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Quand « la main de l’étranger » fouille dans les affaires de la France

Quand « la main de l’étranger » fouille dans les affaires de la France

La main de l’étranger. C’était l’épouvantail inévitable qu’agitaient les dirigeants des républiques bananières et les régimes autoritaires pour discréditer les révoltes qui menacent leur pouvoir. Pour ressouder une union nationale prétendument menacée, on inventait cet ennemi fictif aux contours imprécis. Il s’agite désormais devant le regard des responsables français qui n’ont pas vu se mettre en mouvement les « gilets jaunes » pourtant bien fluorescents.

La France qui n’est pas le gendarme du monde mais qui régente la vie politique où elle le peut en Afrique et au Moyen-Orient ne supporte que l’on s’occupe de ses affaires intérieures. Même en plaisantant.

« Laissez-nous vivre notre vie de nation »

Que Donald Trump commente l’actualité parisienne grâce à des tweets cela ne passe pas et doit s’écraser sur le fer de la tour Eiffel. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a ainsi invité dimanche le président américain à ne pas se mêler de politique intérieure française.

« Je dis à Donald Trump et le président de la République (Emmanuel Macron) le lui a dit aussi : nous ne prenons pas parti dans les débats américains, laissez-nous vivre notre vie de nation », a-t-il déclaré. « Nous ne tenons pas pour notre part de considération sur la politique intérieure américaine et nous souhaitons que ce soit réciproque », a-t-il ajouté.

C’est dit par celui qui veut la tête du président syrien après que son pays eût pris la tête d’une expédition qui a abattu le régime de Kadhafi en Libye.

Une relation amicale qui s’est crispée

Le locataire de la Maison Blanche avait déjà ironisé mardi sur les concessions faites par Emmanuel Macron aux « gilets jaunes » en suspendant une taxe sur le carburant, estimant que l’accord de Paris était voué à l’échec.

Entre les deux présidents, la relation amicale s’est crispée. Donald Trump, à son retour des commémorations du centenaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale à Paris, a moqué la faible popularité de son homologue français.

Trump n’est pas le seul à se prendre le coup de griffe du ministre français qui a aussi égratigné l’homme fort du gouvernement italien, le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, qui critique régulièrement Emmanuel Macron. « J’entends bien les rodomontades de M. Salvini (..) Je lui laisse ses propos et ses déclarations péremptoires », a dit Jean-Yves Le Drian.

« Il est (aussi) en ce moment devant des difficultés, des manifestations de plusieurs dizaines de milliers de personnes sur le projet (ferroviaire) Lyon-Turin. À chacun ses difficultés, respectons chacun », a-t-il ajouté.

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi à Turin contre le projet de liaison ferroviaire avec Lyon, qui représente selon eux un « gaspillage d’argent public ».

Les médias russes au secours de Macron

À son secours, M. Le Drian voit voler des médias gouvernementaux russes. Ces derniers comparent les manifestations des « gilets jaunes » aux « révolutions de couleur » ayant secoué ces dernières années d’ex-républiques soviétiques, disant y voir la main des États-Unis voulant punir Macron.

« L’affaiblissement de Macron, et avec un peu de chance sa démission, va dans l’intérêt de Trump », explique mardi le quotidien officiel Rossiïskaïa Gazeta dans un long article revenant sur les violences ayant touché Paris et plusieurs villes de province.

« Il suffit de rappeler que le chef de la Ve République a récemment revendiqué sa position de leader de l’Union européenne, défendu l’idée d’une armée européenne indépendante des États-Unis et défendu activement l’accord nucléaire iranien », poursuit le journal gouvernemental russe.

Suffisant aux yeux du journal pour voir dans le mouvement des « gilets jaunes » une réplique des « révolutions de couleur » qui ont fait sortir la Géorgie et l’Ukraine de l’orbite russe en étant soutenues, selon Moscou, par les États-Unis ou les Occidentaux.

Selon Rossiïskaïa Gazeta, il existe beaucoup de similitudes entre les deux : « La création artificielle d’un mouvement de protestation organisé par les réseaux sociaux (…), des scènes théâtrales devant prouver à la société la prétendue volonté du peuple ».

Au final, prévient le journal, « une victoire des « gilets jaunes » renforcerait considérablement la position américaine en Europe, en montrant clairement aux dirigeants européens que chipoter avec Trump, a fortiori être en conflit avec lui, est risqué ».

Dans une tribune publiée lundi, une éditorialiste de l’agence de presse publique Ria Novosti jugeait elle aussi « très convaincants » les arguments en faveur d’une « révolution de couleur » organisée par les États-Unis, soulevant toutefois d’autres arguments comme « la révolte de la -bonne vieille (et blanche) France- contre le gouvernement et son multiculturalisme radical ».

Ceci n’empêche pas les services de renseignement français de vérifier le rôle de réseaux sociaux liés à l’étranger qui auraient pu tenter d’amplifier la mobilisation des gilets jaunes. Les investigations portent sur les conditions dans lesquelles certains comptes ont été créés ainsi que sur l’activité suspecte de sites démultipliant l’information et le commentaire de manière automatisée. La main de l’étranger fouille donc dans les affaires de la France ?


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