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Ciblage des subventions : l’enquête sur les revenus des ménages est-elle nécessaire ?

Ciblage des subventions : l’enquête sur les revenus des ménages est-elle nécessaire ?

ENTRETIEN. Ferhat Ait Ali, économiste, explique dans cet entretien pourquoi l’enquête sur les revenus des ménages, que le gouvernement compte réaliser cette année, est inutile.

Propos recueillis par Achira Mammeri

Le gouvernement prévoit de réaliser un recensement national des revenus des ménages, préparatoires à la rationalisation de la politique des subventions publiques, selon le décret relatif à la mise en œuvre du financement non conventionnel, publié au Journal officiel n°15. Est-ce qu’il a les outils et les moyens pour réaliser ce genre d’enquête ?

D’abord, je ne vois pas l’intérêt  pour le législateur d’introduire cette mesure dans le décret portant mécanisme de suivi des mesures et réformes structurelles dans le cadre de la mise en œuvre du financement non conventionnel. Un texte qui devait être consacré à l’encadrement de l’émission monétaire dans le sillage du recours à la planche à billets. C’est peut être une façon pour le gouvernement de prouver sa volonté de réduire le déficit par tous les moyens en réduisant ses dépenses notamment l’enveloppe budgétaire allouée aux subventions. Sauf que le gouvernement se penche sur ce dossier depuis deux ans en collaboration avec la Banque Mondiale. Cette enquête ne va pas déboucher sur quelque chose de concret. Il n’y a aucun doute.

Pourquoi ?

Les raisons sont multiples. Je peux citer notamment l’activité informelle, la disparité des revenus, en plus de l’érosion du pouvoir d’achat. 70% des ménages algériens sont à faible revenu avec un revenu mensuel allant de 30.000 à 40.000 DA. Comment va-t-on classer ces ménages ? Pourquoi mener une enquête alors que le gouvernement connait exactement la grille de salaires dans le secteur économique et la fonction publique ? Si on s’intéresse maintenant aux revenus non repérés, c’est-à-dire ceux provenant de l’informel, alors comment peut-on savoir qui fait quoi et combien gagne-t-on ? Et puis comment va-t-on classer ces familles qui chacune à sa manière tente de trouver d’autres ressources financières pour subvenir à ses besoins basiques ? Ces familles seront-elles éligibles à une aide de l’État ?  Pour résumer, les données financières sur les revenus les plus faibles sont en possession du gouvernement.

Le gouvernement insiste sur la rationalisation des dépenses. Comment cela peut-il se traduire concrètement ?

Le gouvernement reconnait en fait que sa gestion est irrationnelle. Il faudrait commencer dans ce cas par la rationalisation de la dépense publique. Les subventions ont servi de paravent à une disparité intolérable des grilles de salaires. Une disparité de coefficient de 1 à 50 entre le plus haut niveau et le plus bas niveau de la fonction publique. Un tel coefficient est impossible à compenser avec un ciblage. Les pauvres représentent la majorité de toute façon. Prenant l’exemple de l’électricité, il n’y a pas moyen de réorienter les subventions parce que si on s’amuse à faire payer au gens l’électricité à son prix coûtant, c’est le salaire qui y passe. Quand vous payez une centrale trois fois son prix à l’international et que vous venez après demander à la population de couvrir la mauvaise gestion et l’incompétence de certains cadres, cela n’est pas normal aussi.

Qu’est ce qui doit être subventionné ?

Le dinar, qui était subventionné, a beaucoup perdu de sa valeur. Si le gouvernement continue dans sa politique d’émission monétaire, cette monnaie ne vaudra pas plus que le papier sur laquelle elle est imprimée d’ici à deux ans. À mon avis, si on a rationalisé les grilles de salaires, on n’aurait pas eu besoin de faire d’émission monétaire ou de dévaluer le dinar.

 Les subventions du lait et du pain ne font pas la différence. Il faut subventionner l’éducation, la santé,les médicaments, jusqu’à encourager la production locale de cahiers et de stylos. La prime de scolarité doit augmenter, idem pour les allocations familiales. Tout cela en attendant la révision de la politique salariale.

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