Économie

Accord Opep+ : quel impact sur les prix du pétrole ?

Les pays de l’Opep+, se sont accordés jeudi soir, sur l’objectif de réduire la production de 10 millions de barils de pétrole par jour pour enrayer la chute des cours. Quel est l’impact sur les prix ?

Saïd Beghoul, expert pétrolier. Pratiquement aucun impact positif sur les prix mais plutôt négatif du fait que le marché avait réagi positivement à la hausse jusqu’à plus de 34 dollars avant même la réunion du 9 avril car le marché s’attendait à une réduction d’au moins 15 millions de barils/jours (b/j) avec la contribution d’autres producteurs comme ceux du schiste américain, du Canada, du Brésil, ldu Mexique, etc. Après cette réunion, des doutes persistent encore quant à l’engagement concret de tout le monde à contribuer pour améliorer les cours. Il est donc normal que le marché soit déçu car les 10 millions de b/j représentent environ la moitié du surplus sur le marché, estimé à 20 millions b/j si ce n’est pas plus.

Les réductions de production évoquées suffisent-t-elles à compenser la chute de la demande mondiale à cause du Covid-19 ?

Absolument pas. Le Covid-19 a cloué l’essentiel de la motorisation au sol depuis plus de quatre mois, faisant chuter la demande mondiale de 30% avec la fermeture de beaucoup de raffineries dans le monde. Il ne faut pas oublier que 97% du transport mondial utilise le carburant fossile et que le transport consomme 40% de la production mondiale. Réduire de seulement 10 millions b/j ne suffit pas pour compenser à la fois le recul de la demande mondiale déjà enregistré avant la crise sanitaire, l’impact de cette dernière et celui de la récente guerre des prix (entre la Russie et l’Arabie saoudite) qui a porté les stocks mondiaux à environ 7.5 milliards de barils, soit 76% des capacités de stockage sont pleines.

Le Mexique joue un peu le trouble-fête dans cet effort de réduction. Son approbation était indispensable pour entériner l’accord lors de cette réunion. Par conséquent, l’accord de réduction de la production peut-il entrer en vigueur à partir de la date qui a été décidée lors de la réunion de l’Opep+ ?

Le Mexique qui fait pourtant partie du groupe Opep+ (Russie, Mexique, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Malaisie, Oman, Soudan et Soudan du Sud), refuse de réduire les 400 000 b/j qui lui seraient assignés en déclarant qu’il n’ira pas au-delà de 100 000 b/j s’il déciderait à contribuer. L’approbation de l’accord en dépend mais la Russie semble exiger aussi la contribution de tous les producteurs potentiels même hors Opep+, comme les schistes américains, le Brésil, Canada, Norvège… mais ces hors Opep+ (ou Opep ++) sont restés prudents, voir réticents. Il y avait un certain espoir de voir les ministres de l’énergie du G20, réunis hier, vendredi, sortir avec un additif de réduction d’au moins 5 millions b/j mais ces ministres se sont juste limités à exprimer leur souhait de voir le marché s’équilibrer. Le doute persiste encore quant à la mise en application de cette réduction de 10 millions b/j (20% de la production à réduire par pays) aussi bien sur le plan quantité réelle à extraire du marché que sur la durée d’autant que le 10 juin prochain, la réunion ordinaire du groupe pourrait modifier cet agenda en fonction de l’évolution d’un marché sous contrôle sévère de Covid-19.

Quel est l’impact sur l’Algérie ?

Notre pays est doublement affecté. D’abord depuis la crise de juin 2014 dont nous vivons les séquelles puis la chute vertigineuse des prix, déjà précaires, à cause de la pandémie actuelle. Malheureusement, à chaque crise on parle de remise en cause. On l’avait dit lors de la crise pétrolière de 1986, puis durant la crise asiatique de 1998 quand le prix du baril est tombé sous la barre des 10 dollars, etc. Mais les embellies et les aisances financières y afférentes ne tardent pas à nous faire oublier nos malheurs. De nos jours, avec la mondialisation et le démantèlement des frontières commerciales et la substitution des intérêts nationaux aux relations amicales, etc…ce ne sont pas les crises qui vont manquer. Comme on dit, on ne perd pas, on apprend pour ne plus perdre. Mais, nous, nous n’avons pas voulu apprendre nos leçons pour parer à toute prochaine crise. Mais il se peut qu’il ne soit jamais trop tard. Ce serait notre ultime chance.

Les plus lus