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Gestion de l’épidémie de choléra : des dysfonctionnements et des zones d’ombre

Gestion de l’épidémie de choléra : des dysfonctionnements et des zones d’ombre

L’épidémie de choléra qui sévit actuellement dans plusieurs wilayas du centre du pays a débuté le mardi 7 août à Ain Bessem, à Bouira, selon un communiqué du ministère de la Santé paru ce samedi. Mais la réapparition de cette maladie, normalement éradiquée depuis longtemps en Algérie, n’a été officiellement annoncée que le jeudi 23 août, soit 16 jours après l’apparition des premiers cas.

Ce décalage de plus de deux semaines entre le moment de l’apparition des premiers cas de choléra, ou du moins des premières suspicions, et ce qu’on pourrait appeler l’aveu officiel des autorités de l’existence d’une épidémie constitue un premier dysfonctionnement manifeste dans la gestion de cette crise.

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Faut-il 16 jours pour identifier le vibrion cholérique ?

Le 8 août, un patient souffrant de vomissements et de diarrhée a été admis à l’EPH de Ain Bessam, dans la wilaya de Bouira, faisant penser à une intoxication. Le patient a été hospitalisé avant que des membres de sa famille qui lui avaient rendu visite ne finissent par présenter les mêmes symptômes. Dès lors, la notion de contagion était évidente et les symptômes de vomissement et de diarrhée devaient lancer les médecins et les autorités sanitaires sur la piste d’une maladie infectieuse et faire oublier l’hypothèse de la simple intoxication alimentaire.

L’atteinte par le choléra de ces patients n’a visiblement pas été envisagée par les médecins et une première victime est morte à Ain Bessem, le 12 du mois. Ce n’est que deux jours plus tard que la Direction de la Santé de la wilaya a envoyé une commission d’enquête sur place. C’est cette commission qui a décidé du transfert des malades de l’EPH de Ain Bessem vers l’hôpital d’El Kettar, spécialisé en maladies infectieuses.

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Jusqu’à cette date du 15 août, aucun responsable du secteur de la Santé n’a lancé l’alerte alors que des indices flagrants auraient dû éveiller leurs soupçons.

L’identification tardive de la maladie est incompréhensible puisque l’identification du choléra peut se faire en quelques heures, voire quelques minutes pour un diagnostic préliminaire et en 36 heures pour un diagnostic définitif et formel avec identification des souches dans un laboratoire de microbiologie dont sont censés être équipés tous les hôpitaux dignes de ce nom et qui sont présents dans la plupart des CHU du pays.

Les établissements hospitaliers disposent-ils de laboratoires de microbiologie et des outils nécessaires au diagnostic précoce des maladies infectieuses ? Des pathogènes ont-ils été recherchés chez les patients à l’EPH de Ain Bessem ou à l’hôpital de Bouira ? Si oui, les résultats de ces analyses ont-ils été cachés à l’opinion, voire aux familles des malades ? Ce sont là des questions qu’il est légitime de se poser au vu du retard pris dans l’annonce officielle de l’apparition du choléra.

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Le principe de précaution bafoué

La lutte contre toute maladie contagieuse repose principalement sur l’isolement et le traitement des malades infectés, l’information et la prévention ainsi que sur la destruction des sources d’infection. Si le traitement reçu par les patients atteints au début de l’épidémie, à Ain Bessem et plus tard à El Kettar et Boufarik, jusqu’à l’annonce officielle de la survenue de la maladie par les autorités n’est pas connu, l’information a été retenue par le ministère de la Santé et l’Institut Pasteur qui ne l’ont annoncée que jeudi dernier.

TSA tient de sources bien informées que l’Institut Pasteur et le ministère de la Santé étaient au courant de la nature de la maladie au moins dès le lundi 20 août alors que les faits permettent d’envisager que ces autorités sanitaires étaient au courant, ou au moins avaient de sérieux soupçons bien avant cette date, au vu du type de la pathologie, de ses symptômes typiques et de son caractère contagieux avéré dès la première quinzaine du mois d’août.

Mais ce n’est que jeudi dernier que les autorités ont annoncé la nouvelle par le biais du Directeur de l’Institut Pasteur d’Alger, Zoubir Harrath, soit au moins trois jours après la découverte de l’épidémie.

Ces trois jours (sûrement plus) perdus pour l’effort d’information de la population et de prévention contre la propagation de l’épidémie ont été gâchés pour des raisons obscures à cause desquelles le principe de précaution a été bafoué.

Lorsqu’une maladie infectieuse grave et hautement contagieuse comme le choléra est suspectée dans une localité, ce principe de précaution veut que des mesures soient prises avant même la confirmation définitive de l’existence de l’agent pathogène. Ces mesures consistent en l’isolement des malades suspects, l’information de tous les individus ayant été en contact avec eux ou avec les éventuelles sources de contamination en vue de les surveiller ou de les traiter à titre préventif.

Ces mesures n’ont été adoptées pour l’entourage des patients déclarés qu’à partir du jeudi 23 août. En agissant ainsi, les autorités sanitaires ont pris un risque et ont bafoué le principe de précaution, règle d’or dans tout système de santé.

La lenteur de la réaction des autorités sanitaires, leur rétention de l’information relative à l’atteinte de plusieurs patients hospitalisés par le choléra a sans doute mené à des contaminations supplémentaires qui auraient pu être évitées.

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Psychose et anarchie

L’information a fait défaut dans la gestion de cette épidémie qui n’est sans doute qu’à ses débuts. Les cinq ministres directement concernés par l’épidémie, à savoir le ministre de la Santé, celui de l’Intérieur, celui des Ressources en eaux, celui de l’Agriculture et celui du Commerce, sont totalement absents et aucun d’eux n’a pris la parole pour communiquer sur cette crise qui plonge toute la société algérienne dans une psychose inédite.

Les Algériens vivent depuis jeudi dans le doute. Selon des sources médicales, ce ne sont pas moins de 500 personnes qui ont sollicité des consultations à l’hôpital El Kettar depuis l’annonce de l’épidémie. La plupart de ces patients ne souffraient que de troubles digestifs sans lien avec le choléra.

La psychose qui touche les Algériens a pris une ampleur telle qu’une pénurie d’eau minérale touche actuellement les villes du centre du pays. À Alger et ses environs, il est toujours difficile de trouver de l’eau minérale dans les commerces et les prix auxquels elle est proposée ont augmenté dans nombre points de vente à cause des spéculateurs.

Aucune cellule de crise n’a été créée jusqu’à ce jour et aucun numéro vert n’a été mis à la disposition des citoyens qui auraient besoin de conseils ou d’information au sujet de l’épidémie. Quant aux cellules de communication des ministères concernés, elles restent aux abonnés absents. Celle du ministère de la Santé a vaguement communiqué ce samedi, en émettant un communiqué mais encore là, le cafouillage continue puisque les chiffres annoncés dans le communiqué sont incohérents et contredisent les annonces faites par d’autres cadres de la Santé et par des médecins et cadres des établissements où les cholériques sont pris en charge.

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