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Accidents de la route : « Les indicateurs de l’insécurité routière sont en baisse constante depuis 4 ans »

Accidents de la route : « Les indicateurs de l’insécurité routière sont en baisse constante depuis 4 ans »

Comment expliquez-vous la recrudescence des accidents de la route ces dernières semaines ?

Ahmed Naït-El-Hocine, président du Centre national de prévention de la sécurité routière : Nous n’avons pas encore établi le bilan du mois de janvier pour parler de recrudescence. Il faut savoir que les indicateurs de l’insécurité routière sont en baisse constante depuis quatre ans. En effet, depuis 2015 nous enregistrons une baisse constante de ces indicateurs. A titre indicatif, l’année 2019 a connu une baisse de 36% des accidents corporels soit 12 692 accidents de moins comparativement à 2015. Il y a eu 1 335 vies épargnées soit une baisse de 28,96% en nombre de décès. On a enregistré 44% de baisse concernant le nombre de blessés soit 24 984 blessés de moins. Il y a eu certes une baisse mais le bilan demeure préoccupant en termes de mortalité. Pour l’année 2019, on a enregistré 3 275 morts (4 610 en 2015).

Pourquoi l’année de référence est 2015 ? Parce qu’au début de l’année 2016, il y a eu prise en charge du dossier de la sécurité routière par le Ministère de l’Intérieur. Il faut savoir aussi que l’année 2019 a été la meilleure année de la sécurité routière depuis plus de deux décennies. Il faut en effet remonter aux années 1990 pour trouver un bilan similaire de l’accidentalité.

Pourquoi les mesures de coercition prises par les pouvoirs publics n’ont-elles pas pu endiguer ce phénomène ?    

S’il n’y avait pas une baisse des indicateurs de l’insécurité routière, on n’aurait pas parlé de l’inefficacité des mesures prises. Il est vrai que la facture est importante mais comparativement à ce qu’on enregistrait auparavant, on est en constante diminution. Il a fallu du temps pour arriver à 3 275 morts et 22 500 accidents, il faut maintenant passer la vitesse supérieure qui exige des moyens de surveillance et de contrôle plus performants. Le niveau en matière de sécurité routière est intimement lié au niveau de développement d’un pays. Les pays leaders en matière de sécurité routière ce sont les pays scandinaves. Et le plus gros taux d’accidentalité dans le monde est concentré dans les pays à revenus intermédiaires.

Quelles sont les mesures prises pour ce qui est de la sécurité routière ?

 Depuis 2017, nous sommes en train d’insister sur un aspect qui paraitrait pour beaucoup de gens comme dérisoire, mais qui est très important. Il s’agit de l’ « architecture institutionnelle » de la sécurité routière. C’est à partir de cette année-là que nous avons introduit la disposition portant création d’un « Conseil de concertation intersectoriel ». Le décret a été publié en décembre 2019.

Pourquoi ce Conseil ?

Parce qu’il s’agit d’une politique éminemment transversale. Il y a énormément d’acteurs et les décisions doivent émaner du gouvernement. Il ne s’agit pas d’une politique sectorielle du ministère de l’Intérieur ou du ministère des Transports. En sus du fait que les décisions doivent émaner du gouvernement, l’évaluation de cette politique doit se faire à un niveau gouvernemental. C’est la première fois depuis l’Indépendance que nous avons une instance gouvernementale qui va se pencher sur la question de la sécurité routière.

Qu’est-ce que cela va-t-il changer concrètement ?  

 Lorsqu’il y a des insuffisances ou bien des lacunes par rapport à un plan d’action tracé, elles seront suivies à un niveau gouvernemental. Les failles seront discutées à ce niveau. Or, dans l’ancienne architecture, il s’agissait d’un établissement public à caractère administratif, en l’occurrence le Centre national de prévention et de sécurité routière, lequel n’avait même pas les moyens de mener à bien ses actions, se contentant de dresser un bilan qui restait au stade du ministère des Transports ou de l’Intérieur. Dorénavant, ce sont des ministres et des chefs d’institutions qui vont siéger au sein du Conseil de concertation intersectoriel, et ce sont eux qui vont s’engager pour la mise en œuvre des mesures arrêtées par le gouvernement. La donne va changer, car l’évaluation va se faire en leur présence et un secteur qui n’a pas réalisé sa tâche va être évalué en conséquence. Il convient de préciser que dans le cadre de la loi de 2017, nous avons créé une instance appelée la Délégation à la sécurité routière laquelle va mutualiser les missions du Centre national de prévention et de sécurité routière (qui n’existera plus) et aussi du Centre national du permis de conduire.

Quelle différence existe-t-il entre cette nouvelle instance et celles déjà existantes ?  

Il y avait une dilution des responsabilités par rapport à ce dossier de la sécurité routière. On a voulu créer une structure leader qui sera responsable de ce dossier. S’il y a échec dans la mise en œuvre de la politique, ce sera en grande partie la défaillance de cette Délégation nationale à la sécurité routière.

On pointe très souvent l’élément humain comme principal facteur des accidents de la route, qu’en est-il des autres aspects ?

Il y a des gens qui remettent en cause les données statistiques liées à l’accidentalité. Il faut savoir que le bilan de l’accidentalité est établi par les services de gendarmerie et de police. En décortiquant le bilan, vous allez trouver que l’élément humain. Plus de 55% des blessés et des décès dans les zones urbaines sont des piétons. L’excès de vitesse est à presque 20% des causes d’accidents. La baisse de vigilance est à 15%. Tous ces chiffres associés à l’imprudence des piétons nous ramènent à ce chiffre de 95% des accidents dont la cause est l’élément humain.

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