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« Défendre le pouvoir d’achat ne signifie pas augmentation des salaires »

« Défendre le pouvoir d’achat ne signifie pas augmentation des salaires »

Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), est revenu, lors du TSA Direct de ce jeudi 15 février 2018, sur la plateforme de revendications présentée, lors de la grève nationale de mercredi 14 février, par l’Intersyndicale dont le SNPSP.

Cette grève a été déclarée illégale par la justice. « Nous n’avons reçu aucune notification par les canaux légaux sur la décision de la justice de considérer la grève illégale. Jusqu’à quand, les questions relatives aux conflits sociaux continuent à être envoyées aux tribunaux alors que la loi offre plusieurs possibilité de les régler à travers la négociation, le dialogue et les réunions de conciliation ? », s’est-il interrogé.

Selon lui, le gouvernement a, depuis juin 2004, adopté une méthode pour « traiter » les conflits sociaux qui consiste à déclarer, à travers les tribunaux, l’illégalité des arrêts de travail.

« Après, plusieurs mesures sont prises comme la ponction sur salaire, le changement de poste, la menace de licenciement et le remplacement des grévistes, comme on le constate aujourd’hui dans le secteur de l’éducation. Il y a aussi la menace de retirer l’agrément aux syndicats autonomes. Pour le cas du SNPSP, nous avons toujours respecté les procédures légales et administratives avant le recourir à la grève. Malgré cela, nous avons toujours été contraints à arrêter le débrayage par décision de justice. Des décisions que nous avons toujours respectées », a-t-il souligné.

L’UGTA critiquée

Le gouvernement ne fait, d’après lui, que reporter à plus tard le règlement des problèmes sociaux qui « s’accumulent » au fil du temps. « Le gouvernement craint le dialogue avec les syndicats autonomes qui, aujourd’hui, ont toute leur place dans la société. Il ne préfère parler qu’avec l’UGTA qu’il considère comme un partenaire social unique et stratégique. Nous ne voyons pas en l’UGTA l’espace qui défend nos droits et plaide nos revendications », a-t-il appuyé plaidant pour le respect des libertés syndicales.

Il a rappelé que l’Intersyndicale a saisi l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les entraves à l’action syndicale en Algérie.  Il a estimé que la situation sociale se complique de plus en plus depuis l’an 2015 avec les lois de finances adoptées depuis avec le soutien de l’UGTA.

« Les travailleurs ne doivent pas attendre 60 ans pour aller à la retraite »

Lyes Merabet a expliqué les points portés par l’Intersyndicale (14 syndicats) comme la révision du régime de retraite, le projet de refonte du Code du travail, le projet de la loi sur la santé et le pouvoir d’achat.

« Nous souhaitons que le gouvernement nous écoute sans intermédiaire. Nous avons des propositions à faire sur le régime de retraite. Le projet a été adopté lors de la Tripartite de juin 2016 sans la présence des syndicats autonomes. Nous avons dit que les travailleurs ne doivent pas attendre 60 ans pour aller à la retraite après 32 ans de métier surtout qu’il n’existe pas d’avantages, la proportion restant à 80%. Et, il y a des secteurs où il faut prendre en compte la pénibilité du travail comme dans l’éducation et la santé. La loi de 1983 sur la retraite avait évoqué les professions à haute pénibilité et à haut risque et prévu la possibilité de réduire l’âge de la retraite. Ce texte avait prévu aussi un dispositif réglementaire allant dans ce sens. Ce dispositif n’a jamais été mis en place », a regretté Lyes Merabet.

Le gouvernement a, selon lui, précipité le départ à la retraite de presque 800.000 travailleurs aggravant la situation financière de la CNR (Caisse nationale de la retraite).

« Certains travailleurs ne voulaient pas de la retraite anticipée. En un clin d’œil, nous avons perdu leur expérience surtout dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Il n’y a eu même pas la période de transition entre nouveaux recrues et travailleurs expérimentés. Aujourd’hui, nous constatons sur le terrain des problèmes liés à cette situation », a-t-relevé.

« Défendre le pouvoir d’achat ne signifie pas augmentation des salaires »

L’Intersyndicale exige la protection du pouvoir d’achat des algériens. « Défendre le pouvoir d’achat ne signifie pas augmentation des salaires. Il s’agit de maîtriser les coûts et les prix, organiser le marché. Nous appelons à la création d’un Observatoire de protection du pouvoir d’achat. Pour nous, la plupart des Algériens sont concernés par la subvention ciblée (annoncée récemment par le ministre des Finances). Cette subvention n’est qu’un complément de salaire différé. Comme le gouvernement ne peut pas revoir à la hausse les salaires, qu’il garde les subventions », a-t-il préconisé.

Il a cité trois enquêtes menées par le CNES, l’UGTA et le SNAPAP sur le salaire moyen. Des enquêtes qui ont fait ressortir qu’une famille de cinq personnes doit avoir un revenu mensuel de 45.000 dinars pour pouvoir vivre décemment. « La priorité est de combattre l’évasion fiscale,  le marché informel et la non déclaration des travailleurs, pas la suppression de la subvention », a-t-il appuyé.

« Notre crainte est que le prochain Code du travail consacre l’esclavagisme de la main d’œuvre »

Abordant la question de la refonte du Code du travail, le président du SNPSP a regretté l’éloignement des syndicats autonomes du débat sur ce projet. « Nous avons reçu une copie de ce projet après engagement du ministère de Travail d’ouvrir le dialogue avec les syndicats. Mais, depuis le changement du ministre, nous n’avons rien vu venir malgré nos nombreuses correspondances. Nous pouvons donc penser que le texte se prépare dans des chambres noires. Cette opacité produit des doutes. Notre crainte est que le prochain Code du travail consacre l’esclavagisme de la main d’œuvre, l’élargissement de la dépermanisation et l’ouverture de la voie au recrutement des enfants jusqu’à 6 ans, notamment dans le domaine artistique. Ce texte ne garantit aucune protection contre toutes les formes de harcèlement en milieu professionnel », a dénoncé Lyes Merabet.

Il a regretté que le mouvement de protestation des médecins résidents ait quelque peu occulté le débat sur le projet de loi sur la santé (à l’étude au Parlement actuellement).

Cette loi vise, selon lui, à démanteler le système de la santé publique en Algérie et « le vendre en détail à tous ceux qui ont de l’argent ». « Le ministère de la Santé n’a pas ouvert de débat sur ce projet de loi. Les syndicats n’ont pas participé à l’élaboration de ce projet. L’ancien ministre a préféré aller directement au Conseil du gouvernement proposer son projet. Le projet a été adopté par le Conseil des ministres et envoyé à l’APN. Nous avons été mis devant le fait accompli. Nous constatons une tendance vers la privatisation de la santé d’une manière anarchique. Le privé va accéder, à la faveur de la future loi, à des activités qui, pour nous, ne sont pas prioritaires. Le privé doit compléter ou accompagner le secteur public de la santé », a-t-il dit.

Supprimer le service civil

Il a rappelé que le SNPSP soutient les revendications des médecins résidents. « Eux, ils réclament la suppression de l’obligation du service civil. Nous, on va plus loin, on demande la suppression du service civil lui-même. Il doit être remplacé progressivement par d’autres mesures. Il n’y a pas de plan d’action, pas de vision pour le secteur de la santé. En 15 ans, ce secteur a vu passer dix ministres ! Il y a donc une instabilité des cadres gestionnaires. Il n’y a pas d’évaluation et pas de bilan. C’est mauvais pour nous en tant que professionnels puisque nos problèmes n’ont pas été réglés », a-t-il regretté.

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