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À Tunis, l’arabe obligatoire sur les enseignes commerciales suscite la polémique

À Tunis, l’arabe obligatoire sur les enseignes commerciales suscite la polémique

À Tunis, la municipalité oblige, depuis le début janvier 2019, tous les commerçants à écrire leurs enseignes en langue arabe au même titre que les autres langues.

L’arrêté municipal 33/94 datant du 31 décembre 2018 précise que si les commerçants veulent écrire en une seule langue, ils doivent le faire obligatoirement en arabe. Des sanctions financières sont prévues dans le cas de refus.

L’initiative a été prise, selon le journal tunisien Joumhouria, par Ahmed Bouazzi, membre du parti Al Tiyar Al Démocrati (le courant démocratique, tendance social-démocrate) et conseiller à la mairie de Tunis, qui a invoqué l’article 39 de la Constitution tunisienne.

Cette disposition précise que « l’État veille également à l’enracinement des jeunes générations dans leur identité arabe et islamique et leur appartenance nationale. Il veille à la consolidation de la langue arabe, sa promotion et sa généralisation. Il encourage l’ouverture sur les langues étrangères et les civilisations ».

Ahmed Bouazzi a dénoncé devant le conseil municipal de Tunis l’absence de la langue arabe des enseignes et des façades des magasins, des locaux industriels et des espaces et jardins publics dans la capitale.

« Il y a de quoi douter de l’indépendance du pays (…) La France a toujours veillé à fixer sa langue en Tunisie car elle sait que cela lui garantit la domination économique, culturelle et intellectuelle plus que la présence de militaires ou de colons », a-t-il argué.

« Indépendance culturelle »

La mesure suscite un vif débat en Tunisie entre les pour et les contre. Les défenseurs de la langue arabe estiment que Tunis doit retrouver son identité. Selon eux, en Europe, les langues des pays sont utilisées d’une manière unique dans les frontons et enseignes des magasins, des administrations et des établissements industriels.

« Ce n’est pas le cas chez nous où l’arabe devient presque une langue étrangère », souligne un internaute. Le site Al Mugtama.com estime que la Tunisie tente de recouvrer son « indépendance culturelle ». « Malgré les difficultés, la Tunisie continue sur la bonne voie de l’indépendance de la colonisation », souligne, pour sa part, Ridha Maktouf, sur Facebook. « C’est une bonne décision, car nous devons écrire les enseignes d’abord aux habitants du pays, avant les visiteurs », relève Missaoui Ouannes sur le même réseau social. Des Facebookers ont demandé à ce que cette mesure soit élargie à toutes les villes de Tunisie.

« Combat d’arrière-garde »

La décision de la municipalité de Tunis suscite aussi de nombreuses critiques. « Préjugés, complexes, incultes…combat d’arrière garde !!! que les enseignes soient écrites en arabe et en français est tout simplement un plus pour une Tunisie plurielle ouverte.. », note sur son compte Facebook, Ali Harmel, médecin à Tunis.

Certains ont reproché à Souad Abderrahim, maire Ennahda de Tunis, de vouloir se mettre en avant derrière cette décision. « La loi existe depuis des lustres. Toute enseigne doit être écrite aussi bien en lettres arabes que latines. Elle veut juste faire la Une », écrit Tahar Akremi.

Cette loi a été adoptée du temps du Premier ministre Mohamed Mezali, au milieu des années 1980, mais non appliquée. « Les noms de rues et les enseignes de commerce, c’est une manière d’islamiser la ville de Tunis », note Hatem Mrad, président de l’Association tunisienne des études politiques, cité par le journal français Le Courrier de l’Atlas.

Plus concrètement, des commerçants de Tunis ont protesté sur les réseaux sociaux invoquant « les frais supplémentaires » qu’induisent le changement des enseignes. « De son côté, René Trabelsi, nouveau ministre du Tourisme (tunisien) – le premier de confession juive depuis des décennies  -, a proposé de traduire les menus des restaurants en arabe à côté des autres langues. Une mesure plutôt bien accueillie mais qui n’a pas encore été suivie d’effet », rapporte le quotidien français Le Monde.

Ces dernières années, le nombre de touristes venant de pays arabes vers la Tunisie devient de plus en plus important par rapport à ceux qui voyagent d’Europe ou d’Amérique du Nord.

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