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EXCLUSIF- Entretien avec Raouf Bernaoui, candidat à la succession de Berraf à la tête du COA

EXCLUSIF- Entretien avec Raouf Bernaoui, candidat à la succession de Berraf à la tête du COA

Raouf Salim Bernaoui, ancien athlète et ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, est candidat à la présidence du Comité olympique algérien (COA) prévue le 12 septembre.

Dans cet entretien exclusif accordé à TSA, il parle de son programme et des nouveautés qu’il compte apporter. Il évoque aussi les turbulences qu’a connues le COA ces dernières années, son expérience en tant que membre du gouvernement, les difficultés que rencontrent les athlètes, l’hégémonie du football…

Bernaoui, pourquoi vous êtes-vous porté candidat à la présidence du Comité olympique algérien ?

Je suis membre de droit de l’assemblée générale du Comité olympique algérien, et je pense que j’ai acquis une modeste expérience en club, à la fédération, comme membre des instances internationales puis à la tête du secteur. Vu les turbulences que le mouvement sportif a connues ces dernières années, nous avons décidé avec un groupe de jeunes, modestement, de nous présenter avec un programme pour gagner la confiance de l’assemblée générale, avec l’objectif d’apaiser et de normaliser les relations avec tous les partenaires : ministère, institutions nationales et internationales, les associations que sont les fédérations et les clubs et surtout les athlètes.

Avez-vous toutes les chances de gagner le 12 septembre ? 

Ce n’est pas la personne qui compte, mais le programme. Je pense que le programme que nous allons présenter sera très intéressant pour le mouvement olympique et le mouvement sportif. C’est un programme en trente-six points et chaque point est très important. Il s’agit pratiquement de révolutionner le Comité olympique et de le moderniser. Je citerai la création de comités olympiques régionaux. Il n’est pas normal que des pays qui font cinq ou six fois moins la superficie de l’Algérie aient des comités régionaux et nous, on n’en a pas.

Le Comité olympique c’est des principes et des valeurs, c’est le fair-play, l’intégrité, la lutte contre le dopage. Pour véhiculer toutes ces valeurs, nous avons jugé utile de créer des comités olympiques régionaux au Sud, au Centre à l’Est et à l’Ouest. Le siège principal sera dans la capitale. Cela fera beaucoup de bien pour le mouvement sportif à travers le pays.

Quel sera le rôle concret de ces comités régionaux ?

Il s’agit d’être présent sur tout le territoire national et de se rapprocher des gens, du mouvement associatif, surtout sportif, des bénévoles… Cela va faciliter la tâche de véhiculer les valeurs olympiques sur le territoire national. Parce qu’on a beaucoup de problèmes, surtout dans les disciplines de compétition, il y a de la violence, de la tricherie, etc. Je pense que c’est le rôle du Comité olympique de combattre cela. Ce serait bien de prévenir.

Hormis les comités régionaux, quels sont les autres principaux points de votre programme ?

Nous proposons d’apporter un soutien logistique et financier complet aux fédérations à travers des financements et des formations à travers des séminaires. Cela permettra à nos cadres de se recycler et de se mettre à niveau par rapport à ce qui se passe dans le monde.

L’autre point très important dans notre programme, c’est d’uniformiser les équipements pour toutes les sélections nationales. Ça ne va pas coûter beaucoup d’argent et ça va donner une belle image digne d’un grand pays comme l’Algérie.

Nous allons aussi procéder à la création d’une classe pilote sport-études, le temps qu’on aura des clubs performants qui vont fournir des athlètes d’élite pour les équipes nationales.

L’accompagnement des athlètes dans leur processus de reconversion après leur carrière est un autre point que nous considérons comme important, tout comme l’encouragement de l’intégration des Algériens dans les instances internationales. Cela leur permettra d’être présents et de faire du lobbying.

Il faut que l’Algérie reprenne sa place et qu’on soit leaders dans le continent, au niveau régional et au niveau mondial. Le pays donne beaucoup pour les jeunes et le sport et c’est très normal que les Algériens soient présents dans les instances internationales.

Nous comptons aussi encourager l’inclusion des personnels issus de la catégorie handisports et la mise en place d’une politique qui encourage le sport féminin.

Enfin, il est prévu la création d’une chaîne TV olympique et l’ouverture d’une boutique du Comité olympique.

Vous avez évoqué les turbulences qui ont marqué le Comité olympique ces dernières années. On a assisté aussi à des accusations de malversations. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?

Je pense sincèrement que le Comité olympique est sorti de sa vocation initiale qui est de véhiculer les principes et les valeurs olympiques. Je pense qu’il faut faire revenir le COA à ses principales missions. On va ramener beaucoup d’apaisement et normaliser les relations avec tout le monde, parce que c’est très important de travailler dans un climat serein et apaisé.

Nous ne faisons pas de reproches, disons que nous constatons un vide qu’il faut combler. C’est vrai que l’ancienne équipe a réalisé beaucoup de choses, mais il faut être présent sur le plan interne parce que le Comité olympique ce n’est pas que l’international. Il faut importer les valeurs olympiques et les asseoir en Algérie. Le mouvement sportif mérite cela.

Pour les accusations de malversation, s’il y a des dossiers avérés, ce ne sera pas notre rôle, ce sera celui de la justice. Notre rôle sera d’installer une gestion transparente et ça, c’est très important. On va s’atteler à numériser le Comité olympique. Nous tablons sur une gestion transparente, la bonne gouvernance et la compétence et pour cela, il faut être à jour.

Qu’avez-vous tiré comme conclusions de votre passage comme ministre de la Jeunesse et des Sports ?

Mon passage m’a permis d’approcher l’administration et d’enlever certaines barrières. Je pense que la bureaucratie c’est le premier adversaire de la performance. Je pense qu’avec mon équipe, on s’est attelé à enlever ces barrières et de se rapprocher du terrain, en commençant par l’athlète ou le jeune, parce que le ministère c’est aussi celui de la jeunesse et pas que du sport et c’est ainsi qu’on a pu réaliser un programme très riche. On est venus en tant que pompiers, vous connaissez la conjoncture de l’époque, mais on a pu programmer et organiser les colonies de vacances sans scandale ni accident, nous avons relancé la machine de l’entraînement. La partie essentielle était d’ouvrir les portes et de pousser tout le monde à travailler. Je pense que c’est ça qui a ramené les magnifiques résultats, les 1 120 médailles gagnées lors de différentes compétitions. C’était planifié de travailler médaille par médaille. Il y a eu aussi beaucoup de records personnels battus. C’est vrai qu’on parle beaucoup de la CAN de football, mais toutes ces médailles sont la preuve que la sérénité et l’apaisement permettent de réaliser les meilleures performances.

Je citerai aussi les textes d’application que nous avons préparés, notamment celui relatif à la gestion des manifestations sportives et l’obligation d’introduire la billetterie électronique. C’est important pour éliminer la violence dans les enceintes sportives.

Mon passage comme ministre m’a permis de faire le bilan de toute une vie en tant qu’athlète, dirigeant et membre du gouvernement. J’ai constaté que nous avons beaucoup de moyens dans ce pays. On peut faire des merveilles, il faut juste se mettre au travail, enlever les barrières et mettre les moyens qui existent à la disposition de l’association et de l’athlète.

Les athlètes, parfois de haut niveau, se plaignent justement régulièrement d’être délaissés…

C’est pour cela que je dis qu’il faut être très près des athlètes, il faut enlever les barrières, surtout bureaucratiques, et opter pour la transparence dans la gestion. Un athlète, c’est normal qu’il demande des moyens. Nous en tant que dirigeants, il faut qu’on soit à l’écoute. Le dialogue c’est important et il faut que le message des athlètes arrive. Gérer, c’est prévoir. Ensuite, il faut de la présence. Le sport c’est des détails, il faut être présent quotidiennement, instant par instant.

Pourquoi, selon vous, les athlètes algériens ne réalisent plus les mêmes performances que par le passé ?

Je pense tout simplement que c’est parce qu’on ne travaille pas beaucoup. Or, c’est le travail qui ramène les résultats. C’est vrai que l’Etat a investi énormément, surtout dans les infrastructures et les centres de préparation, mais ils ne sont pas toujours mis à la disposition des athlètes. C’est une des barrières qui les freinent. Pour le volume d’entraînement, il est dans les clubs de deux heures et demie maximum par jour. C’est très peu. Il faut donner le maximum de moyens, en commençant par rendre disponible l’infrastructure sportive pour l’athlète. Il faudra en finir avec la politique du cadenas et de la bureaucratie.

Vous avez indiqué tout à l’heure que la victoire de l’équipe nationale de football à la dernière CAN a éclipsé les autres bons résultats. Vous ne trouvez pas que le football est privilégié au détriment des autres disciplines ?

En Algérie, le football est un oxygène. Tous les Algériens respirent le football. On respecte cela et on est tous derrière notre équipe nationale. Ça m’a fait énormément plaisir de voir des millions d’Algériens fiers, défiler dans la rue. Au Caire, j’étais l’homme le plus heureux au monde. Mais il faut regarder les autres nations qui sont fortes en football. L’Allemagne, l’Espagne, la France ou le Brésil sont des nations de sport, elles sont fortes dans beaucoup de disciplines. Pour ne citer qu’un exemple, l’Espagne a aussi Nadal en tennis et Alonso en F1.

Le sport c’est aussi une dimension économique. Actuellement, c’est 1000 milliards de dollars dans le monde, 400 millions pour le football et le reste pour les autres disciplines. Le sport c’est des ressources, du travail. Il faut importer ses valeurs et s’ouvrir sur le monde. Ça me fera plaisir de voir le sport hisser notre drapeau mais aussi faire vivre des familles.

Pour les clubs de football chez nous, à mon avis, il faut leur donner les moyens, et les moyens ce n’est pas que de l’argent. Il faut les structurer pour qu’ils deviennent des entreprises rentables. Le plus important, c’est de mettre à leur disposition des infrastructures sportives, des centres de formation pour travailler et des stades.

Il ne faut pas perdre de vue que le premier revenu pour les grands clubs dans le monde, c’est les recettes du stade. La première richesse de chaque club et de chaque sport c’est le public. Dans nos clubs, il y a un manque à gagner parce que le public ne contribue pratiquement pas, il n’y a pas de vente de maillots, le prix du billet est dérisoire ce qui fait que les clubs ne peuvent pas gérer les stades… Je pense que c’est un débat profond qu’il faudra aborder avec courage.

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