Économie

Situation économique : aveu d’échec de Djerad

L’économie algérienne traverse une crise sans précédent, avec une dette interne colossale, la baisse des revenus pétroliers et le déclin de la production d’hydrocarbures, et l’absence de véritables réformes économiques.

Le Premier ministre Abdelaziz Djerad s’est exprimé à l’occasion de la présentation du plan de relance économique, le 16 juin. M. Djerad a détaillé les objectifs attendus de ce plan qu’il a qualifié d’ « ambitieux » et précisé les voies qui seront empruntées pour les concrétiser.

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Surtout, le Premier ministre a dressé un tableau peu reluisant de la situation actuelle, pointant du doigt cette dépendance de l’Algérie aux hydrocarbures qui n’en finit pas, la bureaucratie, la part prépondérante de l’informel dans l’économie, la fraude fiscale…

« Grace à ses ressources en hydrocarbures, pétrole et gaz naturel, l’Algérie a pu assurer un certain niveau de développement économique, notamment par le développement de nombreuses infrastructures, et concrétiser un État Social (…) Cependant, ce qui constitue sa force constitue également sa plus grande vulnérabilité. En effet, l’économie algérienne reste très dépendante des prix internationaux des hydrocarbures qui ont connu une baisse tendancielle depuis le choc de 2014 (chute brutale des prix du pétrole, NDR) », constate Abdelaziz Djerad, estimant que « l’Algérie n’a pas échappé au  syndrome hollandais qui lie le déclin des industries manufacturières au développement des exportations de ressources naturelles ».

Un tel constat, Djerad n’est pas le premier à le faire. La réduction de la part des hydrocarbures, qui représentent 98 % des recettes en devises du pays, par la diversification de l’économie est un vieux serpent de mer. Il s’agit de l’objectif déclaré de tous les gouvernements qui se sont succédé ces 30 dernières années, mais aucun n’a pu faire avancer le pays dans cette voie.

Il n’était donc pas attendu de Abdelaziz Djerad de réaliser dans 18 mois ce que tous ses prédécesseurs n’ont pas pu faire en trente ans ou plus.

Mais quand il évoque les tares de l’économie nationale qui l’empêchent justement de se diversifier, comme le climat des affaires, l’archaïsme du système bancaire ou la bureaucratie, il est permis de lui faire le reproche ainsi qu’à son gouvernement de n’avoir pas fait grand-chose pendant dix-huit mois pour lever au moins une partie de ces entraves.

Un chantier qui devait pourtant constituer une priorité nationale dans une conjoncture de tarissement justement de la principale source de financement des besoins du pays.

Une sortie qui suscite des interrogations

Le Premier ministre annonce que tous ces aspects seront pris en charge dans le cadre du plan de relance qui s’étend sur le long terme jusqu’en 2024, donc qu’ils ne l’ont pas été pendant les dix-huit mois qui viennent de s’écouler, même les textes qui devaient être frappés du sceau de l’urgence, comme le Code des investissements et les textes d’application de la loi sur les hydrocarbures, votée en catastrophe par le précédent gouvernement pour justement freiner le déclin inquiétant de la production de gaz et de pétrole qui menace de faire de l’Algérie, non pas un pays dépendant aux hydrocarbures, mais un pays sans ressources.

Le discours de Djerad est-il un aveu d’échec ? Il est d’autant plus légitime de s’interroger que, dans son discours, certes porté sur la projection et la prospective, il n’a pas été question de réalisations, d’avancées ou même d’amorce de réforme dans les domaines évoqués.

À leur décharge, le Premier ministre et son gouvernement ont géré le pays dans une période délicate, marquée par la crise sanitaire de covid-19 et surtout la persistance de la crise politique. Mais il reste qu’au plan économique, ils ont été très peu pendant ces dix-huit derniers mois à leur décerner des bons points.

Même le président de la République a avoué publiquement qu’il n’était pas totalement satisfait de l’action du gouvernement, une année après sa mise en place.

C’était début janvier, juste avant son départ pour un deuxième séjour médical en Allemagne. Autre signe du mécontentement du chef de l’État, il a procédé régulièrement à des remaniements et limogeages de ministres, parfois pour des « manquements à la morale », et expliqué que s’il n’avait pas profondément chamboulé l’Exécutif, c’est seulement parce qu’il était inopportun de le faire à quelques semaines des législatives.

En ces lendemains d’élections, beaucoup ne donnent pas cher des chances de Abdelaziz Djerad et son équipe de rester en place. Mais la présentation du plan de relance en ce moment précis et par le timonier du gouvernement sortant risque d’ébranler les certitudes, quand bien même la teneur du discours de M. Djerad peut s’apparenter à un aveu d’échec.

Le plus approprié aurait été de laisser le soin de le faire au nouveau Premier ministre. Si nouveau Premier ministre il y aura…

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