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Bouteflika : un bilan prématuré et des interrogations

Bouteflika : un bilan prématuré et des interrogations

Le secrétaire général du FLN a donné le ton en annonçant l’installation d’une commission d’élaboration du bilan du chef de l’Etat et les médias publics n’ont pas tardé à suivre.

Depuis quelques jours, journaux gouvernementaux, télévisions et radios d’État consacrent de larges espaces et plages horaires aux réalisations du président Bouteflika, mettant l’accent particulièrement sur ce qui a été fait durant ce quatrième mandat qui entame sa dernière année.

Que les médias publics accordent leurs violons pour faire les éloges du président et de son action, cela n’a rien d’inhabituel. La nouveauté réside dans le timing, puisque tout cela intervient à une année de l’élection présidentielle.

D’où une première interrogation : s’agit-il des prémices d’une campagne dans l’optique de solliciter un cinquième mandat ou, au contraire, d’une manière pour le président, amoindri par la maladie, de faire ses adieux avant de passer le relais ?

La question divise, même si c’est la première option qui semble la plus plausible, tant de toute cette agitation, se dégage une sensation de déjà-vu. Le procédé est en effet éculé : un appel du parti majoritaire puis de la société civile au président à « poursuivre son œuvre », un matraquage médiatique explicitant cette « œuvre » et ses bienfaits, puis l’annonce formelle de la candidature du chef de l’État en réponse « aux appels incessants de la société… ».

Il n’empêche que certains observateurs relèvent ce troublant détail : le quatrième mandat n’étant pas encore achevé, les médias publics se contentent de ressasser les réalisations de ses 19 ans de règne.

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Quelle urgence pourrait donc expliquer cet empressement ? Très peu d’éléments permettent de lire dans une situation plus que brouillée, mais quoi qu’il en soit des intentions du président quant à son avenir à la tête de l’État, on sent comme une volonté de répondre à une question qui commence à fâcher : où sont passés les 1 000 milliards de dollars de revenus des hydrocarbures depuis 1999, date de l’accession de Bouteflika à la magistrature suprême ?

Comme dans un bilan comptable, il est question de recettes et de projets, donc de dépenses : logements, infrastructures publiques, lieux de culte, stades de football, autoroutes, réseaux ferroviaires, fibre optique, raccordements à l’énergie…

Le compte semble bon, sauf que personne n’a jusque-là réclamé du chef de l’État des justificatifs chiffrés de son action, comme on le ferait avec le gestionnaire d’une entreprise publique. Un président, on le juge d’abord et surtout sur les effets de sa politique sur le quotidien des citoyens. Et là, le bilan risque d’avoir du mal à passer, même si l’accès à l’eau potable, au gaz et à l’électricité, et bien d’autres services encore constituent des acquis indéniables pour les habitants de quasiment toutes les régions du pays.

Mais, entend-on souvent, avec un tel volume d’investissements, l’Algérie aurait bien pu faire nettement mieux si elle avait fait preuve d’une meilleure maîtrise des coûts et délais des projets et surtout d’une meilleure définition des priorités.

Vue sous cet angle, l’action du président, et pas seulement durant le mandat actuel, ne peut être considéré comme un franc succès. Beaucoup d’insuffisances persistent et autant de promesses non tenues.

En près de vingt ans au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika a beaucoup fait, mais il a échoué là où il n’avait pas le droit à l’erreur : la diversification de l’économie, toujours fortement dépendante des hydrocarbures, ce qui rend le pays vulnérables aux fluctuations du prix du pétrole et l’expose à des crises dangereuses.

L’échec est si indéniable qu’il est admis, implicitement certes, même par les plus fervents défenseurs du président, comme le Premier ministre Ahmed Ouyahia qui, il y a quelques mois, jurait publiquement que sans la planche à billets, le gouvernement qu’il dirige n’allait pas pouvoir verser leurs salaires aux fonctionnaires. En un mot, le président Bouteflika risque de partir en laissant le pays tel qu’il l’a trouvé il y a vingt ans, c’est-à-dire entièrement dépendant des recettes pétrolières.

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