En Algérie, le manque de pluie de ce printemps affecte le blé mais également la production de pomme de terre primeur et de petits pois, des cultures non-irriguées.
Autre conséquence de la sécheresse qui frappe de plein fouet l’Algérie ce printemps, une réduction des journées de travail qui affecte l’emploi agricole. Avec la sécheresse, c’est tout le monde rural qui accuse le coup.
En cette fin avril à Relizane la récolte bat son plein. Dans un champ, des ouvriers s’activent à récolter les pommes de terre. Quelques exploitations possèdent des arracheuses qui permettent de déterrer les tubercules. Pour d’autres, la récolte est entièrement manuelle.
Le déterrage se fait au crochet. Une fois les tubercules déterrés, il faut les ramasser et remplir les caisses en plastique utilisées pour le transport. Une opération qui se fait à genoux dans la terre rouge si caractéristique de Relizane. Les ouvriers sont payés à la caisse. Des caisses qu’il faut ensuite ramener au pied des camions qui attendent alignés en bordure de champs.
Un des camions est enfin chargé. Les ridelles de l’arrière du véhicule démontées lors du chargement sont péniblement remises en place tant le camion est plein.
Lakhdar, un agriculteur de Relizane, confie à Ennahar TV : « D’habitude, tu plantes un quintal de pomme de terre et cela donne 15 quintaux. Cette année, ce n’est pas le cas. Il n’y a pas grand-chose. C’est à peine si cela donnera 8 quintaux« .
Son voisin ajoute : « La pomme de terre demande un fort investissement. Cette année, on a investi 100.000 dinars par hectare. À quel prix la vendre ? Si la culture n’est pas rémunératrice, ni l’ouvrier ni le fellah ne gagne« .
Coiffé d’un élégant turban, Hadj explique : « Le rendement c’est selon la qualité du sol et de la pluie. En général on récolte 350 à 400 quintaux de pommes de terre par hectare, mais cette année comme il n’a pas plu on récolte entre 270 à 280 quintaux. C’est tout ce qu’il y a« .
Très fier, il ajoute cependant : « Il y a des commerçants qui viennent de toutes les wilayas : Sétif, Bouira, Alger, … Ils viennent charger et vont dans les souks de gros« .
Toufik, simple ouvrier agricole est inquiet : « Le paysan souffre cette année, il n’y a pas de production. Habituellement, on travaille 3 à 4 mois à la récolte. Cette année, si on travaille un mois, ce sera bien« .
À ces côtés, un jeune ouvrier ajoute : « Pendant le mois de ramadan on commençait à 3 heures du matin et on travaillait jusqu’à 9 à 10 heures. De quoi remplir 20 caisses de pomme de terre et gagner sa journée« . Quelque peu fataliste, il lance : « Nous on trime et c’est tout. On verra bien« .
À l’arrière d’un camion, des ouvriers empilent le maximum de caisses les unes sur les autres. Pour ne pas que la marchandise s’abîme durant le voyage, ils ajoutent une brassée de fanes de pomme de terre entre chaque caisse.
Petits pois, récolte en baisse
À Relizane, la récolte 2023 des petits pois ne restera pas dans les annales. L’année est loin d’être faste. Dans une parcelle, une dizaine d’ouvriers s’affairent à la récolte.
Un travail manuel qui est éreintant. Il faut être agenouillé ou le dos courbé des heures entières. Il s’agit le plus souvent de petites surfaces non irriguées. L’alignement des plants trace des lignes vertes sur le sol rouge qui a été biné entre les rangs.
Un travail parfois réalisé à l’aide de la traction animale et qui permet l’élimination des mauvaises herbes. Celles-ci prolifèrent dans les rangs et concurrencent les plantes pour les maigres quantités d’eau retenues dans le sol.
Ici, pas la moindre utilisation d’herbicides, c’est une culture bio qui prospère grâce au savoir local. Le petit pois de Relizane mériterait un label.
Kada, la tête couverte d’un chapeau de toile, est le propriétaire de la parcelle. Il s’affaire avec les ouvriers mobilisés pour la cueillette. Des ouvriers agricoles dont certains sont mineurs.
Il confie à Ennahar TV : « La production est faible, même très faible par rapport aux autres années. C’est à cause du manque de pluie. Nous sommes 3 agriculteurs dans le douar qui cultivent des petits pois et chez chacun c’est la même situation. D’habitude la récolte a lieu en mars, mais cette année il aura fallu attendre avril pour récolter« .
Mohamed, un habitué résume la situation : « D’habitude le rendement est de 50 à 55 quintaux à l’hectare, cette année c’est à peine si on arrivera à 10 quintaux. L’année dernière, sur une rangée, on remplissait un filet. Cette année, c’est à peine si on cueille 10 kilos« .
Derrière lui, les petites mains détachent les gousses avec une habileté surprenante et les disposent dans un sac plastique que chacun traîne derrière. Le paiement s’effectue à la tâche. Aussi, chacun s’affaire à récolter le maximum de gousses.
Laïd, un keffieh utilisé comme turban, s’inquiète des consommateurs : « Il y aura moins de petits pois sur le marché et les prix vont augmenter. Ils seront hors de portée des consommateurs à faible revenu. Quant à l’agriculteur, c’est un grand manque à gagner cette année« .
El Ouadi illustre la baisse de production d’une autre manière : « Les autres années, on récoltait durant toute une semaine. Cette année, ce ne sera que 2 jours. Auparavant, on récoltait jusqu’à 200 quintaux, cette année c’est à peine s’il y en aura 50« .
Une camionnette attend en bord de champs. Il poursuit : « D’habitude le véhicule repart chargé, cette année c’est à peine s’il transporte quelques sacs en fin de journée« .
Baisse de la production, hausse des prix et réduction du nombre d’heures de travail, les effets de la sécheresse sont divers en Algérie.
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