelques jours plus tard sur TSA en disant qu’il ne s’imaginait pas perdre l’élection.

Surtout, Ghediri avait répété tout au long de ses sorties qu’il partait à l’assaut du système. « Ce sera lui ou moi », disait-il. Beaucoup y ont cru d’autant plus que le général à la retraite a fait l’objet de sévères critiques de l’institution militaire qui a publiquement jugé son « ambition démesurée » et « pas en rapport avec ses capacités », et sa campagne de collecte des parrainages, du moins à en croire sa direction de campagne, a buté sur des entraves de l’administration. Jusqu’à ce qu’il tende une perche inespérée-du mois c’est ainsi que son geste risque d’être perçu- au président-candidat, dans un moment fatidique. Encore une fois, lui et Mokrane Aït Larbi, grand défenseur des droits de l’Homme, doivent se montrer plus convaincants, car la déception risque d’être proportionnelle à l’espoir qu’ils ont suscité.

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