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« Notre rêve c’est de voir l’eau couler dans nos robinets »

« Notre rêve c’est de voir l’eau couler dans nos robinets »

La crise de l’eau potable s’exacerbe en Algérie, avec le retour des contestations dans les quartiers de la capitale, durement touchées par les pénuries du précieux liquide.

Une image résume l’état de détresse au quotidien que vivent les Algériens, confrontés depuis plusieurs mois, à une crise sans précédent de l’eau potable.

C’est celle de cet habitant de la cité 2 000 Logements AADL de Rahmania à dans l’ouest d’Alger. A l’aide d’une corde longue de 60 mètres attachée à une poutre, il fait remonter péniblement un bidon d’eau de 20L jusqu’à son appartement situé au 5e étage de son immeuble.

 

« Notre rêve c’est de voir l’eau couler dans nos robinets », résume ce locataire, amer, au micro de la chaîne El Hayet TV.

Comme lui, les habitants de cette cité fraîchement inaugurée n’ont pas vu l’eau couler dans les robinets de leurs appartements qu’ils occupent depuis seulement le mois de juillet dernier.

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Leur joie d’avoir enfin obtenu un logement décent, après huit années d’attente, est gâchée par cette crise d’eau qui frappe l’Algérie de plein fouet depuis plusieurs mois, lâche un autre locataire. Le cas n’est pas isolé.

Depuis le début de l’été, les Algériens souffrent au quotidien des coupures d’eau, plus ou moins longues dans certains endroits aléatoires dans d’autres. Ce qui pousse les habitants des quartiers à sortir dans la rue pour exprimer leur colère, comme c’est le cas hier à El Hamiz (est d’Alger).

Dans la capitale qui compte une forte densité de population, la Société des eaux d’Alger (SEAAL) fait fi des réclamations des clients. La société, qui vient se séparer du groupe français Suez après 15 ans de partenariat dans la gestion de l’eau, répond rarement aux appels de ses clients les laissant seuls à « boire » leur colère.

Le constat qui s’applique sur la capitale l’est tout autant pour de nombreuses villes du pays. La majorité des wilayas du nord du pays sont confrontées à une crise aiguë de l’eau. 

Dans certaines localités de la wilaya de Boumerdès l’eau ne coule plus dans les robinets depuis une semaine et à Tizi-Ouzou un habitant nous a confirmé hier samedi que l’eau a été coupée depuis une dizaine de jours.

La crise est encore plus aggravée dans les localités de cette wilaya qui ont été durement touchées par les incendies du mois d’août dernier.

L’Algérie vit « une situation de stress hydrique aiguë»

En face, le gouvernement pris de court tente d’apporter des solutions, en déployant un plan anti-crise. Une petite station de dessalement de l’eau de mer d’une capacité de 10.000 m3/jour a été mise en service la semaine passée, et d’autres stations aussi petites devraient être inaugurées dans les prochains mois. Mais le déficit en eau est abyssal que les petites  unités de dessalement ne peuvent pas combler, en l’absence d’une véritable politique de gestion de l’eau.

Selon le président du MSP, Abderrazak Makri, l’Algérie vit « une situation de stress hydrique aiguë». Et pour cause, le ratio par habitant en Algérie en eau potable est de seulement 407 m3  /an, note Makri se basant sur les données du CNES (conseil économique et social), soit très loin des standards mondiaux.

 « Selon la Banque mondiale, on parle de stress hydrique lorsque le ratio (en eau) par habitant est de moins 1 700m3 par an. La situation de pénurie intervient lorsque cette moyenne passe à moins de 1000m3/an », détaille-t-il.

« Par conséquent, la crise est très dangereuse », met en garde Makri qui s’interroge pourquoi les pouvoirs publics ont laissé durer cette situation jusqu’à atteindre ce niveau d’alerte.

Pour le chef de parti, les solutions proposées dans le plan d’action du gouvernement Aimene Benabderrahmane pour résorber la crise de l’eau « sont identiques à celles déjà mises en place par les précédents exécutifs».

Il a cité les programmes d’installations des stations de dessalement d’eau de mer dès le début des années 2000, mais qui n’ont pas résolu le problème du manque d’eau. « En 2002, le gouvernement de l’époque avait entamé l’installation de 23 stations de dessalement. En 2009, les principales stations étaient entrées en production. Après 20 ans, nous sommes cependant revenus au point zéro », constate Abderrazak Makri.

Selon lui, des budgets colossaux ont été alloués à ces projets sans résoudre le problème sur fond de scandales de corruption. « À l’instar de la station de dessalement de Tlemcen pour laquelle sont poursuivis les frères Kouninef. Réalisée en 2011 après avoir coûté au trésor public 250 millions de dollars, elle a cessé de fonctionner en 2019 provoquant la rupture de l’approvisionnement en eau potable pour 300 000 habitants répartis sur une vingtaine de communes », déplore Makri.

Il s’interroge sur la disponibilité des ressources financières pour que le gouvernement Benabderrahmane puisse mettre à exécution l’un des axes de son plan d’action qui porte sur la réalisation de stations de dessalement.

 « Les responsables du secteur de l’eau annoncent que la moitié des ressources hydriques est perdue à cause de l’incapacité de maîtriser les fuites d’eau », déplore Abderrazak Makri sur sa page Facebook. 

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