search-form-close
Ahmed Benbitour, l’homme qui a toujours dit non

Ahmed Benbitour, l’homme qui a toujours dit non

Ahmed Benbitour a été reçu, dimanche 29 décembre, par le président Abdelmadjid Tebboune. Le laconique communiqué de la présidence annonçant la rencontre ne précise rien de sa teneur.

Le nouveau président a reçu l’ancien chef de gouvernement dans « une rencontre consultative » pour faire « un diagnostic de la situation générale du pays et de l’état de l’économie » ainsi que pour étudier « les perspectives de mobiliser les compétences nationales et les bonnes volontés ». Voilà ce que dit le communiqué diffusé via les canaux officiels.

Contacté par des journalistes après la rencontre, M. Benbitour n’en a pas dit plus. Au vu du poids de l’ancien chef de gouvernement sur la scène et de ses positions depuis le début du Hirak populaire, la rencontre ne manquera pas d’alimenter les spéculations dans les jours à venir.

Le poste de Premier ministre étant pris depuis samedi avec la désignation de Abdelaziz Djerrad, dans quelle optique peut bien donc s’inscrire cette rencontre surprise ? Le président a-t-il proposé un poste ou une mission à l’ancien chef de gouvernement ou a-t-il simplement voulu avoir son avis sur la situation comme le dit le communiqué officiel ?

Ahmed Benbitour demeure l’une des personnalités nationales les plus respectées du Hirak populaire et de la société en général, mais en attendant de connaître davantage sur l’objet et la teneur de la rencontre, il est prématuré de parler de bonne pioche pour le président Tebboune, tant l’ancien chef de gouvernement s’est montré inflexible ces vingt dernières années sur les principes qui sont les siens. Il a dit non à toutes les sollicitations et refusé toutes les initiatives qui n’allaient pas dans le sens de l’instauration de la démocratie véritable et de la bonne gouvernance.

Après avoir occupé plusieurs postes ministériels dans les années 1990 (économie, finances…), Benbitour a dirigé le premier gouvernement de Bouteflika, de décembre 1999 à août 2000. Il a démissionné au bout de huit mois seulement à cause des velléités d’instaurer un pouvoir personnel déjà perceptibles chez le nouveau président.

Dans son livre paru en 2006, Radioscopie de la gouvernance algérienne, il a fait part de « divergences dans la conception que nous nous faisions du fonctionnement de l’Etat et de ses institutions ». Il a avancé trois raisons directes qui ont mis fin à sa collaboration avec Bouteflika : la volonté de celui-ci de supprimer les conseils du gouvernement, des divergences sur les visites dans les wilayas et le dossier des capitaux marchands de l’Etat.

Depuis le 26 août 2000, date de sa démission, il a gardé une ligne de conduite constante vis-à-vis du pouvoir, refusant à plusieurs reprises de revenir aux affaires, malgré les sollicitations. En 2012, il avait annoncé son intention de se présenter à la présidentielle de 2014, mais il a fini par y renoncer.

Après le déclenchement du Hirak, le 22 février, il a appelé à répondre aux aspirations des manifestants. Le 16 mai, il a accordé un entretien à l’agence de presse officielle dans lequel il a clairement appelé à une période de transition, estimant que « l’idée du respect stricto sensu de la Constitution ne fera pas sortir le pays de la crise ».

« La solution politique s’opère par un changement serein du régime à travers l’application des articles 7 et 8 de la Constitution puis l’activation de l’article 102 durant une période de transition qui devra donner lieu à l’élaboration d’une feuille de route pour une sortie de crise, la désignation d’un gouvernement de transition et la définition des modalités d’organisation d’une élection présidentielle régulière », avait-il proposé, suggérant aussi « la désignation de représentants officiels (du Hirak) capables d’élaborer une feuille de route pour négocier avec les parties dirigeantes en vue de réaliser la principale revendication de la rue algérienne, à savoir le changement de tout le système ».

| LIRE AUSSI : Le Hirak a résolu « les dysfonctionnements de la société et du pouvoir », estime Benbitour

Benbitour avait aussi proposé son aide dans la transition, en contribuant à l’élaboration de la feuille de route pour la gestion de cette étape, et indiqué qu’il avait « un programme de sortie de crise ».

Dès que le Hirak a mis en tête de ses revendications le départ des trois B et la mise en place d’une sorte de présidence collégiale, le nom d’Ahmed Benbitour a été souvent cité avec d’autres, comme Ahmed Taleb Ibrahimi, Mouloud Hamrouche et Mustapha Bouchachi.

Début juillet, il a été convié à la conférence de dialogue organisée par une partie de l’opposition à Aïn Benian, mais il a décliné l’invitation. « Je ne vais pas participer. Franchement, il n’y a pas de raison précise à mon absence. Il y a chaque jour des propositions qui sont lancées, et je ne peux pas assister à toutes les initiatives », avait-il expliqué, se disant en outre « non concerné » par le discours du président par intérim Abdelkader Bensalah appelant au dialogue.

Mais Ahmed Benbitour a signé plusieurs appels avec les personnalités nationales les plus en vue, notamment celui du 15 octobre dénonçant la volonté du pouvoir d’effectuer un « passage en force » à l’occasion de l’élection présidentielle, ou encore celui du 10 décembre appelant à la sagesse et à la retenue à la veille du scrutin.

| LIRE AUSSI : Ahmed Benbitour ne participera pas à l’élection présidentielle

  • Les derniers articles

close