
En plus de la colère des jeunes pour des raisons sociales, le roi Mohammed VI fait face au mécontentement des Marocains à cause de la normalisation avec Israël.
Dimanche, des milliers de personnes ont marché à Rabat pour dénoncer la normalisation. « Pas de santé, pas d’éducation… et vous avez ajouté la normalisation ! », ont scandé les manifestants. « Vous avez opprimé les enfants du peuple… et normalisé les relations avec le sionisme ». Les manifestants ont dénoncé le génocide en cours à Gaza.
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Et depuis dix jours, la rue marocaine bouillonne sans discontinuer. Jamais en 26 ans de règne, le roi Mohammed VI n’a eu à faire face à un soulèvement d’une telle ampleur, organisé et touchant l’ensemble du territoire du royaume.
🔴 لاصحة لا تعليم …وزايدينها بالتطبيع
ولاد الشعب قمعتوا …ومع الصهيون طبعتوا
واش باقي ماحشمتوا … باركا عيقتواA lire aussi : Le Sahara occidental au Ticad 2025 : nouveau revers pour le Maroc
📌من مسيرة الرباط 05 أكتوبر 2025 pic.twitter.com/IVoh8i8ujZ
— hassan bennajeh – حسن بناجح (@h_bennajeh) October 5, 2025
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Mohammed VI garde le silence
Le roi Mohammed VI ne s’est toujours pas exprimé sur les événements en cours, laissant au gouvernement la tâche de tenter de réprimer et de calmer les protestataires.
S’il ne se manifeste pas, c’est d’abord parce que ce n’est pas dans les habitudes de Mohammed VI d’intervenir publiquement en dehors des occasions protocolaires, comme la fête du trône.
En septembre 2023, lorsqu’un violent séisme a dévasté toute la région du Haut Atlas, il a mis 24 heures pour rentrer de ses vacances en France et plusieurs jours pour que la télévision diffuse des images silencieuses le montrant en train de présider un Conseil des ministres.
Aussi, ses conseillers estiment-ils peut-être que la situation est sous contrôle et que le mouvement finira par s’essouffler comme les précédents.
Monté sur le trône en 1999, Mohammed VI a eu un règne relativement calme, en tout cas moins houleux que celui de son père Hassan II qui a échappé miraculeusement à plusieurs tentatives de coup d’État et d’assassinat.
Mohammed VI n’a pas été visé par des tentatives de le renverser, mais il a fait face à plusieurs mouvements populaires de protestation, dont au moins trois avec un grand retentissement.
En novembre 2010, les Sahraouis des territoires occupés se sont soulevés et ont installé un campement de protestation à Gdeim Izik, près de Laâyoune.
Le mouvement a été réprimé dans le sang par les forces d’occupation, faisant au moins 36 morts parmi les Sahraouis.
En 2011, le Maroc n’a pas été épargné par la vague des printemps arabes. Les Marocains sont sortis dans les rues dans les grandes villes pour réclamer un changement politique. Contrairement aux autres régimes arabes emportés par cette vague, le pouvoir marocain a pu s’en sortir au prix de quelques réformes politiques insignifiantes.
Maroc : un soulèvement différent des précédents
Le royaume sera de nouveau ébranlé par le Hirak du Rif qui durera plusieurs mois, d’octobre 2016 à août 2017, pendant lesquels les habitants de cette région montagneuse du Maroc ont réclamé notamment de meilleures conditions de vie et des projets de développement.
Le mouvement a été déclenché par la mort atroce d’un marchand de poisson à Al Hoceïma, broyé dans une benne à ordures où il tentait de récupérer sa marchandise jetée par la police.
Le Hirak s’est terminé dans la répression avec la condamnation de plus de cinquante activistes à des peines de plus de vingt ans de prison, dont le militant Nasser Zefzafi.
Depuis la fin de la crise sanitaire, qui a généré une inflation record, le Maroc vit au rythme de mouvements de protestation sporadiques contre la vie chère et les inégalités, mais aussi contre la normalisation avec Israël.
La crise la « plus grave depuis 26 ans »
Ce sont ces mécontentements qui ont débouché sur le mouvement GenZ 212 qui ébranle le royaume en cet automne 2025.
Né à partir d’appels anonymes, le mouvement ne s’essouffle pas dix jours après son déclenchement. Au contraire, il prend de l’ampleur et fait tache d’huile pour toucher tout le territoire. Ses mots d’ordre ont aussi évolué de la revendication d’un meilleur système de santé et d’éducation à la réclamation de plus de liberté, de justice et de démocratie.
Les observateurs sont formels : le mouvement actuel est différent des précédents par son ampleur, la mobilisation qu’il suscite, la nature de ses revendications, son horizontalité et l’anonymat de ses précurseurs.
« La crise provoquée par les jeunes de GenZ 212 au Maroc est la plus grande des 26 ans de règne de Mohammed VI », tranche le journaliste espagnol Ignacio Cembrero.
Le soulèvement, explique-t-il, n’est pas local comme ceux de Gdeim Izik et du Rif et « mobilise davantage que le printemps arabe frustré de 2011 ».