Politique

Le colonel Lehbiri a-t-il une vision pour la police ?

La direction générale de la sûreté nationale (DGSN) connait depuis le départ du général major Abdelghani Hamel, le 26 juin dernier, des changements dans les postes de responsabilités.

Des changements qui restent entourés d’opacité. Le colonel Mustapha Lehbiri, qui a remplacé Hamel, tente de reprendre en main un corps de sécurité qui a pris beaucoup d’ampleur ces dernières années tant par les moyens matériels qui lui ont été donnés que par le recrutement d’agents à tous les échelons.

Peu communicatif, le colonel Lehbiri, qui s’est habitué à la discrétion de la Protection civile qu’il a dirigée pendant dix-sept ans et de l’armée où il a passé presque quarante ans, ne dit rien de ce qu’il veut faire du corps de la police.

A-t-il une vision de modernisation ? Partage-t-il la théorie de « la gestion démocratique des foules » de son prédécesseur ? Autorisera-t-il ses agents, qui sont fonctionnaires de l’Etat, à se doter d’un syndicat comme le veut les lois et règlement relatifs au travail ?

Ces derniers temps, Lehbiri, qui ne s’adresse pas aux médias, a pris des décisions qui ne semblent pas avoir plu à son hiérarchie directe. Le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, qui ne s’affiche que rarement aux côtés du nouveau DGSN dans l’espace public, a annulé, selon plusieurs médias, une décision prise par Lehbiri de limoger Hamid Goucem de son poste du directeur de la Police de l’air et des frontières (PAF).

Désaveu public

Pourquoi la décision de la mise à l’écart a été prise et pourquoi a-t-elle été annulée ? Il n’y a aucune explication ni de la part de la DGSN ni de la part du ministère de l’Intérieur. Il est vrai que l’information n’a pas été rendue publique officiellement, mais le doute est bien installé.

Le colonel Lehbiri a-t-il toute la liberté de diriger la DGSN ? A-t-il toutes les prérogatives nécessaires ? A-t-il été nommé d’une manière temporaire, le temps de faire passer « la tempête El Hamel » et les répercussions de l’affaire de la saisie de la cocaïne au port d’Oran fin mai dernier ?

Le rétablissement de Hamid Goucem dans ses fonctions est un désaveu public pour le DGSN devant ses troupes. Que s’est-il donc passé pour que le ministre de l’Intérieur intervienne dans ce qui aurait pu paraître comme une décision interne ?

Lors de son installation comme DGSN, en juin dernier, Noureddine Bedoui avait qualifié Lehbiri « d’homme révolutionnaire » qui a « une grande expérience dans les domaines du sécuritaire et de l’humanitaire ».

Il disait qu’il comptait sur cette « expérience » pour diriger la DGSN. Est-il toujours de cet avis ? Visiblement, la méthode de Lehbiri ne plait pas à Bedoui qui souhaite que ses services soient informés de toute décision relative à la mutation et au changement de postes au sein de la DSGN.

Un conflit de prérogatives ?

Le colonel Lehbiri, habitué au respect de la hiérarchie étant un ancien militaire, ignore-t-il à ce point les procédures administratives et réglementaires ?

Ces questions sont inévitables surtout que le chef de la sûreté de Dar El Beida, à l’Est d’Alger, a été rétabli dans ses fonctions dans un autre poste, après avoir été limogé par Lehbiri.

Sommes-nous devant une crise ouverte entre le DGSN et le ministre de l’Intérieur ? Un conflit de prérogatives ? Le colonel Lehbiri a, dans un premier temps, soigneusement évité de faire comme son prédécesseur qui, à son arrivée, a procédé à un vaste mouvement graduel de changement, promotion et mutation d’officiers dans plusieurs services au nom de « l’alternance et du rajeunissement des rangs ».

Hamel héritait d’une gestion à l’ancienne du colonel Ali Tounsi qui préférait le consensus, parfois le statut quo, au changement brusque et à la cassure. Le colonel Lehbiri entend imposer son empreinte sur le corps de police en procédant doucement et en essayant de maîtriser les rouages internes.

Il entend éviter un éventuel affrontement avec les fidèles de Hamel à l’intérieur de certaines unités opérationnelles de la police. Mais, il est pris également par le désir de «déhameliser » la police. Est-ce le vœu du ministère de l’Intérieur ? On n’en sait rien. D’abord, le destin professionnel d’Abdelghani Hamel, qui est toujours un officier supérieur en activité, demeure inconnu.

Bédoui veut imposer ses méthodes

L’ancien patron de la police avait contesté le déroulement de l’enquête sur l’affaire de la saisie de la cocaïne. Cette enquête se déroule loin des lumières des médias. Ensuite, les projets du colonel Lehbiri pour la DGSN de demain ne sont pas clairs pour l’instant.

Sa formation soviétique semble avoir déteint sur son mode de gestion et sur sa manière d’interagir avec son environnement professionnel et politique. Noureddine Bedoui, de plus en plus présent dans les médias et dans les réseaux sociaux, entend, de son côté, imposer ses méthodes au nouveau DGSN, après avoir évité d’affronter directement Abdelghani Hamel dont la stature est différente.

Le ministre de l’Intérieur sait qu’à l’approche de la présidentielle et qu’avec la contestation sociale, les mouvements de foules ne sont pas à écarter. La police, qui demeure toujours le seul « interlocuteur » des citoyens lors des manifestations publiques, souvent interdites, aura la mission encore plus compliquée et plus délicate dans le « maintien de l’ordre public », faute de réelle médiation sociale. Sauf si politiquement, on décide de libérer davantage le champ de l’action politique dans le pays et d’autoriser les manifestations de rue.

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