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L’Europe de l’Est, la guerre contre l’immigration ne connait pas de limites

L’Europe de l’Est, la guerre contre l’immigration ne connait pas de limites

La Hongrie a adopté, le vendredi 20 juillet, une loi qui frappe d’un impôt de 25% tout don perçu par un des organismes activant dans le domaine des migrations. Cette loi voulue par le premier ministre nationaliste, Viktor Orban, vise toute activité à caractère éducatif, médiatique ou autre, s’inscrivant dans la « promotion de l’immigration ».

Pour le gouvernement hongrois, cette loi a pour but de « lutter contre l’immigration » et les revenus qui en découleront seront utilisés dans le renforcement de la protection des frontières de la Hongrie, qui sont aussi celles de l’espace Schengen.

Un pôle de pays opposés à l’immigration

L’Union européenne (UE) avait annoncé, le 19 juillet, avoir lancé un recours devant la Cour de justice de l’UE contre la politique anti-immigration que la Hongrie a mis en place depuis 2015 sous la houlette du gouvernement Orban. L’UE conteste aussi la législation hongroise en matière d’asile qu’elle estime non-conforme au droit européen comme les directives sur les procédures d’asile ainsi que les conditions d’accueil et sur le retour des migrants.

La Hongrie n’est pas seule à être dans le viseur des institutions européennes. La Pologne a également fait l’objet d’une recommandation de la Commission européenne pour le déclenchement de l’article 7 des traités de l’UE contre Varsovie qui sanctionne les manquements à l’Etat de droit.

Ces deux pays, avec la République tchèque, la Slovaquie, et les pays baltes, forment au sein de l’UE un pôle Est-européen fortement opposé à l’immigration et même à l’accueil humanitaire des réfugiés. Pourtant, ces pays sont en même temps de grands émetteurs de populations migrantes vers l’Europe de l’Ouest.

Lorsque la Commission européenne avait fixé, en mai 2015, un mécanisme de répartition des 98 255 demandeurs d’asile enregistrés en Italie et en Grèce, entre les différents Etats membres sur la base de la taille de leurs populations et de leurs PIB respectifs, les pays d’Europe de l’Est s’y étaient fortement opposés.

Une Europe de l’Est très peu solidaire

D’ailleurs, sur les 35% des 98 255 des demandeurs d’asile, soit 34 689, qui avaient été relocalisés vers d’autres Etats de l’UE, les pays d’Europe de l’est n’en ont accueilli aucun. Même les procédures d’infractions ouvertes à leur encontre par Bruxelles en 2017 n’y ont pas changé grand-chose.

Les raisons de l’opposition de ces pays s’explique par le fait que les gouvernements s’alignent sur des populations dont les sondages ont montré, soit la peur de l’inconnu soit l’islamophobie, ou encore la distanciation par rapport à des conflits, notamment libyen et syrien, pour lesquels elles tiennent d’autres pays de l’UE responsables.

Par exemple une enquête de Gallup réalisée en mai 2017 avait montré que 70% des Hongrois s’opposent à l’accueil de réfugiés pour des raisons d’ordre culturel telles que l’éloignement des cultures des migrants de celles des pays accueillants. Des résultats similaires avaient été enregistrés en Macédoine, en Slovaquie, en Lettonie, en Bulgarie et en République tchèque.

Mais ce peu d’entrain pour l’immigration dans ces pays s’explique aussi par le retard économique que l’Europe de l’Est accuse par rapport à l’Europe de l’ouest. Un retard hérité de l’ère communiste qui n’a jusqu’à présent pas pu être rattrapé.

Des motivations économiques

Les gouvernements Est européens sont aussi préoccupés par l’écart des revenus de leur populations par rapport à ceux de l’Europe occidentale, expliquant en partie leur opposition à des politiques migratoires plus accueillantes.

Même si ces dernières années cet écart de revenu s’est considérablement réduit, le rattrapage économique de l’Europe de l’Est vis-à-vis de l’Ouest ne semble pas être pour bientôt.

Selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), basée à Londres, l’Europe orientale et les pays baltes ont atteint 60% des niveaux de revenus de l’Europe de l’Ouest depuis la chute du communisme.

Cependant, même si elle prévoit que la République tchèque, la Slovaquie et les pays baltes auront atteint un niveau de 80% des revenus de l’Europe occidentale d’ici 2035, la BERD estime néanmoins que les revenus de l’Europe de l’Est pourraient ne jamais rattraper leur retard.

Cela est dû au ralentissement des économies est-européennes depuis la récession de 2008 et à la pénurie de main d’œuvre dans ces pays, malgré un rattrapage spectaculaire des économies de l’Europe de l’est durant les 15 premières années de transition durant lesquelles leurs taux de croissance atteignaient le double de ceux de l’Europe de l’Ouest.

Avec des conditions économiques aussi préoccupantes, même s’ils étaient prêts à faire des choix politiques plus favorables à l’immigration, il est peu probable que les gouvernements de l’Europe de l’Est acceptent d’accueillir des migrants ou des réfugiés.

Par ailleurs, en tenant compte du fait que les réfugiés et migrants ayant des qualifications élevées se dirigent davantage vers le marché du travail allemand, les pays d’Europe orientale estiment que l’accueil de réfugiés peu qualifiés ne fait qu’aggraver leurs situations économiques et donc leur capacité à rattraper les économies occidentales.

Même si l’argument culturel et xénophobe y est pour beaucoup, l’argument économique donne aussi aux gouvernements d’Europe de l’Est des raisons de s’opposer aux politiques migratoires et d’accueil humanitaire européennes.

Paradoxalement, l’Europe de l’est, tout en étant totalement opposée à l’immigration, est elle-même une terre d’émigration vers l’Europe de l’ouest.

Une Europe de l’Est fortement émettrice d’émigration

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, l’Europe de l’Est, des pays baltes aux Balkans, ce sont près de 15 millions de personnes qui ont émigré, soit 13% de la population.

La majeure partie de cette population émigrante est composée de jeunes et de personnes formées qui sont parties à la recherche de revenus meilleurs et d’opportunités d’emploi en Europe occidentale.

Dans certains pays, cet exode ne cesse de s’amplifier et constitue un réel problème démographique. Par exemple, la population d’un petit pays balte comme la Lituanie a diminué de 25% alors que celle de la Roumanie de 17% depuis le chute du communisme. Ces pays sont suivis par la Bulgarie et la Grèce.

À ce jour, le Royaume-Uni a été la destination préférée de ces populations migrantes est-européennes où elles représentent près de 3% d’une population de 65 millions d’habitants

Ces migrants sont originaires principalement des pays ayant intégré l’UE en 2004 et 2007, comme la Pologne, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovaquie et la Roumanie.

Cet afflux de populations est-européennes vers la Grande-Bretagne s’explique par le fait que ce pays ait ouvert son marché du travail aux ressortissants des nouveaux membres de l’UE dès leur adhésion en 2004, alors que l’Allemagne et la France par exemple ne l’ont fait qu’en 2011.

Ces populations souvent bien formées, sont surtout employées dans les secteurs de l’hôtellerie, de la construction et de l’industrie manufacturière, où près de 40% d’entre elles sont surqualifiées pour l’emploi qu’elles occupent.

Malgré la perte de leur propre population, et souvent des franges les mieux formées d’entre elles, les pays d’Europe de l’Est continuent de s’opposer à l’immigration.

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