Société

Covid-19 en Algérie : « Les malades sont livrés à eux-mêmes »

Le discours sur une deuxième, voire une troisième vague de l’épidémie du coronavirus Covid-19 en Algérie ne repose sur aucun argumentaire épidémiologique ou scientifique, affirme le Pr Mustapha Khiati, président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem).

« Parler d’une 2e vague, cela suppose qu’il y ait un nouveau virus ou que le virus ait changé sa composition génétique, ou dit autrement, il aurait muté. La première hypothèse (d’un nouveau virus) est exclue puisque les frontières sont toujours fermées, il reste la seconde possibilité d’une probable mutation du virus. Or, il n’y a pas d’étude génétique. Le seul service capable de la réaliser est le Centre de biotechnologie de Constantine. Or ce dernier n’a pas été instruit pour le faire », développe le Pr Khiati.

Lits de réanimation : la sonnette d’alarme

Selon le Pr Khiati, l’épidémie de la Covid ne s’est pas estompée mais a subi trois rebonds des contaminations qui ont conduit, depuis quelques jours, à un bilan inquiétant de plus de 1 000 cas confirmés quotidiennement.

Résultat : saturation des hôpitaux qui, pour certains, ont dû rouvrir de nouvelles salles pour faire face à l’afflux des malades.

« Et c’est là qu’on a lancé des appels pour ouvrir des espaces en dehors des hôpitaux, comme par exemple la Safex où on peut aménager 4 200 lits, pour accueillir les malades qui n’ont pas besoin de réanimation, qui présentent des symptômes sans avoir besoin d’une oxygénation », rappelle le Pr Khiati qui déplore que le ministère de la Santé ait « décidé d’utiliser uniquement les hôpitaux au détriment de certaines spécialités qui ont cédé leurs services au Covid ».

« Résultat des courses, il y a assez de malades qui ne sont pas soignés. On assiste comme en mars dernier à une suspension des interventions chirurgicales et des services qui ne vont plus assurer leurs activités, je cite essentiellement les malades chroniques », alerte-t-il.

Le président de la Forem tire la sonnette d’alarme concernant les lits d’hospitalisation notamment en réanimation : « Les malades sont livrés à eux-mêmes ; un malade qui décompense est obligé de faire le tour des hôpitaux à la recherche d’une place, ce qui est inadmissible », s’emporte Pr Khiati.

À ce propos, le président de la Forem se demande ce qu’est devenue la sous-commission créée en mars dernier par le ministère de la Santé, et chargée de la gestion des lits.

Dimanche, le Pr Benbouzid a écarté de recourir dans l’immédiat aux hôpitaux de campagne. « Il y a 42% de taux d’occupation (dans les hôpitaux), il y a encore de la place, ce ne sont pas tous les hôpitaux qui sont saturés. Il vaut mieux nous réarmer pour faire face à cette incoordination », a dit le ministre de la Santé.

Les enfants immunisés à 98 % contre le Covid

Le Professeur en pédiatrie se prononce en faveur du maintien des écoles ouvertes, malgré la situation sanitaire. « J’étais parmi les premiers à m’opposer à la fermeture », précise-t-il.

Une attitude, insiste-t-il, qui est motivée par des arguments scientifiques. « Les enfants, dans la plupart des cas, sont immunisés à 98%, c’est prouvé scientifiquement. Plusieurs études ont démontré que seulement 1 à 3% des enfants ont contracté le Covid dans le monde. En Algérie, une étude a montré qu’il n’en y a que 3%. Les choses sont donc claires », expose le scientifique.

Le pédiatre balaie les « suppositions » selon lesquelles les enfants pouvaient être des porteurs sains et contaminer les adultes. « Mais les nouvelles études scientifiques ont établi qu’en fait, les enfants ont des anticorps qui détruisent les virus éventuels de Covid. Et qu’ils n’étaient pas porteurs. Et c’est pourquoi certains pays ont autorisé, depuis un mois, que les enfants rendent visite à leurs grands-parents », explique le Pr Khiati.

Qu’en est-il des contaminations dans les écoles ? « Ce sont (le fait) ou bien des enseignants ou alors le personnel administratif, du fait qu’on n’a pas respecté le protocole sanitaire appliqué aux écoles », répond le pédiatre.

Interrogations et incertitudes autour du vaccin

Sur la question du vaccin anti-Covid et les préparatifs de l’Algérie pour son acquisition, le Pr Khiati note que le « le discours politique a été clair dès le départ : l’Algérie acquerra le vaccin le plus tôt quel que soit le coût ».

Si sur ce point, les choses sont très claires, il n’en est pas de même en ce qui concerne la validation du ou des vaccins. Si des pays disposent de leurs propres organismes de certification (la FDA aux USA, Agence européenne des médicaments, ndlr), les autres pays, à l’instar de l’Algérie, devront attendre la validation de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), rappelle le Pr Khiati.

Viennent ensuite les incertitudes autour du vaccin lui-même. « Personne ne parle du problème des effets secondaires. Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune publication scientifique sur les vaccins. Tout ce qu’on a ce sont les déclarations ou des communiqués des laboratoires qui les fabriquent », fait remarquer le Pr Khiati.

Selon lui, les laboratoires auraient signifié qu’ils dégageaient toute responsabilité quant aux effets secondaires éventuels de leurs vaccins respectifs.

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