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Privatisations : querelles au sommet et statu quo programmé pour l’économie

Privatisations : querelles au sommet et statu quo programmé pour l’économie

Finalement, la disparition pure et simple des dispositions concernant la mise en concession des terres agricoles du projet de LFC 2018 renseigne clairement sur les causes du renvoi du texte en « deuxième lecture » par la présidence de la République. La révision en hausse de quelques taxes était une fausse piste et la vraie raison de ce nouveau veto présidentiel semble clairement imputable au projet de mise en concession de terres agricoles du domaine de l’État au profit d’investisseurs étrangers.

L’article 3 de l’avant-projet de LFC stipulait que « le droit de concession des terres agricoles et les moyens d’exploitation relevant du domaine privé de l’État mis à la disposition des fermes-pilotes est transféré aux sociétés d’investissement créées dans le cadre de partenariat public-privé avec des investisseurs nationaux ou étrangers ».

Il était donc question très concrètement de la volonté de donner en concession « 169 fermes-pilotes relevant des groupes agricoles totalisent une superficie agricole totale de 146 000 hectares dont 125 000 ha de superficie agricole utile ».

Une nouvelle initiative du gouvernement dirigé par Ahmed Ouyahia qui tombe à l’eau et dont on risque de ne plus entendre parler avant longtemps.

Relations compliquées

Difficile de ne pas rapprocher ce nouvel épisode des relations compliquées entre la présidence et le Premier ministre d’un événement similaire sur le même sujet réputé sensible des privatisations. À la fin de l’année dernière, la tripartite du 23 décembre avait pu donner l’impression d’un « feu vert » donné de façon concertée au redémarrage du processus de privatisation des entreprises publiques.

Elle avait été suivie immédiatement d’une tripartite parallèle organisée par le FLN qui disait le contraire. Peu avant que la présidence elle-même ne s’en mêle, le 12 janvier dernier, par une « instruction » qui constituait une véritable motion de défiance à l’égard du Premier ministre en attribuant au président de la République un droit de véto sur toutes les décisions du Conseil des participations de l’État (CPE).

Le texte de cette « instruction présidentielle » adoptée dans l’urgence subordonnait désormais « tout projet d’ouverture de capital ou de cession d’actifs de l’entreprise publique économique à l’accord, préalable, de monsieur le président de la République ». Il précisait en outre que « la décision finale conclue reste également de la seule prérogative décisionnelle de monsieur le président de la République. ».

Vers la poursuite du gel des privatisations

On se demandait encore au début de l’année si le processus de privatisation était seulement gelé provisoirement et s’il se poursuivrait en donnant lieu à de nouvelles listes ultérieures d’entreprises à privatiser. On a maintenant la réponse. Depuis cette date, on n’a plus entendu parler de la moindre décision de privatisation d’une entreprise publique. Une conclusion semble s’imposer : il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus sur cette question au sein des cercles dirigeants.

La censure du projet de mise en concession des fermes d’État apparaît comme une nouvelle illustration de cette divergence de fond et de la volonté de la présidence de la République de poursuivre le gel du processus de privatisation.

Le PPP « oublié » par la présidence

Pour l’instant , seul le « partenariat public – privé » (PPP) semble échapper au veto présidentiel. Il est vrai qu’il n’est pas assimilable à la « vente » des entreprises publiques. Il concerne principalement et dans la plupart des cas recensés des investissements nouveaux associant des entreprises publiques avec des entreprises privées pour la plupart étrangères. Il porte également sur l’engagement des entreprises privées dans le financement, la réalisation et la gestion des infrastructures publiques que l’État mettra en chantier.

L’instruction présidentielle du 12 janvier dernier ne dit rien à ce sujet et semble donc se désintéresser de cet aspect du partenariat en laissant éventuellement les mains libres au gouvernement dans ce domaine où quelques annonces ont été faites et quelques contrats ont été confirmés au cours des derniers mois : industrie de montage automobile et de véhicules utilitaires, industrie électronique, sidérurgie , port de Cherchell…

Les « réformes de structure » au point mort

Le gel du processus de privatisation, maintenu depuis plus de douze ans, n’est pas le seul de son espèce. Il s’inscrit en droite ligne dans une longue série de décisions qui, selon beaucoup de spécialistes et de commentateurs, ont plongé l’économie algérienne dans une sorte de léthargie qui est en grande partie responsable de la médiocrité des performance enregistrées par notre pays en matière de croissance économique depuis maintenant près d’une décennie.

Cette démarche économique fortement conservatrice est vivement, et régulièrement, critiquée en Algérie comme à l’étranger. La dernière de ces mise en cause date d’à peine une semaine. Le rapport de la Commission européenne publié à la veille du Conseil d’Association du 14 mai dernier formulait de façon (à peine) diplomatique une série de suggestions afin d’améliorer le climat des affaires dans notre pays : « La création d’un cadre juridique stable et transparent, propice à l’investissement, ainsi que la réduction des subventions, la modernisation du secteur financier, et le développement du potentiel des partenariats public-privé font partie des réformes structurelles nécessaires qui doivent encore être menées », affirmait l’Union européenne. « L’investissement étranger doit également être encouragé ; dans ce sens, assouplir la règle 51/49, au moins pour les secteurs non-stratégiques, serait bénéfique », estimait également le rapport.

Quelles réformes en contrepartie de la planche à billets ?

L’absence d’échos recueillis par ces appels répétés à des réformes de structure et le veto auquel se heurte les initiatives, pourtant prudentes, des derniers gouvernements dans ce domaine sont d’autant plus préoccupants qu’ils interviennent dans un contexte qui, jusqu’à une date récente, était marqué par une situation financière compliquée.

Le plan d’action du gouvernement adopté l’automne dernier fixait les conditions d’encadrement financier et institutionnel de l’activité économique du pays au cours des cinq prochaines année . Il définissait, dans un décret exécutif publié au Journal officiel, « le mécanisme de suivi des mesures et réformes structurelles dans le cadre de la mise en œuvre du financement non conventionnel ».

Le décret insistait en réalité surtout sur la contrepartie du recours à la planche à billets .Elle était constituée par une liste impressionnante de réformes de l’économie algérienne dont une sorte de calendrier indicatif précisait les étapes au cours des prochaines années.

Plus de six mois après l’adoption de ce dispositif d’exception, le bilan des réformes mises en œuvre est facile à faire et se réduit à sa plus simple expression. L’instance de contrôle présidentielle, qui était sensée jouer un rôle de stimulation des réformes économiques pendant la période de transition de 5 ans couverte par la loi sur le recours au financement non conventionnel, semble s’installer au contraire dans une attitude de blocage des rares velléités réformatrices du gouvernement. Une situation que l’embellie provisoire des cours pétroliers a de fortes chances d’encourager.

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