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Maintien de l’Aïd el-Adha : le comité scientifique Covid-19 a « émis un avis défavorable »

Maintien de l’Aïd el-Adha : le comité scientifique Covid-19 a « émis un avis défavorable »

Pr Noureddine Zidouni, membre du comité scientifique Covid-19

Le Pr Noureddine Zidouni revient dans cet entretien sur le maintien de l’Aïd el-Adha, l’avis du comité scientifique sur la question, les raisons de la flambée du Covid-19 en Algérie, comment y faire face…

Vous faites partie d’un collectif de 5 professeurs en médecine qui ont demandé, le 27 juillet, aux hautes autorités du pays, de surseoir au sacrifice du mouton cette année 2020. Est-ce que votre appel n’est pas venu en retard ?

Pr Noureddine Zidouni : tout d’abord, je rappelle que je fais aussi partie du collectif des professeurs en sciences médicales qui ont lancé un appel dans ce sens il y a un peu plus d’une dizaine de jours. Pour le reste, nous ne sommes pas du ministère de l’Intérieur ni de celui du Commerce. Nous avons constaté un nombre sans cesse croissant d’atteints par ce virus avec des centaines de consultants par jour, des collègues qui étaient épuisés et des diagnostics de plus en plus pénibles à réaliser, et nous avons alerté. Nous aurions aimé le faire plus tôt mais ce n’était pas à nous de le faire. J’ai moi-même dit que le déconfinement a été mal organisé et qu’il était à l’origine de la recrudescence de la circulation virale. Nous avons donc jugé utile d’alerter la population. Mais quand vous voyez qu’une commission de fatwa a plus de poids qu’un comité scientifique, qu’un collectif de professeurs en médecine, que la capitale mondiale de ce rituel de l’Aïd est fermée aux croyants, que voulez-vous… !

La commission de la fatwa du ministère des Affaires religieuses a dit que la décision du maintien de l’Aïd el-Adha a été prise en concertation et avec l’aval du comité scientifique Covid-19 justement. Par conséquent, c’est en connaissance de cause mais aussi des risques encourus que la décision a été prise. Quel est votre avis ?

Le comité scientifique a émis un avis défavorable. À ma connaissance, les membres du comité n’ont pas émis d’avis favorable. Ils ont mis en garde quant aux dangers éventuels. En fait, il faut que les gens comprennent que ce n’est pas le rite qui est cher à tous qui pose problème. Si on avait un mouton qui arrive par la Poste ou via Amazon, il n’y aurait eu aucun problème. Ce sont les regroupements des personnes, c’est la multiplicité des contacts humains lors de l’achat et du transport etc… qui posent problèmes. On aurait dit la même chose si on nous avait dit que, demain, il y aurait un match de football entre le MCA et l’USMA. Étant moi-même en phase avec le mouvement populaire du Hirak  mais j’avais dit en réunion qu’après la marche du 13 mars 2020 (la dernière du Hirak avant son interruption totale, Ndlr) qu’on aurait eu un pic important. Nous sommes des praticiens et pas des objecteurs de consciences. En tant qu’anciens experts de l’OMS, nous avons jugé nécessaire d’ajouter une pierre à l’édifice d’alerte vis-à-vis de nos concitoyens.

Maintenant que le maintien de l’Aïd el-Adha est acté, préconisez-vous un confinement total durant les deux jours de la fête ?

Tout à fait. En fait, pour les gens qui ont une villa le problème ne se pose pas. Le problème est dans les regroupements dans les cités d’habitation, l’entraide sociale le jour de l’Aïd où tous les voisins se mettent ensemble pour fêter. Ce qui veut dire aussi c’est que les clusters sont familiaux. Ce sont des familles qui sont touchées maintenant et ça va s’aggraver. La contagiosité a augmenté. Certains écrits soumettent l’hypothèse d’une diminution de la virulence (du virus) mais un accroissement de la contagiosité. Ces deux conclusions même si elles sont provisoires sont la conséquence de la mutation virale.

À propos, comment qualifiez-vous la situation épidémique aujourd’hui ?  

Elle est inquiétante. Et les autorités de santé ne peuvent rien faire toutes seules. Ce sont des lanceurs d’alertes. Le ministère de l’Intérieur doit lui aussi agir. Les jeunes se regroupent dans les quartiers en portant le masque comme un collier. Le virus ne pénètre pas par le cou !

Il y a, selon vous, un problème d’application de la loi ?   

Oui. Puisqu’on dit que les mesures barrières sont obligatoires ! On arrête un automobiliste parce qu’il n’a pas mis le masque alors qu’il est seul dans sa voiture, au moment où à côté, à quelques mètres, 3 ou 4 personnes discutent en toute tranquillité avec des masques autour du cou. Et ça quand ils en ont ! Je dis que c’est un problème d’interdisciplinarité.

Il faut que les structures du ministère de l’Intérieur fassent respecter la loi, à savoir le strict respect des mesures barrières. Ce n’est pas aux médecins ou aux résidents de sortir dans la rue pour rédiger des PV aux contrevenants !

Un message à transmettre à la population, surtout sur l’importance de se protéger ?

Il faut savoir que la situation est sérieuse. Et comme je le dis aux jeunes qui sont souvent asymptomatiques, le propre de cette épidémie c’est que sur 100 personnes 80% ne savent même pas qu’ils sont malades. Sur les 20% restants, il y en a 15% qui ont des formes sévères mais qu’on arrive à sauver. Malheureusement, il y a 5% qui décèdent. Alors, je dis respectez les mesures barrières. Les masques ne sont pas des colliers, le virus ne rentre pas par le cou, mais au travers de la bouche, le nez et les yeux. Évitez de vous toucher le visage si vous n’avez pas les mains propres. Ayez le réflexe de vous laver les mains autant que possible. La solution hydroalcoolique peut être remplacée par le savon. Ne vous serez pas les mains.

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