Économie

Agriculture algérienne : les leçons de l’exploit de la Russie

En plus des retombées militaires, humanitaires et géostratégiques de la guerre en Ukraine, le monde est aussi préoccupé par ses conséquences économiques. L’Algérie, qui n’est pas à l’abri de ces conséquences, devrait tirer des enseignements de ce conflit où l’agriculture s’avère une arme stratégique redoutable.

Les deux belligérants sont de gros fournisseurs de la planète en énergie et en produits alimentaires de base, dont les prix, déjà en hausse depuis quelques mois, ont flambé après le lancement de l’opération militaire russe, jeudi 24 février.

Le pétrole est au plus haut depuis 2014 et le blé a dépassé ses sommets de 2012. 

La Russie est l’un des plus importants acteurs du marché mondial de l’énergie. Elle fournit à elle seule le tiers des besoins de l’Europe en gaz.

 

Flambée des prix du pétrole et du blé

 

Avant même le déclenchement de la guerre, l’Algérie était citée parmi les alternatives pour faire face à une éventuelle perturbation de l’approvisionnement de l’Europe et à terme, pour sortir de cette dépendance vis-à-vis de la Russie. Proche de l’Europe et disposant de réserves et d’infrastructures importantes, l’Algérie est surtout reliée au continent par de nombreux gazoducs.

Le jour même du déclenchement des hostilités, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a rappelé ces atouts et réitéré la disposition de l’Algérie à contribuer à la sécurité énergétique de ses partenaires « à travers la sécurisation de l’approvisionnement en hydrocarbures, notamment le gaz naturel ».

Si la nouvelle situation se présente comme une opportunité pour d’abord tirer profit de la hausse des prix et développer ensuite davantage l’industrie nationale des hydrocarbures et les capacités de transport et d’exportation, ses retombées alimentaires sont moins bénéfiques pour l’Algérie.

Le blé, dont elle est l’un des plus gros importateurs mondiaux, a atteint des sommets, jusqu’à 340 dollars la tonne. Il en est de même pour les autres matières premières alimentaires que l’Algérie ne produit pas en quantités suffisantes, ou pas du tout, comme les graines oléagineuses.

La facture des importations alimentaires de l’Algérie, déjà importante, sera encore plus salée. Mais là aussi, les choses se présentent comme une opportunité pour développer toutes l’agriculture, la filière céréalière en particulier. 

Il s’agit de prendre exemple sur la Russie qui a su faire de l’une de ses faiblesses face aux Occidentaux, un atout majeur, en plus bien sûr de la puissance de feu de son armée. En 2014, après l’annexion de la Crimée, la Russie avait subi des sanctions de la part de l’occident qui ont eu des conséquences douloureuses sur l’approvisionnement de sa population en produits alimentaires de base. Elle était alors un importateur net de nombreux produits, dont le blé, les viandes…

 

Une tendance inversée en quelques années 

 

Cet épisode avait incité les autorités russes à investir massivement dans l’agriculture pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Au total, 52 milliards de dollars ont été investis dans le secteur. Certes, le changement climatique a été un facteur favorable puisque de vastes terres gelées sont devenus cultivables, mais ce qu’ont fait les Russes s’apparente à un petit miracle. En sept ans, la Russie est devenue autosuffisante en viandes porcine et de volaille (grâce à l’élevage intensif) et surtout un acteur majeur de la production mondiale de blé. 

Elle exporte aujourd’hui la moitié de sa production et représente entre 17 et 20% des exportations mondiales. Avec l’Ukraine, qui en détient 12%, c’est quasiment le tiers du blé de la planète qui provient de cette région. 

Avec la guerre en cours et le très probable contrôle de l’Ukraine ou d’une partie de son territoire, la Russie pourrait mettre la main sur une partie importante du commerce mondial de blé. Les analystes la soupçonnent aussi de chercher à contrôler les ports ukrainiens de la mer Noire d’où est expédié le blé vers les principaux acheteurs, les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. 

 

Agriculture en Algérie : des investissements conséquents

 

L’Algérie aussi a tenté de développer son agriculture, avec des investissements tout aussi conséquents, mais les résultats ne sont pas aussi retentissants. Depuis 2000, les différents programmes de soutien à l’agriculture ont englouti au moins 30 milliards de dollars selon diverses estimations, et deux décennies après, le pays en est à s’inquiéter pour son alimentation à cause d’une guerre qui se déroule à des milliers de kilomètres de ses frontières.

L’agriculture algérienne a produit 25 milliards de dollars en 2021, mais l’Algérie demeure un importateur net de céréales, de lait, de viandes, de sucres et d’huiles, soit tous les produits du panier de l’indice de l’organisation des Nation-Unis pour l’alimentation (FAO).

Les investissements consentis ont seulement permis d’augmenter les surfaces arables d’un million d’hectares (de 7.5 millions d’hectares en 1998 à 8.5 millions en 2018). La culture céréalière, érigée pourtant en priorité, réalise des performances très précaires à cause de sa très forte dépendance de sa pluviométrie. En 2017-2018, 6.5 millions de tonnes ont été produits, contre des prévisions de moins de 3 millions de tonnes pour l’année en cours. 

L’exemple de la Russie, qui a utilisé les recettes du pétrole pour créer une autre ressource intarissable, doit être médité. Les potentialités de l’Algérie son énormes avec des superficies de terres arables pouvant être portée jusqu’à 30 millions d’hectares et des réserves d’eaux souterraines parmi les plus importantes au monde. La fenêtre de tir qu’offre la hausse actuelle des prix des hydrocarbures doit être saisie pour développer toutes les filières agricoles, notamment les plus sensibles. 

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