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Ahmed Taleb Ibrahimi garde le mystère sur ses intentions

Ahmed Taleb Ibrahimi garde le mystère sur ses intentions

L’Arlésienne du mouvement populaire a fini par se manifester après avoir largement occupé les discussions sur les réseaux sociaux sous la forme d’une controverse. L’ancien ministre Ahmed Taleb Ibrahimi que de nombreuses sources donnent potentiellement acquis à participer à une direction nationale de transition a donné un début de réponse à ces spéculations qui nourrissent le débat. Mais un début de réponse qui garde le voile sur ses propres intentions.

Il a signé un « appel » où il rejette fermement les élections du 4 juillet, préconisant une transition qui exclut toute personne ayant collaboré avec le « régime profondément corrompu de ces vingt dernières années ». Comme si la morale régnait avant le règne de Bouteflika ! L’appel a été signé avec le vieux militant des droits de l’Homme Abdenour Ali-Yahia et le général à la retraite Rachid Benyelles, ancien ministre des Transports.

A cela, pas de surprise : les trois personnalités ont en commun plus de 25 ans de lutte au sein de l’opposition. Classés dans la catégorie des « réconciliateurs », Ibrahimi, Ali Yahia, et Benyelles ont milité dans les années 1990 contre l’instauration de l’état d’urgence décrété après les premières violences suivant le coup d’arrêt au processus électoral de décembre 1991.

L’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika en 1999 n’avait fait que donner de la vigueur à leur opposition même si le candidat des généraux fut vendu comme un « candidat du consensus » animé du désir d’instaurer la « réconciliation nationale » pour laquelle militaient les trois  personnalités. Grâce à leurs réseaux dans les rangs islamistes, elles ne devaient rien ignorer des négociations que menait l’ANP, par le biais du général Smaïl Lamari, avec l’Armée Islamique du Salut (AIS) de Madani Mezrag. Cela n’avait pas suffi à adoucir leur opposition et à lever leur méfiance parce qu’elles voyaient arriver la fraude destinée à faire élire Bouteflika. Tout espoir paraissait vain : on ne bâtit pas un Etat démocratique sur des bases frauduleuses.

Pour autant, Ibrahimi a laissé une fenêtre ouverte et a décidé de tester la sincérité du pouvoir qui avait tout intérêt à faire élire son candidat au terme d’une vraie compétition. Avec cinq autres personnalités, il s’est jeté dans la bataille et s’est lancé dans la campagne électorale. Comme Hocine Ait-Ahmed, Mouloud Hamrouche, Youssef Khatib, Mokdad Sifi et Abdallah Djaballah. Avec des appels de vote en sa faveur notamment de la mouvance islamiste, Ibrahimi paraissait en mesure de l’emporter. Quelques jours de campagne ont suffi aux six adversaires pour confirmer leurs soupçons et se rendre à l’évidence. Les jeux sont faits et rien ne sert de participer à la campagne. Ils ont laissé Bouteflika se faire plébisciter comme le candidat unique. Victoire sans péril et triomphe sans gloire pour le candidat du système ainsi humilié.

Bouteflika élu, l’autre ancien chef de la diplomatie, lance la création de son parti politique mais Wafa (Fidélité) ne sera jamais reconnu. Pour se justifier, le régime dira que près de la moitié de ses fondateurs étaient adhérents au FIS. Wafa « représente une menace pour la sûreté de l’Etat », dira aussi le ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni. « Faut-il tuer les trois millions d’Algériens qui ont voté pour le FIS, les priver de leurs droits civiques, au mépris de la Constitution et de la loi sur la Concorde civile ? », lui répondra Taleb Ibrahimi.

Avec cette défense, l’héritier de cheikh Bachir El Ibrahimi finira de conforter les convictions de ses détracteurs. L’ancien ministre de l’Education nationale, puis de l’Information et de la Culture sous Boumediene, est bien un islamiste en costume, jugent-ils. On rappellera son acharnement à arabiser l’enseignement et on lui prêtera un harcèlement incessant des intellectuels de gauche comme Kateb Yacine ou Abdelakder Alloula. Sur les réseaux sociaux, ses partisans et ses adversaires s’écharpent même s’il y a unanimité sur sa probité et son détachement du pouvoir. Son traducteur Abdelaziz Boubakir a révélé récemment qu’Ibrahimi a été sollicité en 2014 par le général Toufik, opposé à un 4e mandat de Bouteflika. Il aurait refusé cette offre qui n’a jamais été rendue publique. Le professeur Boubakir en conclut qu’à 87 ans, Taleb ne va pas accepter aujourd’hui ce qu’il a refusé en 2014.

Même pas un siège dans une instance de transition ? La question est posée au vu de la sollicitude dont l’héritier des Oulémas a été couvert ces dernières semaines. On lui attribue des contacts avec des émissaires du général Gaid Salah. En tout cas, c’est au commandement de l’ANP qu’il s’adresse pour lui demander d’ouvrir un dialogue « franc et honnête » avec des personnalités représentatives du hirak, mais aussi les partis politiques et les forces sociales. Il doit servir à doter le pays de mécanismes pour des élections libres.

Cela revient à parler du rôle de l’armée et de son patron dans cette phase de courte transition. Le général Gaïd Salah a rendu bavarde la grande muette. Il doit bien désigner la voie à suivre quand il constatera l’impossibilité de respecter l’ordre constitutionnel dont il a découvert les vertus. L’impasse juridique se précise et l’issue politique apparaît comme la seule perspective. Quelle forme prendra-t-elle et avec quels acteurs ?

| LIRE AUSSI : L’appel de Taleb Ibrahimi, Ali Yahia Abdenour et Benyelles à l’état-major de l’armée

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