search-form-close
Vers des finances publiques mieux contrôlées et plus prévisibles

Vers des finances publiques mieux contrôlées et plus prévisibles

Le Conseil des ministres réuni hier a été consacré pour l’essentiel à l’adoption d’un projet de loi organique relative aux lois de finances.

Un sujet qui a peu de chances de passionner l’opinion mais qui pourrait avoir des conséquences non-négligeables sur la gestion des finances publiques nationales.

En raccourcissant notamment les délais d’examen des rapports d’exécution des budgets et en confirmant la bonne habitude prise depuis 2 ans d’inscrire les budgets annuels dans une perspective triennale.   

Quand le département d’État américain s’en mêle 

Alors que ces sujets ont rarement retenu l’attention de l’opinion et des médias nationaux, voici à peine quelques semaines, beaucoup de lecteurs de la presse nationale avaient été surpris de l’intérêt manifesté par le département d’État américain à l’égard des « progrès significatifs » effectués par l’Algérie en matière de transparence budgétaire.

Selon les conclusions contenues dans un rapport pour l’année 2017 sur « la transparence budgétaire dans le monde », « l’Algérie a réalisé des progrès significatifs durant la période sous revue en publiant des rapports d’audit des finances publiques dans un délai raisonnable. Durant la période considérée, les documents budgétaires étaient généralement accessibles au public ». 

Un bémol important dans ce rapport plutôt positif pour la gouvernance nationale : si pour ses rédacteurs « la Cour des comptes a vérifié le budget exécuté du gouvernement et commencé à rendre ses rapports publics dans un délai de temps raisonnable sur son site internet ». En revanche , « le gouvernement algérien n’a pas publié de proposition de budget exécutif ni de rapport de fin d’année dans un délai raisonnable ». Le rapport américain relevait, sur ce chapitre que, « le gouvernement a publié de manière intermittente des rapports d’exécution des budgets. ».

Pour améliorer encore plus la transparence budgétaire en Algérie, il suggère de « publier les propositions de budgets d’exécution et les rapports de fin d’année dans un délai de temps raisonnable ». Les remarques du Département d’État américain renvoyait ainsi à la question, peu médiatisée dans notre pays, des « lois de règlement budgétaire » qui ont été publiées et adoptées par le Parlement au cours des dernières années dans une indifférence assez générale.   

Des délais excessifs

Le manque d’intérêt manifesté par l’opinion nationale peut s’expliquer principalement par les délais imposés à la publication des lois de règlement budgétaire. L’administration américaine n’est d’ailleurs pas seule à les juger excessifs et peu « raisonnables ».

Un certain nombre de parlementaires algériens ainsi que la commission des finances et du budget de l’APN, elle-même, avaient régulièrement critiqué, et encore tout récemment, le fait que « le gouvernement présente une loi de règlement budgétaire portant sur un exercice qui date de trois ans alors que la conjoncture financière du pays a considérablement changé depuis 2014 du fait de la baisse des prix du pétrole ». 

Un groupe de députés avait déjà préconisé en 2016 que le gouvernement mette en place une nouvelle « loi organique des lois de Finances » pour passer à l’examen de l’exécution du budget de l’année N-1 avant celle de la loi de finances pour l’année à venir.

Pas avant 2022

Ces préoccupations sont prises en charge explicitement par le projet de loi organique adopté hier. Mais pas pour tout de suite.

Le communiqué du Conseil des ministres précise que « les délais de présentation de la loi de règlement budgétaire seront graduellement réduits d’un exercice antérieur de trois années actuellement, à un exercice antérieur d’une année seulement ».

La mise en oeuvre des dispositions contenues dans le projet de la loi organique portant loi de finances exigera d’« importants préparatifs préalables ». C’est pourquoi « ces nouvelles normes ne seront appliquées qu’à partir de 2022, pour la loi de Finances de 2023 ».

La « consolidation de la relation entre le gouvernement et le Parlement » sur ce dossier devra donc attendre encore 5 années.

Un cadre budgétaire triennal

À propos d’une autre disposition importante de la loi organique adoptée hier, le gouvernement a pris de l’avance et la patience des parlementaires ne sera donc pas mise à l’épreuve. Le projet de loi prévoit la définition d’un « cadre budgétaire triennal mis à jour chaque année, ce qui donnera plus de prévisibilité à la gestion du budget de l’État ».

En réalité, cette disposition est déjà appliquée depuis la loi de Finances 2016. Elle a donné lieu à des perspectives économiques triennales qui encadrent la loi de finances pour l’année en cours.  

C’est une vraie nouveauté, les lois de finances adoptées depuis 2 ans ne nous parlent plus seulement des recettes et des dépenses de l’État pour l’année à venir. Elles adoptent également, sous la forme d’une loi votée par le Parlement et promulguée par le président de la République, une « trajectoire triennale » qui traduit la stratégie financière adoptée par l’État pour les trois années à venir.  

L’exercice inaugural, celui de l’année dernière, et de la « trajectoire 2016-2019 », n’était pas passé inaperçu et avait été donné en exemple aux pays de la région au cours de l’été par la Directrice générale du Fonds monétaire international en personne.

La première trajectoire budgétaire 2016-2019 avait défini une démarche « vertueuse » de réduction rapide des déficits abyssaux dans lesquels la chute des prix pétroliers avait plongé le budget de l’État.

Un objectif qui semblait atteint jusqu’au début de l’été dernier. Malheureusement, cette démarche de réduction accélérée des déficits semble avoir provoqué un risque d’« arrêt cardiaque » suivant l’expression du premier ministre, M.,Ahmed Ouyahia.

Plus précisément, elle semble avoir été obtenue au prix d’une accumulation des arriérés de paiements dus aux entreprises clientes de l’État.

La trajectoire 2018-2020 promet un retour à la discipline budgétaire en 2019  

Changement complet de décor avec le projet de loi de finances pour 2018 qui prévoit des dépenses budgétaires en très forte hausse par rapport à l’année 2017.

Ces dépenses devraient s’élever cette année à plus de 8.600 milliards de dinars (plus 21%), ce qui provoquera également un gonflement du déficit budgétaire programmé à 2.100 milliards de dinars. Les dépenses d’équipement en particulier vont connaître une augmentation spectaculaire de 60% tandis que les dépenses de fonctionnement seront complètement stabilisées.

Le gouvernement promet un retour à la discipline budgétaire dès 2019 avec des dépenses qui devraient être réduites à 7.500 milliards de dinars en 2019, et de 7.300 milliards en 2020.

Ce sont les dépenses d’équipement qui devraient faire les frais de cette nouvelle cure d’austérité avec une réduction de 30% en 2019 et de nouveau de 7% en 2020.

Le déficit du Trésor public devrait dans ces conditions connaître une « tendance baissière » pour atteindre 55 petits milliards de dinars seulement dès 2019. 

  • Les derniers articles

close