Économie

Accord historique de l’Opep+ : les cours du pétrole plombés par un plafond d’inquiétudes

L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs partenaires ont convenu dimanche soir d’une baisse de production d’une ampleur inédite dans l’espoir d’enrayer la chute des cours affectés par la pandémie de nouveau coronavirus, et la guerre des prix entre la Russie et l’Arabie saoudite.

Après plusieurs jours de négociations, une ultime réunion organisée par visioconférence a permis de lever les derniers obstacles à une réduction de l’offre pétrolière de 9,7 millions de barils par jour en mai et en juin.

L’organisation menée par l’Arabie saoudite qui, depuis deux ans coopère avec la Russie, entend en outre appliquer ces quotas jusqu’en mai 2022, en les faisant passer à 7,7 millions mbj au second semestre 2020, puis à 5,8 millions mbj.

Cette annonce a permis aux cours de rebondir d’environ 3% à l’ouverture des marchés asiatiques ce lundi : le baril américain de West Texas Intermediate (WTI) a grimpé à 23,55 dollars et celui de Brent de la mer du Nord à 32,46 dollars. Dans la matinée, le WTI a même bondi de plus de 6%.

Alors qu’il était espéré que l’accord entraîne un rebond des cours du pétrole, l’annonce par l’Opep a rapidement perdu l’effet escompté. Les cours du pétrole qui grimpaient en Asie dans la foulée de l’accord des pays producteurs ont rapidement ralenti nettement leurs gains. Vers 9h, le prix du baril de brut américain WTI ne gagnait plus que 0,75% à 22,93 dollars, et celui du baril de Brent londonien retombait même en territoire négatif (-0,38% à 31,36 dollars).

L’explication de l’absence de rebond semble se trouver dans les inquiétudes du marché entourant la pandémie du coronavirus, ayant mis à l’arrêt l’économie mondiale. Le rebond s’est en effet heurté à un plafond d’inquiétudes, les marchés redoutant que cet arrangement difficilement trouvé ne suffise pas à réduire la surproduction tandis que la pandémie de coronavirus continue de laminer la demande. Il faudra cependant selon les experts plusieurs semaines avant d’évaluer l’efficacité de l’accord.

En attendant, de nombreuses voix se sont élevées pour saluer cet accord qualifié d’historique. « L’OPEP + a réussi aujourd’hui à conclure un accord historique pour réaliser la plus grande baisse de production de l’histoire », a indiqué Bjornar Tonhaugen, analyste de Rystad Energy, cité par 20minutes. « Même si les réductions de production sont inférieures à ce dont le marché avait besoin, le pire est pour l’instant évité », estime son collègue Magnus Nysveen, cité par la même source.

L’accord de réduction de l’Opep+ permet en tout cas de mettre fin à la guerre des prix que s’étaient livrés l’Arabie saoudite et la Russie, cette dernière pointant du doigt la première sur le comportement « irrationnel » adopté en pleine pandémie et de crise de la demande en pétrole. « A mon avis, les actions (de l’Arabie saoudite, ndlr, qui a augmenté sa production) étaient irrationnelles car la hausse de l’extraction en période de baisse de la demande – c’est irrationnel même du point de vue de la théorie économique », a déclaré ce dimanche avant le début de la conférence le ministre russe de l’Energie Alexander Novak, cité par La Tribune.

La Russie n’est cependant pas en reste, des experts pointant du doigt son revirement stratégique, conséquence d’un pari raté. « Le 4 mars, quand fut décidé cette nouvelle stratégie, l’Etat russe ne considérait nullement le Covid-19 comme une menace réelle, ni pour la Russie, et encore moins pour le reste du monde », explique Gérard Vespierre, directeur de Recherche à la FEMO, sur les colonnes de la Tribune.

« Planifiée dans un environnement pétrolier mondial « normal », et de croissance, la décision russe s’est retrouvée mise en œuvre dans un marché mondial « anormal » et en forte régression. Cette situation non prévue a créé un écroulement du prix du baril, qui est passé, pour le Brent, sous le seuil des 30 dollars pendant 3 semaines », indique M. Vespierre, ajoutant que « les répercussions sur la Russie devenaient inévitables ».

M. Vespierre spécule également sur le rôle qu’aurait pu éventuellement jouer l’Algérie dans la résolution de la crise. « L’Algérie est particulièrement proche de Moscou. Difficile d’imaginer que ces relations privilégiées n’aient pas été utilisées pour passer quelques messages, afin de faire remonter les cours », spécule Gérard Vespierre.

Au final, un grand vainqueur a semblé émerger de cet accord historique : le président des Etats-Unis, Donald Trump. Ce dernier s’est vu endosser la casquette de « roi de l’Opep », appelant à des négociations rapprochées entre l’Arabie saoudite de Mohamed Ben Salmane et la Russie de Vladimir Poutine et se félicitant de l’accord de l’Opep, organisation dont il a pourtant avoué à maintes reprises son profond dédains par le passé.

Il s’agit d’un « très bon accord pour tous! », s’est réjoui le président Trump dans un tweet. « Cela sauvera des centaines de milliers d’emplois dans le secteur de l’énergie aux Etats-Unis », a ajouté Trump, en référence à l’industrie du schiste américain.

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