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« Le discours du chef d’état-major est venu pour recadrer les choses »

« Le discours du chef d’état-major est venu pour recadrer les choses »

Le chef d’état-major a-t-il désavoué le chef de l’État qui avait promis d’étudier la possibilité de satisfaire aux préalables des membres du Panel de dialogue et de médiation ?

Mokhtar Saïd Mediouni, officier supérieur à la retraite : Le chef de l’État a reçu le panel pour amorcer un dialogue et a dit que l’État était disposé à discuter avec le panel ce qui est dans les revendications du Hirak. Mais, je crois que le panel n’a pas mis en place, dès le départ, la bonne feuille de route. Parce que l’objectif du Panel c’était de consulter les différents acteurs et la société civile pour trouver un consensus dans le dialogue afin d’aller à la conférence nationale qui, elle, fera ressortir l’autorité qui organisera, supervisera et annoncera les résultats des élections, sans aucune autre intervention comme s’était engagé le chef d’État, Abdelkader Bensalah. Dans son avant-dernier discours, M. Bensalah a bien dit que le gouvernement n’aura aucun rôle à jouer dans ces élections, mis à part la mise en place des moyens logistiques, ce qui est une garantie extraordinaire de transparence. Le panel devait donc discuter avec tout le monde dans ce sens-là, de l’organisation des élections. Dans le même temps le Hirak disait que la justice était aux ordres, que c’était une justice des coups de fils, d’ailleurs ça a été l’une des causes du soulèvement populaire ; alors comment voulez-vous qu’aujourd’hui cette justice soit sous la pression du Hirak ?

Le panel de M. Younès a demandé la libération des détenus du Hirak avant d’engager tout dialogue et l’allègement des barrages de sécurité autour de la capitale. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ?

La justice doit être indépendante et doit être sereine dans son travail. Il faudrait qu’on respecte notre justice. Si l’on veut passer à une nouvelle république, on ne peut pas appeler la justice pour lui demander de libérer telle ou telle personne. Il y a des magistrats qui sont honnêtes et sincères dans leur démarche et on peut au moins les laisser faire leur travail de façon plus sereine, comme l’a rappelé le chef d’état-major. Quand on veut aller vers un dialogue sincère, on ne doit pas mettre des préalables et des conditions. Certaines personnalités sont allées jusqu’à des menaces. Cela est inacceptable. Et le chef d’état-major a répondu quand la condition de lever les barrages autour d’Alger a été posée. Vous savez, ces barrages existent depuis les années 1990 et ce sont ces points de contrôle installés autour de la capitale qui ont épargné à l’Algérie beaucoup de malheurs. Quand on parle de barrages et des problèmes sécuritaires, je crois qu’il y a derrière des idées malintentionnées qui sont dictées par d’autres parties qui ne sont pas favorables à une Algérie stable mais qui ont des intentions malveillantes pour déstabiliser le pays. L’impératif sécuritaire ne dépend pas du panel ou du dialogue, c’est le rôle constitutionnel de l’Armée populaire nationale. Je reviens aux déclarations du chef d’état-major, M. Gaid Salah, quand il disait ‘’je me porte garant qu’aucune goutte de sang d’un Algérien ne coulera’’. Je crois qu’il a tenu sa promesse. Il faut savoir qu’il y a les services de renseignements qui travaillent des frontières jusqu’à Alger pour empêcher que des personnes malintentionnées s’introduisent dans le Hirak pour lui porter atteinte. L’armée algérienne ne dort pas, elle travaille 24 heures sur 24 heures. Il s’agit d’un mouvement de masse qu’il faut sécuriser jusqu’à satisfaction de ses revendications.

Est-ce qu’il n’y a pas de contradictions entre le discours du chef de l’État et celui du chef d’état-major, notamment sur la question des détenus du Hirak ?

Le chef de l’État a dit ‘’je prends l’engagement de discuter de tout’’. La discussion ne veut pas dire intervenir dans le travail de la justice. La Constitution fixe clairement les prérogatives du chef d’État. Dès le départ, il a été dit qu’on devait rester dans le cadre constitutionnel.

Donc, il n’y a pas de contradiction entre ce qu’a dit le chef d’État au Panel et ce qu’a déclaré hier mardi le chef d’état-major…

Le chef d’état-major a dit, dans son discours, que l’armée soutenait la démarche de M. Bensalah qui a appelé au dialogue. Le discours du chef d’état-major est venu pour recadrer les choses. Si on veut passer vers une nouvelle république et éviter les erreurs d’hier, on ne donne pas des ordres à la justice qui demeure souveraine dans ses décisions. On doit la respecter et la laisser agir conformément aux lois de la République. Le chef d’état-major a dit aussi qu’en matière de barrages et les impératifs de sécurité, nul n’a le droit d’intervenir dans la gestion sécuritaire de ce pays qui est la mission de l’armée et des services de sécurité. C’est pourquoi il n’a fait que recadrer. Il n’a pas dit qu’il était contre le dialogue qui doit au contraire continuer dans le sens, et d’ailleurs il le précise, de trouver une solution pour aller rapidement vers des élections. Parce que demain quand on aura un président élu on résoudra tous les problèmes en suspens.

Maintenant que le chef d’état-major a parlé, quel avenir pour le panel ?

Je crois que M. Karim Younès va comprendre encore plus les enjeux de la situation. L’Algérie n’est pas un champ de jeux, on ne peut pas jouer avec son avenir ni de sa sécurité nationale. La mission du Panel c’est d’aller à la rencontre de tous les acteurs politiques et la société civile pour arriver avec des propositions concrètes qui seront soumises à la conférence nationale pour préparer les élections présidentielles. C’est la mission du Panel. Sa mission n’est pas de donner des ordres à la justice ou à l’institution militaire pour dire ouvrez telle route ou enlever tel barrage, ce sont les prérogatives des services de sécurité. Personnellement, cette question des barrages ne devait tout simplement se poser. Est-ce qu’il n’y a pas des manifestations à Adrar ? On manifeste à Bechar, à Laghouat, Tizi Ouzou, etc. Pourquoi les gens ne restent-ils manifester dans leurs villes ? Quelles sont les intentions de ceux qui veulent ramener tout le monde à Alger ? Il y a risque sur la sécurité de la population et aussi sur les marches. Que chacun manifeste chez lui. Pourquoi cette fixation sur Alger ?

Selon vous, qui détient la clé de solution ?

Elle est dans la prise de conscience collective du peuple algérien qui doit comprendre que son pays est en danger et qu’il est en train de vivre des moments difficiles sur le plan économique. Nous avons des engagements internationaux qu’il faut respecter. Et puis, la crise n’a que trop duré. Avec la promesse de l’organisation d’élections libres et indépendantes et la lutte contre la corruption, je crois que les revendications du hirak ont été satisfaites. C’est au peuple maintenant de prendre conscience qu’on ne peut pas jouer avec la sécurité de la nation. On doit aller vers les élections présidentielles.

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