Politique

Report de la présidentielle : une option désastreuse pour le pouvoir

L’Alliance présidentielle tiendra ce dimanche 9 décembre sa deuxième réunion. Comme celle du 18 novembre, elle ne verra pas la participation des leaders des quatre partis (FLN, RND, MPA et TAJ).

L’intérêt de la rencontre réside peut-être dans la présence du représentant de TAJ qui sera appelé à s’expliquer sur la sortie énigmatique de son président.

Amar Ghoul a, en effet, appelé mercredi dernier à une conférence avant la présidentielle d’avril afin de dégager « un consensus national ». La proposition de M. Ghoul a été interprétée comme un appel au report du scrutin présidentiel.

Les supputations sont allées bon train depuis, certains assurant même que le chef de TAJ a agi sur « injonction ». Ce qui reviendrait à dire que le plan retenu par le pouvoir, ou du moins une de ses factions, ne ressemble pas à celui que les partis de la majorité tentent de vendre depuis avril dernier, à savoir le respect du calendrier électoral et un cinquième mandat pour le président Bouteflika.

Selon des sources proches de l’Alliance, parmi les points à l’ordre du jour de la réunion de ce dimanche, l’interpellation du représentant de TAJ sur la proposition de son président. Il s’agira plus d’un rappel à l’ordre que d’une invitation à expliciter la proposition dans l’optique de l’adopter.

Déjà, on voit très mal le FLN, et à un degré moindre le RND, prendre le train en marche sur une question d’une telle importance, en ce sens qu’une telle initiative ne peut logiquement émaner que de l’un des deux mastodontes. Aussi, quand bien même les quatre partis auraient des velléités de revoir le programme électoral, ils l’annonceraient solennellement par la voix de leurs premiers responsables respectifs, non par le biais de seconds couteaux.

Au-delà de cet aspect, sur le plan politique, la proposition de Amar Ghoul a de quoi intriguer. Mercredi dernier, il a appelé contre toute attente à la tenue d’une conférence nationale, « sous le patronage du président de la République » et qui devrait « réunir tous les partenaire politiques, sociaux, économique, patronat et société civile ». Objectif déclaré : « dégager un consensus national » pour faire face à « la situation compliquée du pays ».

Avant Ghoul, le président du MSP, Abderrazak Makri, avait lui aussi appelé à la tenue d’une telle conférence pour dégager un consensus national. Makri fut plus explicite en proposant carrément le report de l’élection présidentielle. Son argument est tout simple : la construction d’un consensus nécessite plus de temps que les quatre mois qui nous séparent du scrutin d’avril 2019.

Acculé par la presse, le chef du MSP a dû aller au fond de sa pensée, expliquant que son parti ne voulait ni d’un militaire à la tête du pays ni d’un président qui constituerait une menace pour ses intérêts. D’aucuns avaient conclu que le souci du parti islamiste est de barrer la route à Ahmed Ouyahia, présenté comme l’une des personnalités qui ont « des chances » de succéder à Abdelaziz Bouteflika, maintenant qu’il est presque certain que celui-ci ne briguera pas un autre mandat. Une appréhension que Abderrazak Makri n’a ni confirmé ni infirmé dans une interview au quotidien El Khabar au milieu de la semaine passée.

Quant à Amar Ghoul, on ne sait encore rien de ses motivations. Son parti étant de la même matrice que le MSP, aurait-il les mêmes inquiétudes que M. Makri ? Rien ne permet de l’affirmer, mais on en saura peut-être un peu plus à l’issue de la rencontre de ce dimanche.

Quoi qu’il en soit, la question du report de la présidentielle se pose avec acuité et plusieurs indices font penser qu’il ne s’agit pas d’une thèse complètement farfelue. A quatre mois du scrutin, aucune candidature lourde n’est annoncée. De sérieux doutes pèsent sur la capacité du président sortant à briguer un autre mandat et l’opposition ne veut pas s’engager dans quoi que ce soit tant que celui-ci ne s’est pas clairement exprimé.

Sauf que, reporter l’élection présidentielle signifie que l’actuel mandat du président Bouteflika sera prolongé, ce que ni la constitution ni aucun texte ne prévoient, sauf dans le cas extrême d’un « état de guerre », comme l’a expliqué à TSA la constitutionnaliste Mme Fatifa Benabou.

Il restera l’option d’une révision constitutionnelle avant l’élection d’avril pour introduire une clause prévoyant le report. Cela permettra peut-être de sauver les formes, sans plus. Sur le plan de l’image, une telle option serait même désastreuse et pour le pays et pour le régime qui ne pourra dès lors plus mettre en avant l’une de ses rares réussites : la stabilité institutionnelle et le respect du calendrier électoral depuis 1997. Ce serait également un aveu limpide que le président est réellement dans l’incapacité d’assumer ses fonctions car, à contrario, il se porterait candidat pour un autre mandat comme le lui permet la loi fondamentale du pays.

L’Histoire risque de retenir aussi que Abdelaziz Bouteflika aura trituré la constitution par deux fois pour ne pas lâcher le pouvoir…

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