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Élections des Ordres médicaux : chronique d’une fraude annoncée

Élections des Ordres médicaux : chronique d’une fraude annoncée

Le processus électoral de renouvellement des trois Ordres médicaux, médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes, est en cours depuis le 28 décembre 2020, les médecins sont appelés à renouveler les conseils régionaux le 27 mai 2021.

À cet effet une décision N° 2 du 12 décembre 2020 portant règlement électoral a été édictée, conformément à l’article 20 du règlement intérieur (RI) du CNDM, par le président du Conseil national de déontologie médicale (CNDM) et actuel président de l’Ordre national des pharmaciens.

L’article 12 du règlement électoral du 12 décembre 2020 édicte que ‘’ Les modalités générales de vote par correspondance sont définies par la commission nationale d’organisation et de recours (CNOER)’’.

En vertu de cela, les modalités susvisées sont énoncées Réf CNOER/CNDM/29/2020 en date du 12 décembre et signée par la présidente de la CNOER, Dr M.K, pharmacienne de son état.

Les modalités susvisées prévoient que pour les catégories d’exercice ne disposant pas de cachet humide, c’est le cachet du conseil de l’Ordre correspondant qui sera apposé sur la signature manuscrite du médecin, du chirurgien-dentiste et du pharmacien. À ce stade de données il y a lieu de relever 3 anomalies ou anormalités qui constituent autant de conditions et le terreau pour une fraude électorale :

1 – Le document signé par la présidente du CNOER est non défini dans la hiérarchie des normes des textes administratifs. Ce serait selon le guide de légistique (guide pour l’élaboration et la hiérarchisation des textes législatifs et réglementaires) une circulaire, une note de service ou instruction.

La circulaire doit se contenter d’expliquer, et ne peut rien ajouter à un texte réglementaire qui lui est hiérarchiquement supérieur, en l’occurrence la décision portant règlement électoral.

La présidente de la CNOER n’a pas qualité et n’est pas compétente pour introduire, ajouter et édicter dans ce document une règle électorale qui ne relève que d’une décision prise par le président du CNDM.

La présidente de la CNOER, désignée par le président en vertu de l’article 22 du RI du CNDM ne peut être l’alter-égo du président du CNDM et édicter une norme règlementaire. Son rôle est d‘organiser les élections en fonction de textes existants et en aucun cas produire une disposition électorale.

L’article 20 du RI du CNDM charge le président du CNDM d’édicter le Code électoral. Il ne peut de ce fait se décharger de cette mission au profit d’une quelconque commission. Une circulaire déférée au juge administratif, dès lors que les dispositions qu’elle comporte présentent un caractère impératif par l’introduction d’une nouvelle norme, est censurée.

Les dispositions prises par la présidente de la CNOER sont, du point de vue du Droit, illégales et d’effet nuls.

2 – Par la grâce de cette circulaire, voilà qu’est créé de novo et ex nihilo une nouvelle race de médecins, ceux qui exercent leur profession sans disposer de griffe humide. Pour ceux-là, la présidente de la CNOER, dans une magnanime condescendance et bienveillance mêlée de mépris, a prévu que ce sera le cachet du Conseil de l’Ordre correspondant qui sera  apposé sur la signature du médecin.

De qui se moque-t-on ? Peut-on raisonnablement penser que dans l’Algérie de 2021, un médecin en exercice n’ait pas sa griffe humide, alors que les résidents et des internes en médecine ont la leur et que le dernier, avec tout le respect qui lui est dû, des gargotiers, des artisans et des boutiquiers a sa griffe professionnelle. De quel droit peut-on attenter à l’inviolabilité d’un vote en apposant le cachet du Conseil sur (noter la précision) la signature manuscrite du votant et que cette dernière devienne illisible et indéchiffrable.

L’absence de griffe professionnelle sur l’enveloppe externe du votant par correspondance ne permet plus d’affirmer avec certitude l’identité du votant et laissera planer plus qu’un doute sur l’authenticité du vote.

Toute enveloppe revêtue de la seule griffe humide du Conseil sera frappée inévitablement d’une très forte suspicion de manipulation et de détournement du choix du votant au risque d’entacher la crédibilité du scrutin.

À quelle véritable dessein cette disposition répond-elle si ce n’est de rajouter une condition de fraude électorale de plus à celle déjà existant depuis 2012 : confusion des commissions d’organisation et de recours en une seule commission d’organisation et de recours ?

3 – Commission nationale d’organisation et de recours. (CNOER)

Pour les élections de renouvellement des Ordres médicaux de 2012, le président du CNDM, président de l’Ordre national des pharmaciens édicte la décision N°1 en date du 28 juin 2012 portant règlement électoral avec une seule commission nationale d’organisation et de recours, en violation et en infraction au RI du CNDM en vigueur depuis 2008.

Le RI imposait dans son article 46 deux commissions distinctes ( l’une pour l’organisation, l’autre pour le recours) avec incompatibilité pour les membres d’être en même temps dans l’une et dans l’autre. Le Conseil régional de Blida a introduit en date des 30 juillet et 12 août 2012 des recours portés par voie d’huissier de justice et demandant au président du CNDM de mettre le règlement électoral en conformité avec le RI du CNDM.

Qu’à cela ne tienne, le président du CNDM, président de l’Ordre national des pharmaciens, plutôt que de mettre le règlement électoral en conformité avec le RI du CNDM, texte réglementaire qui lui est antérieur et hiérarchiquement supérieur, édicte le 23 août 2012 un nouveau RI du CNDM où les deux commissions sont fusionnées en une seule et un nouveau Code électoral qui par la magie de ce tour de passe-passe devient donc conforme au RI du CNDM.

Depuis 2012, toutes les élections des Ordres médicaux sont organisées par une CNOER violant un principe sacrosaint, universel et élémentaire de la séparation des pouvoirs, que celui qui organise des élections ne peut être celui qui traite les recours pour malversations, supposées ou réelles, volontaires ou involontaires.

L’existence d’une seule commission est en soi une antinomie, elle vide de son sens l’idée même du recours. Cette disposition rabaisse une institution aussi noble et prestigieuse qu’est l’Ordre des médecins, censé prôner la Morale et la Droiture, à un ‘’ Laab Hmida ou Recham Hmida’’.

Quelle que soit la régularité des élections organisées dans ces conditions, leur crédibilité sera fortement entachée de suspicion.

Nous avons très récemment en date du 28 février 2021, porté de nouveau ces réserves à l’actuel président du CNDM afin de faire introduire les amendements nécessaires et de faire éviter aux Ordres médicaux d’être la risée des confrères et de rétablir quelque peu une confiance écornée à juste titre et à bien des égards par de tels comportements. La sagesse et l’esprit de responsabilité ayant déserté les responsables de l’Institution Ordinale, comme attendu, aucune réponse à ce jour ne nous est parvenue.

 

*Président du Conseil régional de l’Ordre des médecins de Blida


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