Économie

Un industriel algérien victime de la « préférence étrangère » de Sonelgaz

Si l’on veut décourager, voire casser les entreprises privées algériennes, on s’y prendrait pas autrement. Le groupe Sonelgaz préfère importer des pylônes en cornières pour ses réseaux électriques haute tension de l’étranger, à coup de devises sonnantes et trébuchantes, plutôt que de les acquérir en Algérie auprès d’une entreprise algérienne, Kechabia Eclairage, la seule à se spécialiser dans ce genre de produits.

« On est les seuls à faire ce type de pylônes en Algérie. Et c’est l’avenir », lâche Rachid Kechabia, PDG de cette petite entreprise familiale qui emploie une soixantaine de personnes, lancée par Kechabia père en 1971, et basée à Tidjelabine dans la wilaya de Boumerdes.

M. Kechabia sait de quoi il parle. Les pays européens ont fini aujourd’hui avec les pylônes en cornières et préfèrent ceux en tubulaires.

Toutes les autoroutes françaises et marocaines sont parsemées de ce type de mât. C’est dire le retard pris par le monopole public qui gagnera certainement à s’y mettre lui aussi. Et il en gagnera beaucoup. Jugez-en.

Les pylônes haute tension en cornières que Sonelgaz importe de l’étranger ont une emprise au sol de 225 m² (15×15) alors que celle du pylône fabriqué par l’entreprise algérienne est d’à peine 4 m² (2×2=), selon les détails techniques fournis par l’industriel.

Pour ce qui est du coût, installé et fini, le pylône importé revient deux fois plus cher que celui produit par l’entreprise locale. Côté sécurité, même chose. Travailler avec les pylônes en cornières est quelque peu risqué. Comment ? « Il suffit d’enlever un boulon et c’est toute une région ou une ville qui est sabotée. Dans les mâts en tubulaire, il n’y a pas de boulon », explique M. Kechabia, ingénieur en génie mécanique avec un DEA en mécanique et un doctorat d’État en mécanique des fluides.

Autre argument : les pylônes en cornières sont importés alors que ceux de Kechabia Eclairage sont fabriqués en Algérie avec un taux d’intégration de 100% algérien (matière première, main d’œuvre et pose).

Kechabia fabrique ce type de pylônes depuis 2003 et ses produits ont une garantie de 10 ans. Mieux, quatre bases aériennes de l’armée sont éclairées grâce à des mâts fournis par l’entreprise de M. Kechabia qui a tenu à préciser, non sans fierté : « Les militaires sont très satisfaits de notre produit ». Plus encore, elle a fourni des mâts à l’aéroport d’Alger, à trois stades de football (El Eulma, Skikda et Tadjenant), à des ports secs, etc.

Question : les dirigeants de Kechabia Elcairage se sont-ils approchés de la direction de la Sonelgaz pour la convaincre de la bonne qualité de leur produit ? « J’ai rencontré il y a sept ou huit ans Noureddine Bouterfa. Il était PDG de Sonelgaz. Il avait trouvé notre produit bon. Je lui ai même demandé de procéder à un essai. Je lui avais remis un dossier de 30 pages bien élaboré dans lequel on a énuméré les avantages que tirera Sonelgaz en travaillant avec notre produit. Depuis, c’est le silence radio », a confié M. Kechabia, quelque peu blasé.

Pour les dirigeants de la Sonelgaz de l’époque, l’entreprise Kechabia Eclairage ne disposait pas d’assez de moyens. M. Kechabia et ses collaborateurs y avaient remédié en acquérant, il y a huit ans, des machines pour 100 millions de dinars grâce à un crédit bancaire, aujourd’hui remboursé dans sa totalité.

Aussi, Kechabia Eclairage, qui disposait de 8000 m² de surface, dépasse aujourd’hui les 22000 m² grâce à la mairie de Tidjelabine dans la wilaya de Boumerdes, qui a cru au projet de pylône et qui a compris la nécessité d’accorder à cette entreprise une surface mitoyenne pour son agrandissement.

Et à nouveau, M. Kechabia s’est rapproché de la Sonelgaz, de la Gestionnaire du Réseau de Transport de l’Electricité (GRTE) plus exactement.

« On leur a remis toute une étude technique. Le Credeg (Centre de recherche et de développement de l’électricité et du gaz) est venu ici et on nous a délivré les homologations. Nous avons fait tout ce qu’ils nous ont demandé. Puis, rien », dit-il. N’a-t-il pas essayé depuis de reprendre langue avec la direction de la Sonelgaz ? « Non, je suis très déçu », lâche-t-il, désabusé.

Nos tentatives de joindre la direction de Sonelgaz pour avoir sa version sont restées vaines.

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