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Le pétrole à plus de 80 dollars : vers le retour à la frénésie dépensière ?

Le pétrole à plus de 80 dollars : vers le retour à la frénésie dépensière ?

Au moment où le prix du baril de pétrole franchissait pour la première fois depuis près de quatre ans la barre symbolique des 80 dollars, le PDG de Sonatrach exprimait des inquiétudes, au lieu du satisfecit auquel on pouvait logiquement s’attendre.

Abdelmoumène Ould Kadour pense d’abord à la trésorerie de la compagnie qu’il dirige, expliquant que des prix trop élevés vont inexorablement faire baisser la demande, donc les revenus des producteurs, mais il semble aussi se soucier de la future politique économique du pays à la lumière de la nouvelle embellie financière qui s’annonce, à en croire ses propos rapportés par le quotidien El Khabar.

« Quand le baril est à 140 dollars, on gaspille beaucoup, et on cherche à éteindre le feu quand il redescend à 40 dollars ».

Certes, l’orientation économique de l’État n’est pas du ressort d’un dirigeant d’une entreprise économique, fut-elle le premier contribuable du pays, mais la sortie du patron de Sonatrach a le mérite de rappeler une amère vérité : l’Etat algérien ne sait compter ses sous que sous la contrainte des conjonctures économiques difficiles. La hausse des prix du brut peuvent donc bien présager d’un abandon définitif du cap de la rigueur budgétaire et d’un retour à la frénésie dépensière des années 2008-2014.

On n’en est pas encore là, mais la question mérite au moins d’être posée : que feront les autorités algériennes dans les années à venir maintenant que le baril, aidé par l’entente des membres de l’Opep et la perspective de l’entrée en vigueur des sanctions américaines contre l’Iran, semble bien parti pour franchir de nouveau le seuil psychologique des 100 dollars et retrouver, du moins se rapprocher, des niveaux records atteints il y a quelques années ?

Sur le court terme, du moins pour ce qui reste de l’exercice en cours et la première moitié de l’année prochaine, il ne faudra pas s’attendre à de grands chamboulements, pour au moins deux raisons. D’abord, les prix du brut ne sont pas encore suffisamment élevés pour couvrir l’énorme déficit attendu, les spécialistes estimant qu’il faut un baril à 90, voire à 100 dollars sur toute l’année pour rétablir les équilibres internes et externes. Du reste, la loi de finances, le seul cadre légal dans lequel se définit la politique budgétaire de l’Etat, est déjà presque finalisée pour l’exercice à venir.

Il faudra donc attendre une éventuelle loi de finances complémentaire pour 2019 pour avoir un début de réponse. Néanmoins, on sait maintenant d’expérience que les politiques budgétaires publiques sont presque exclusivement déterminées par le comportement du marché pétrolier. La rigueur budgétaire ne dure que le temps de la disette, pour laisser place à une politique sociale généreuse dès que l’argent se remet à couler à flots, de surcroît lorsque l’embellie s’accompagne d’un front social bouillonnant et coïncide avec une échéance électorale cruciale.

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Jusque-là, les leçons des différentes crises économiques qui ont frappé le pays n’ont pas toujours été retenues. La dernière en date, celle qui a débuté en 2014 et qui a amené le gouvernement, faute d’alternative viable, à recourir à la planche à billets, n’a pas débouché sur une prise de conscience salvatrice, comme l’a montré l’avant-projet de Loi de finances pour 2019. Rédigé dans une conjoncture marquée par une remontée progressive des prix du brut, le texte, sans consacrer un retour franc aux largesses de l’Etat-providence, n’est pas non plus un exemple de rigueur budgétaire, ne prévoyant aucune nouvelle taxe et maintenant l’intégralité des subventions publiques, même les plus controversées, comme celles de l’énergie. Surtout, il prévoit une très forte hausse du budget de fonctionnement, ce qui trahit une volonté de faire retrouver à l’Etat son train de vie coûteux de ces dernières années.

Ce jeu de yoyo entre austérité suffocante et largesses sans fin semble parti pour rythmer la vie nationale pour longtemps encore, car les autorités n’ont pas fait qu’ignorer les leçons des années de disette. Elles ont surtout omis de mettre à profit la période de grande opulence pour engager des réformes structurelles à même de permettre ne serait-ce qu’un début de diversification de l’économie.

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