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Le baril à 75 dollars : qu’est-ce qui pourrait changer pour les finances de l’Algérie ?

Le baril à 75 dollars : qu’est-ce qui pourrait changer pour les finances de l’Algérie ?

Le baril termine le mois d’avril à près de 75 dollars. Depuis le début de l’année, la moyenne des cours pétroliers est sensiblement supérieure à 70 dollars. La plupart des analystes restent néanmoins, à juste titre, très prudents en soulignant le caractère « conjoncturel » de la hausse des prix et l’influence actuellement déterminante de facteurs géopolitiques.

Un retournement de tendance n’est donc nullement exclu dans les semaines qui viennent même si le PDG de Sonatrach vient d’estimer que le prix de 75 dollars, atteint à la fin de la semaine dernière pour la première fois depuis 3 ans , était le « juste prix » pour le baril.

Bien qu’elle reste encore très fragile, cette nouvelle conjoncture pétrolière semble donner des marges de manœuvre financières, improbables voici encore quelques mois aux autorités algériennes. Quel pourrait être leur impact sur les équilibres budgétaires et sur les équilibres externes ? Avec quelles conséquences possibles sur la politique économique du gouvernement ?

Un prix d’équilibre budgétaire à 100 dollars en 2018

Intervenant au mois d’octobre dernier devant les députés dans le cadre de la présentation du projet d’amendement de la loi relative à la monnaie et au crédit, le ministre des Finances Abderrahmane Raouya avait surpris beaucoup de monde en indiquant que l’Algérie avait « besoin d’un baril de pétrole à 70 dollars pour équilibrer son budget ».

Le baril à 70 dollars serait-il donc susceptible de régler nos problèmes budgétaires et de rendre caduque en conséquence le recours à la planche à billet qui a fait couler tellement d’encre au cours des derniers mois ?

Ce n’est malheureusement pas le cas .Le ministre des Finances voulait parler du budget 2017 et pas de celui de l’année 2018. La réduction des dépenses budgétaires enregistrée à partir de 2016 et accélérée en 2017 avait fait redescendre le prix d’équilibre budgétaire, dans le cadre de la loi de finance 2017, à un niveau proche de 75 dollars sur la base de dépenses prévues de 6.800 milliards de dinars et d’un déficit annoncé un peu supérieur à 1.200 milliards de dinars.

Finalement, le déficit budgétaire pour 2017 aura été moins élevé que prévu .C’est ce qui avait conduit le ministre des Finances à évoquer un chiffre de 70 dollars pour équilibrer le budget à la fin de l’année dernière.

Pour l’année 2018, les choses s’annoncent de façon très différente. Le projet de Loi de finances prévoit des dépenses budgétaires en très forte hausse par rapport à l’année 2017. Ces dépenses devraient s’élever cette année à plus de 8.600 milliards de dinars, ce qui provoquera également une forte hausse du déficit budgétaire programmé à 2.100 milliards de dinars.

Dans ces conditions, c’est un baril à près 100 dollars contre 55 dollars seulement prévus par le projet de loi de finance 2018 qui permettrait d’équilibrer le budget de cette année.

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Le programme de planche à billet revu à la baisse ?

On connait la façon dont le gouvernement a décidé de financer l’énorme déficit budgétaire ( lus de 13% du PIB) prévu en 2018. Un programme de financement par la planche à billet a été annoncé par le gouvernement qui prévoit un peu plus de 1.800 milliards de dinars (environ 15 milliards de dollars) de création monétaire au titre de l’année en cours rien que pour le déficit du budget.

En annonçant ces chiffres, le ministre des Finances a également assuré, toujours devant les parlementaires, que le gouvernement « essaiera de faire le moins de financement monétaire possible ».

Pour l’instant, les données disponibles indiquent que la première tranche de financement monétaire, dont les montants ont été révélés récemment par la Banque d’Algérie, a réservé environ 730 milliards de dinars au financement du déficit du budget.

Compte tenu du niveau actuel de la fiscalité pétrolière et des assurances de M .Raouya, il n’est donc pas impossible et il est même probable que le montant réel de la création monétaire prévu pour cette année soit révisé en baisse sous réserve que les cours pétroliers continuent de se comporter de façon aussi favorable pour les finances nationales.

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Un déficit des paiements courant réduit de moitié ?

Du fait que le gouvernement avait « pris de l’avance » en matière de programmation des dépenses, les équilibres budgétaires ne seront pas bouleversés par la nouvelle conjoncture pétrolière. Est-ce qu’il en sera de même pour les équilibres financiers extérieurs ?

Les résultats du commerce extérieur pour le premier trimestre 2017, qui viennent d’être publiés par les douanes algériennes, sont très significatifs pour au moins une raison. Ils annoncent des exportations pétrolières de pile 10 milliards de dollars pour les 3 premiers mois de l’année. Dans le même temps, le déficit commercial a été réduit à un peu moins de 500 millions de dollars.

Même si l’extrapolation de ces chiffres à l’ensemble de l’année est encore aventureuse, le baril à 70 dollars pourrait donc réduire le déficit commercial dans sa version douanes algériennes à deux milliards de dollars. La version Banque d’Algérie devrait être plus proche de 5 milliards de dollars et ramènerait néanmoins le déficit des paiements courants dans une fourchette comprise entre 12 et 14 milliards de dollars; ce qui serait pratiquement moitié moins que le déficit de 22 milliards enregistré en 2017.

Ce serait également beaucoup moins que le déficit du compte courant prévu encore la semaine dernière par la Banque Mondiale qui annonce qu’il devrait s’établir encore à -16,1% du PIB en 2018 soit un niveau très proche de celui de 2017.

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Une levée rapide des suspensions à l’importation ?

En terme de politique commerciale, cette situation plus favorable des échanges extérieurs pourrait plaider en faveur d’une levée plus rapide que prévu des dispositifs de suspension de certains produits à l’importation.

Le ministre du Commerce a déjà évoqué la semaine dernière leur remplacement prochain par des mesures tarifaires. Le traitement routinier qui a été réservé par les autorités algériennes aux négociations en cours avec les partenaires européens (pas le moindre communiqué officiel publié sur ces négociations) s’inspire manifestement de la volonté de les dédramatiser et semble s’inscrire dans cette démarche d’apaisement des inquiétudes des partenaires commerciaux de l’Algérie.

Une telle mesure aurait en outre l’avantage de procurer des ressources douanières supplémentaires et d’alléger un dispositif de gestion lourd et bureaucratique qui n’a pas pu éviter de pénaliser certaines filières de production nationale.

Vers des réserves de change réduites à 90 milliards de dollars en juin 2018

Ces évolutions prévisibles n’empêcheront pas dans tous les cas de figure les réserves de change de continuer à diminuer. Elles devraient, avec une quasi certitude, passer sous la barre des 90 milliards de dollars dès le mois de juin prochain compte tenu de la hausse du dollar depuis le début de l’année qui va provoquer un effet de valorisation négatif.

Pour la fin de l’année en cours, c’est le seuil des 80 milliards de dollars qui devrait être en vue même en cas de maintien des prix pétroliers à leur niveau des 4 premiers mois de l’année.

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Des conséquences pas forcément positives….

Juin 2014- avril 2018. Près de 4 ans ont passé depuis le déclenchement de la chute des prix pétroliers. Un haut fonctionnaire algérien commente sévèrement les résultats de la politique économique conduite au cours de cette période : « On n’a pas fait d’ajustement. On s’est contenté de consommer les réserves financières en attendant un rebond des prix pétroliers ».

Le bilan des réformes mises en œuvre depuis 4 ans est en effet assez maigre. Il se résume pour l’essentiel à quelques annonces sur la réforme des subventions dont le démarrage a été renvoyé à 2020. Au bilan de la période, on pourra inscrire aussi quelques avancées, encore controversées dans le cas de la filière automobile, en matière de relance et de diversification de la production industrielle.

En dépit de la poursuite de l’érosion, à un rythme ralenti, des réserves de change, le nouveau contexte pétrolier plus confortable pour les finances nationales risque de (ré) installer le décor familier de dirigeants algériens qui prennent tout leur temps pour mettre en œuvre les réformes, impopulaires et compliquées, qui permettraient à notre pays de réduire sa dépendance à l’égard de la manne pétrolière. C’est le principal risque associé au baril à 70 dollars.

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