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La cherté des fruits et légumes révèle la fragilité du modèle agricole algérien

La cherté des fruits et légumes révèle la fragilité du modèle agricole algérien

Les prix des fruits et légumes ont subi ces dernières semaines une nette flambée. Les agriculteurs interrogés par TSA sont unanimes à expliquer cette envolée des prix par « la baisse de production maraîchère due à la sécheresse qui sévit dans le pays ».

« La flambée des prix montre bien la fragilité de l’agriculture algérienne fortement dépendante de la pluviométrie. Le manque de pluviométrie a eu pour conséquence un très faible rendement de la production agricole d’où la cherté des fruits et légumes », explique M. Merouani, ingénieur agronome exerçant à Sidi Bel Abbès. « Notre agriculture demeure tributaire de la pluviométrie. En dépit de la réalisation de beaucoup de projets d’irrigation, l’agriculture reste fortement dépendante des aléas climatiques. Il faut accélérer les chantiers en cours et lancer de nouveaux projets d’irrigation », plaide-t-il.

« Sur le papier, la promesse de la politique agricole du ministère est belle : atteindre l’autosuffisance. Mais est-elle tenue ? Sur le terrain, les années passent et l’agriculture algérienne accuse des retards dans sa modernisation », déplore cet agronome.

Selon lui, la première condition nécessaire à la relance de la production consiste à accélérer la modernisation de l’irrigation agricole. « Il ne s’agit pas d’opter pour l’agriculture intensive comme aux États-Unis, une agro-industrie connue pour sa forte consommation d’eau et son non-respect de l’environnement. Il faut un modèle agricole durable qui consomme moins d’eau et qui soit indépendant de la pluviométrie», préconise M. Merouani.

« La politique du gouvernement de promouvoir l’irrigation agricole a, certes, généré des résultats non négligeables en termes de croissance de la production. Mais la mise en œuvre de beaucoup de projets est en retard. Pour faire face à de nouveaux défis (changement climatique, mondialisation, etc.), le secteur agricole doit accélérer la réalisation des projets », estime l’ingénieur agronome.

La politique agricole du pays a pour objectif prioritaire l’autosuffisance alimentaire. Alors que la Tunisie couvre la totalité des besoins du pays, c’est loin d’être le cas en Algérie. Les productions laitières et céréalières sont le maillon faible. Malgré l’importation d’un cheptel laitier performant, les techniques de production sont à la traîne. Avec comme résultat la facture d’importation qui demeure salée : plus de 4 milliards de dollars par an.

« Le développement de ces deux filières est surtout freiné par la dépendance vis-à-vis des aléas climatiques qui limitent fortement certaines années les disponibilités fourragères, ce qui oblige alors à faire appel à l’importation d’aliments. La question de l’eau est cruciale pour le développement de l’agriculture du pays », souligne l’expert agronome M. Merouani.

Pour répondre à cette équation cruciale, des barrages sont réalisés pour renforcer l’irrigation agricole. Des aides publiques sont débloquées afin d’encourager les agriculteurs à adopter des systèmes d’irrigation économes. De son côté, l’Office national d’irrigation et de drainage (Onid) a lancé des projets de réalisation de périmètres irrigués notamment à Bouira, Telaghma (Aïn Mlila) et Sedrata (Souk Ahras). D’autres projets portent sur la réhabilitation des périmètres irrigués à Maghnia et à Abadla (Béchar).

Recyclage et traitement des eaux usées

Une autre alternative consiste en l’utilisation des eaux usées, traitées et recyclées dans l’agriculture. Selon l’Office national d’assainissement (Ona), les capacités de réutilisation des eaux usées traitées dans l’irrigation agricole s’élèvent à plus de 325 millions m3. Des projets ont été lancés à Tlemcen, Ouargla et à Oran. Dans ses efforts d’innovation, grâce à l’utilisation de la géothermie, l’Onid a permis de lancer une ferme pilote agro-industrielle de production de primeurs (légumes hors saison), au Nord  de Ouargla.

Implantée sur 250 hectares, cette ferme est réalisée en partenariat avec la firme espagnole Alcantara Systems. La ferme est dotée de serres et d’une station de déminéralisation de l’eau avec un système d’économie de l’eau, grâce aux techniques d’irrigation moderne par géothermie utilisant des eaux chaudes à partir de forages albiens. Les superficies irriguées ont à peine dépassé un million d’hectares grâce à l’introduction de nouvelles techniques d’irrigation, telles que le goutte à goutte et les dispositifs d’accompagnement de l’État, notamment en matière de soutien à la réalisation des ouvrages de mobilisation par l’acquisition d’équipements.

« Beaucoup de projets ont certes été lancés. Mais ce n’est pas suffisant car les zones d’agriculture pluviale demeurent majoritaires, beaucoup moins productives, étant sévèrement affectées par la sécheresse. Il faut privilégier les ouvrages de petite hydraulique et développer l’irrigation localisée, plus économe et donc plus adaptée à une période de changement climatique où la ressource en eau a tendance à se raréfier. Les surfaces irriguées en gravitaire doivent être reconverties en irrigation localisée », recommande l’ingénieur agronome M. Merouani.

Pour un autre modèle agricole

« Les innovations technologiques et la mise à niveau des compétences des ressources humaines, en premier lieu des agriculteurs, sont en retard. De grands projets agro-industriels sont lancés à El Bayadh. Mais force est de dire que les questions environnementales sont négligées », déplore M. Merouani. Ce dernier plaide pour « la mise au point d’un nouveau modèle agricole », un modèle « profitable, évidemment, mais aussi biologique, durable et exportable. Un modèle permettant de produire de bons aliments à prix compétitifs, accessibles, pour que la société soit en meilleure santé », préconise-t-il.

Dans un pays comme l’Algérie, où la production agricole par hectare n’a pas progressé depuis des années, les paysans dégagent une production moyenne de 12 quintaux par hectare en produits maraîchers, contre 30,9 en Asie ou 54 en Europe.

Les rendements sont donc aujourd’hui très faibles. Les contraintes environnementales, comme la question de l’accès à l’eau, rendent en revanche peu transférables les modèles productivistes mis en place dans les pays du Nord. « Les directions des services agricoles ont consenti beaucoup d’effort dans l’encadrement technique des agriculteurs, leur vulgarisation de l’irrigation d’appoint, l’assistance dans le montage des projets d’irrigation. Mais force est de constater que beaucoup reste à faire en matière de formation et d’accompagnement technique pour aider les agriculteurs à moderniser leurs exploitations », estime M. Merouani, pour qui « la dimension environnementale, avec des pratiques agronomiques plus écologiques, devrait être privilégiée ».

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