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Une série de mesures regroupées en 10 chantiers pour sortir de la crise

Une série de mesures regroupées en 10 chantiers pour sortir de la crise

Anis Belghoul / NEWPRESS

Tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard. C’est ce que font depuis quelques années déjà beaucoup de spécialistes de l’économie algérienne. Dans le cas précis de ce qu’on appelait, voici encore quelques temps, les « jeunes universitaires » du think-tank Nabni, il s’agit de beaucoup plus que ça.

Déjà, au début de l’année 2013, le rapport baptisé « Algérie 2020 » produit après deux années de travail et de consultations tous azimuts des compétences nationales n’avait pas coûté un centime au contribuable algérien.

C’était pourtant le bilan économique le plus complet et surtout le programme de réformes le plus détaillé, le plus rigoureux et le mieux formalisé que notre pays ait produit, toutes institutions confondues -y compris les plus budgétivores- depuis au moins 25 ans. En septembre 2015, le collectif Nabni revenait à la charge avec cette fois un « plan d’urgence » moins ambitieux et calibré pour tenir compte des capacités réelles de l’administration algérienne à prendre en charge un programme de réformes économiques.

À la fin de la semaine dernière, Nabni a remis le couvert en publiant un nouveau plan d’urgence qui « vise à entamer un vrai virage dans les politiques publiques, tout en faisant preuve de pragmatisme »Il propose des « actions faisables sur un horizon de 18 à 36 mois ». Tout comme celui de septembre 2015, ce nouveau plan affirme tenir compte des « capacités actuelles de notre administration et des problèmes de gouvernance économique qui risquent de demeurer importants dans le court et moyen termes ».

Un stratège nommé Nabni 

Combien de fois n’a-t-on pas reproché au cours des dernières années aux autorités économiques algériennes de manquer d’un projet, d’une « vision stratégique capable à la fois d’éclairer son avenir et d’orienter son action au quotidien » ?

Et pour cause : les institutions publiques théoriquement chargées de cette tâche, ont soit disparu, comme nos anciens ministères de la Planification, soit continuent de ronronner tranquillement entre amis comme notre Cnes national . Les quelques initiatives récentes pour organiser des « Conférences nationales » sectorielles sur ce thème ont régulièrement accouché d’une souris.

Ce travail de « réflexion stratégique », il n’est absolument pas exagéré de soutenir que ce sont les bénévoles du collectif Nabni qui sont en train de le faire  en ayant décidé de se retrousser les manches au cours des 6 dernières années .

Pourquoi un troisième appel à entamer de vraies réformes ?

Dans sa dernière publication, le groupe de réflexion presse les autorités algériennes d’entamer le changement tout de suite. Il propose une série de  mesures concrètes regroupées en 10 chantiers.

Pourquoi un plan d’urgence ? Parce que « ce qui était urgent il y a six ans, l’est évidemment encore plus aujourd’hui, avec un prix du baril divisé par deux. Mais les problèmes structurels et les distorsions de notre économie restent exactement les mêmes. Nous pourrions répéter mot pour mot, toutes nos propositions publiées avant ce dernier contre-choc pétrolier. La liste de priorités est la même que le baril soit à $120 ou qu’il tombe à $50 ! », indique l’introduction du document publié la semaine dernière.

Une réponse à la crise encore faible et inadaptée

Dans le contexte présent, l’un des mérites essentiels du dernier travail réalisé par les experts de Nabni est d’abord de souligner  la faiblesse de la réponse des autorités algériennes face à la crise du modèle de gestion actuel de l’économie de notre pays.

«  L’urgence de trouver des solutions immédiates au double déficit budgétaire et commercial fait que la crise actuelle est gérée comme une crise conjoncturelle, une « mauvaise passe » à subir pendant quelques années. Les solutions mises en œuvre relèvent pour l’essentiel de la gestion de difficultés financières de court-terme : endettement par financement monétaire pour couvrir les déficits publics pendant les trois à cinq années qui viennent, limitations administratives des importations pour réduire le déficit commercial, hausses d’impôts en tous genres, réductions budgétaires et reprise de la dévaluation du dinar… », note le collectif.

Pour les animateurs du groupe Nabni, le principal risque associé à cette démarche est clairement celui d’une « fuite en avant » . « Le financement monétaire, la baisse du DA et la réduction des dépenses pourraient effectivement faire revenir nos indicateurs macroéconomiques (si le baril se maintient autour de $60 et que notre production continue à augmenter), notamment le déficit budgétaire et la balance du compte courant, à des niveaux plus soutenables à l’horizon 2020. On pourrait même « revenir dans le vert » si les bonnes conjonctures s’alignaient. C’est le risque que nous redoutons : rien n’aura changé structurellement. On n’aura pas entamé le chemin de la diversification, on n’aura pas engagé les vraies réformes et notre économie continuera à souffrir des distorsions qui la rendent si peu compétitive et si peu créatrice d’emplois. Encore une fois, nous ne ferions que retarder l’échéance de difficultés bien plus sérieuses en repoussant l’échéance des vraies réformes ».

Parer au plus pressé

Par souci de pragmatisme, Nabni propose d’abord de « parer au plus pressé » et de « résoudre l’équation budgétaire ». Pour y parvenir, les solutions préconisées sont claires et nettes. Elles ont d’ailleurs déjà été formulées par l’immense majorité des économistes nationaux.

Il faut reprendre la dépréciation progressive du dinar, non seulement pour équilibrer les comptes publics, mais aussi pour éliminer un « instrument d’encouragement des importations » et une « puissante incitation à la fraude et à la surfacturation » . Il faut aussi mettre fin à un système de licences d’importations inefficaces et qui introduisent de nouvelles distorsions dans le fonctionnement de l’économie.

Des réformes de structure tout de suite

En dépit de nombreux effets d’annonce, l’activisme des derniers gouvernements ne s’est pour l’instant traduit par quasiment aucune avancée significative  en matière de réformes des structures de l’économie et de lutte contre la dépendance chronique à l’égard des hydrocarbures.

C ’est ce que font apparaître en creux l’analyse et les propositions de Nabni. La liste des chantiers que Nabni propose de mettre en oeuvre sans aucun délai est très longue et porte ni plus ni moins que sur « une profonde réforme de la gouvernance économique, la réforme du secteur bancaire, l’ouverture à l’investissement et un choc de simplification administrative pour les entreprises, une réforme des subventions et transferts monétaires directs, la réforme de la fiscalité foncière et de la fiscalité locale, la réforme du foncier économique, la réforme de la gouvernance des entreprises et banques publiques et enfin la privatisation des actifs non stratégiques ».

Sur chacun de ces dossiers, le document de Nabni étonne et détone de nouveau, dans la production courante, par la pertinence de son diagnostic de la situation de l’économie algérienne mais aussi et surtout par la qualité et le degré de détails des propositions de réformes qu’il comporte.

En 2013, le gouvernement Sellal avait eu la bonne idée d’inviter le groupe Nabni à la « Tripartite ». Une tentative d’ouverture très éphémère et qui n’a pas été renouvelée. Nos décideurs économiques seraient pourtant bien avisés de s’inspirer du nouveau « plan d’urgence » du groupe Nabni qui démontre tout simplement qu’en Algérie, les réformes de l’économie n’ont pas encore commencé.

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