Un Tunisien de confession juive a été agressé jeudi dernier par un homme armé d’un grand couteau sur l’île de Djerba, au sud-est de la Tunisie. La réaction du ministre israélien des Affaires étrangères a suscité une vive indignation en Tunisie.
L’île de Djerba, qui s’apprête à accueillir le pèlerinage annuel de la Ghriba, l’un des plus importants événements religieux juifs en Afrique du Nord, a été jeudi dernier le théâtre d’une agression d’un bijoutier tunisien de confession juive.
La victime a immédiatement reçu les premiers soins avant d’être hospitalisée pour une intervention à l’épaule, a indiqué René Trabelsi, représentant de la communauté juive et ex-ministre tunisien du Tourisme.
Les Tunisiens s’indignent suite à la réaction du MAE israélien
Si les jours de la victime ne sont plus en danger, les motivations de l’agresseur ont laissé le champ libre aux spéculations. Certains parlent d’une banale tentative de vol qui aurait mal tourné, mais d’autres y voient un acte antisémite, voire terroriste.
Cité par AFP, René Trabelsi affirme que les motivations de l’attaque sont encore inconnues : « À cette heure-ci, on ne sait pas si c’est une attaque antisémite », a-t-il dit dans la nuit du jeudi. Toutefois, il assure sur sa page Facebook que « de tels actes isolés ne reflètent en rien l’esprit du peuple tunisien, reconnu pour sa solidarité et son unité ».
À l’heure qu’il est, les autorités tunisiennes n’ont rien communiqué sur cette agression. Mais la réaction du ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, sur cet incident n’a pas manqué de susciter de l’indignation au sein de la société civile tunisienne.
Le chef de la diplomatie israélienne a appelé « les autorités tunisiennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la communauté juive », tout en rappelant qu’une attaque meurtrière s’était déjà produite il y a deux ans pendant le pèlerinage de la Ghriba.
« Il est étrange que vous vous souveniez aujourd’hui des valeurs humaines »
La première personnalité à réagir sur cette réaction est René Trabelsi. Il a dit que le communiqué du MAE israélien le « dérangeait énormément », selon toujours l’AFP. « On ne dépend pas d’Israël. On est des Tunisiens. Je ne comprends pas l’attitude du ministre des Affaires étrangères israélien qui demande de protéger les juifs de Djerba », a-t-il déclaré.
D’autres personnalités politiques et des militants tunisiens se sont également indignés suite à la réaction du ministre israélien, l’accusant d’exploitation politique. Pour eux, Israël tente de politiser cet incident local isolé pour détourner l’attention des crimes de guerre commis à Gaza.
Sur sa page Facebook, la députée Fatma Mseddi a écrit, dans un message fort adressé au MAE israélien : « Il est étrange que vous vous souveniez aujourd’hui des valeurs humaines, alors que vous restez silencieux sur les milliers de Palestiniens qui meurent de faim et des bombardements ».
La députée ajoute que « l’incident de Djerba est une affaire interne tunisienne, qui sera gérée par les institutions de l’État. Nous n’acceptons pas que quelqu’un parle au nom des Tunisiens, ni à Djerba, ni ailleurs. En Tunisie, nous ne divisons pas les citoyens en fonction de leur religion ou de leurs croyances ».
« Commencez d’abord par balayer devant votre porte »
De son côté, le directeur de l’Observatoire tunisien des droits de l’homme, Mostafa Abdelkebir, a affirmé, en réponse au MAE israélien, que « la Tunisie est un État civil qui n’a pas de leçons à recevoir en matière de protection fondée sur la religion, l’appartenance ethnique ou l’origine. La loi tunisienne s’applique à tous et la citoyenneté est la seule norme ».
S’adressant toujours au chef de la diplomatie israélienne, un militant tunisien indique que « ce ministre s’est cru autorisé à demander à la Tunisie de protéger sa communauté juive », ajoutant qu’en Tunisie, « on ne trie pas les gens. Pas de communautés, juste des citoyens. Juifs, musulmans, chrétiens ou sans religion, tous sont égaux… Pas besoin d’étiquettes ».
Sur un ton encore plus fort, il ajoute : « Quant à vous, Monsieur le Ministre, avec tout le respect que je ne vous dois pas, commencez d’abord par balayer devant votre porte. Les leçons de droits humains, gardez-les pour chez vous ».