Économie

Agriculture saharienne : l’Algérie sollicite les Américains

L’Algérie veut développer l’agriculture dans le Sahara pour réduire sa dépendance aux importations de produits de première nécessité comme les céréales.

Lors de l’inauguration officielle de la 53e édition de la Foire internationale d’Alger (FIA) lundi 13 juin, le président Abdelmadjid Tebboune a visité le pavillon des États-Unis d’Amérique.

Cette année, ce pays est l’invité d’honneur de la FIA. À cette occasion, le chef de l’État a insisté sur l’intensification de la coopération dans le domaine agricole avec les entreprises américaines, affirmant le lancement d’un « programme ambitieux de mise en valeur des terres sahariennes ».

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À plusieurs reprises ces derniers mois, le président Tebboune a rappelé l’importance du développement de l’agriculture saharienne et des cultures stratégiques.

Sud, une agriculture sous contrainte

Au contraire de l’agriculture oasienne développée à l’ombre des palmiers, l’agriculture saharienne utilise de grandes quantités d’eau. Une eau souvent chargée en sel.

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Ce type d’agriculture nécessite également de grandes quantités d’énergie afin de pomper l’eau des nappes souterraines et de mouvoir les pivots d’irrigation. Les rendements sont en moyenne de 40 à 50 quintaux de blé à l’hectare. Pour les services agricoles, le défi est d’inscrire ce type de développement dans la durabilité.

Un savoir acquis en Arabie saoudite

Certaines entreprises américaines disposent d’un réel savoir-faire dans ce domaine. Il a été acquis dans les années 1980 en Arabie saoudite lors de la vague de la Ground Water Economy.

Le royaume saoudien avait demandé à des compagnies pétrolières de mettre leur savoir-faire en matière de forage au service de l’agriculture. À l’époque, l’accent mis sur l’utilisation des eaux souterraines avait permis à l’Arabie saoudite une autosuffisance en blé.

Puis, face à l’épuisement des nappes souterraines, un décret royal avait mis fin à l’irrigation par pivot. Le ministère de l’Agriculture saoudien encourageant alors la prise de concessions agricoles en Afrique de l’est.

Les déboires des sociétés américaines en Algérie

En Algérie, la collaboration avec les entreprises américaines n’est pas nouvelle. Et des entreprises turques sont présentes dans le sud.

En 2015, en présence de l’ambassadrice des États-Unis à Alger, un protocole d’accord pour la création d’une joint-venture algéro-américaine avait été signé entre le groupe Lacheb et le groupe américain AIAG.

Le projet visait à exploiter 20 000 hectares à Brézina (El-Bayadh) pour produire du blé, de l’orge, des pommes de terre et du maïs. Était également prévu un projet de développement de la production laitière avec l’entreprise Tifra Lait.

La réalisation des projets a pris du retard. En octobre 2018, dans les colonnes du Quotidien d’Oran, Smaïl Chikhoune, président du Conseil d’affaires algéro-américain, dénonçait les lenteurs bureaucratiques. Des tracteurs de grande puissance seraient restés bloqués trois mois au niveau des Douanes suite à une restriction de l’époque concernant le matériel roulant. Il avait fallu une dérogation spéciale pour faire sortir les tracteurs du port.

Ces tracteurs étant équipés de GPS, des autorisations de la DGSN, des ministères de la Défense et des Postes et Télécommunications avaient été nécessaires.

« C’est pour cette raison, qu’on réclame plus de simplification de la réglementation algérienne et l’amélioration du climat des investissements, en Algérie », avait alors demandé Smaïl Chikhoune. Quant à l’ambassadeur des États-Unis à Alger, celui-ci avait parlé de « manque de prévisibilité », ajoutant : « Un investisseur qu’il soit américain ou autre, a besoin d’une prévisibilité allant de cinq à dix ans ».

Des mégaprojets agricoles qui ont fait polémique

Plus grave, en février 2017, dans une retentissante étude publiée par Maghreb Emergent, l’économiste et ancien ministre de l’Industrie Ferhat Ait Ali avait souligné le manque de garanties apportées par la société américaine AIAG.

Smaïl Chikhoune avait alors rappelé le savoir-faire du consortium américain « formé avec l’expertise de la compagnie Valley pour l’irrigation, John Deere pour les tracteurs puissants, Spudnik pour les équipements de grandes récoltes, S&W Seed pour la semence de pommes de terre, céréales et aliments de bétails, BouMatic pour les équipements de fermes de vaches laitières, Five-G pour la conception et la construction de méga-fermes de plus de 10.000 vaches et World-Wide Sirus pour l’amélioration de la race ».

À cette occasion, il regrettait qu’« aucune référence n’a été faite au 3e partenaire nommé Mr. Dirk Parkinson, le plus grand producteur (depuis 3 générations) de semences de pommes de terre de l’Idaho. Pour rappel l’Idaho est l’État référence en matière de culture de semences de pomme de terre dans le monde ».

Quel cahier des charges pour la partie américaine ?

Au-delà de la mise en place des pivots, que maîtrisent des sociétés algériennes comme le groupe public Cosider, c’est toute une ingénierie qui est à développer afin d’améliorer les cultures dans un environnement aride.

Il s’agit d’optimiser les quantités d’eau et d’énergie utilisées, de lutter contre la salinisation des terres et de choisir les espèces les plus intéressantes à cultiver.

Par ailleurs, l’estimation de l’évolution des réserves en eau est capitale. Les nappes du continental intermédiaire et du continental terminal sont majoritairement constituées d’eau fossile. Si de récentes études ont révélé un phénomène de recharge naturelle estimé à 1,4 km3 par an, ce phénomène est faible et il ne compense que 40 % des prélèvements annuels. Des prélèvements qui vont croissants.

Cette recharge naturelle provient des pluies et des crues d’oueds dont la plupart se perdent dans les chotts. Dans quelle mesure des ouvrages spécifiques pourraient-ils permettre d’améliorer cette recharge ?

L’Observatoire du Sahara et du Sahel regroupe des équipes pluridisciplinaires des pays concernés. Il a entrepris d’évaluer par télédétection le niveau des prélèvements d’eau souterraine pour l’usage agricole à l’échelle des zones pilote.

Nulle doute que ce genre de démarches permettra de poser les bases pour l’exploitation rationnelle des aquifères sahariens et de développer la coopération internationale.

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