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La frontière franco-espagnole, nouveau point de passage des migrants

La frontière franco-espagnole, nouveau point de passage des migrants

Sanogo est parti de Côte d’Ivoire il y a deux mois. Passé par la Libye, puis le désert algérien à travers lequel il a marché « pendant des jours », il a franchi la frontière espagnole à Hendaye, dans l’ouest des Pyrénées françaises. Avant Paris.

La route de l’Espagne est empruntée par de plus en plus de migrants. Le mois dernier, le ministre français de l’Intérieur Christophe Castaner avait estimé que « les non-admissions à la frontière franco-espagnole avaient augmenté de 60% dans les Pyrénées-Atlantiques par rapport à l’an passé ».

A Bayonne, « capitale » du pays basque français, Sanogo a trouvé refuge auprès des associations Diakité et Atherbea, qui assurent l’accueil des dizaines de migrants arrivant chaque jour. Dans 100 m2 prêtés par la ville, ils sont « mis à l’abri », expliquent les bénévoles.

Kit d’hygiène, serviettes, vêtements de rechange, manteaux, bonnets ou sac à dos sont distribués.

Beaucoup veulent rallier Paris, où les attend de la famille ou de vagues connaissances. Sanogo rejoint son père et ses frères, en France depuis plusieurs années. « J’ai fini mes études en Côte d’Ivoire et je suis parti parce que là-bas, il n’y a pas de travail ».

Il décrit « l’enfer » de l’Algérie, où il s’est fait voler son argent et son téléphone. Il ne peut « même pas raconter » la Libye: « on n’imagine pas ». Des jours passés là-bas, il parle seulement des douleurs dans le dos, à cause des coups.

Comme d’autres, il montera dans un bus pour rallier la capitale, après trois ou quatre jours en transit à Bayonne.

« Les bénévoles sont là pour les accompagner pour l’achat des tickets de bus. Ils le font eux-mêmes, on ne manipule jamais d’argent », explique Maite Etcheverry, 32 ans, présidente de Diakité.

L’association est la première à avoir accueilli les migrants sur cette nouvelle route. « On a commencé début octobre en faisant des maraudes sur la place où arrivent les bus, pour leur offrir nourriture et vêtements et aussi parfois de les héberger sur nos canapés », raconte la militante.

Elle est aidée par une autre association locale, Atherbea, spécialisée dans l’accueil de personnes en difficulté, qui gère deux foyers et le centre d’accueil des demandeurs d’asile du Pays basque.

– ‘Vivre bien » –

Dans la salle commune, sont servis des repas midi et soir. Ailleurs, les matelas recouvrent les sols. Dans la pièce des femmes et des enfants, le nombre augmente, dit Maite Etcheverry.

Pendant les longs jours d’attente, l’achat des tickets de bus pour rallier les grandes villes françaises occupe les esprits. Ibrahima Sory, 18 ans, est au téléphone avec son frère pour acheter ce sésame. Abdourahmane a déjà le sien. Les deux Guinéens sont amis, partis de chez eux il y a six mois, via le Maroc.

« On se rend compte qu’il y a beaucoup de fantasmes sur leur arrivée à Paris, ils pensent que tous les problèmes seront réglés une fois là-bas », dit une bénévole.

« Aujourd’hui, on a un souci avec la compagnie de bus Flixbus qui, dans certains cas, demande des pièces d’identité à la montée, alors que les gens ont acheté leur billet et qu’il est valide ».

L’association Diakité a décidé de porter plainte. A l’instar du maire de Bayonne Jean-René Etchegaray, qui dénonce des « pratiques de discrimination raciale » et a alerté le procureur de la République.

« On demande des papiers d’identités aux gens de couleur noire mais on ne les demande pas aux passagers européens », tempête la présidente de Diakite.

Tout près, sur le pont qui fait office de frontière, à Béhobie, le manège des reconduites à la frontière est ininterrompu. Les policiers français ramènent les migrants de l’autre côté, où la Guardia civil prend le relais.

C’est ce qui arrive à Mohammed, Algérien de 25 ans qui voulait rejoindre la France pour « y vivre bien et au calme ».

Mais les accords franco-espagnols de Malaga (2002) autorisent les reconduites « dans les quatre heures suivant le passage illégal de la frontière commune ».

« Cela se passe avec des formalités très minimales, hors procédure juridique. On a reçu des témoignages de personnes qui ont essayé de passer ce pont jusqu’à dix fois dans la journée », dit Maite Etcheverry.

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