Malgré le poids des ans, Ait Menguellet n’a rien perdu de sa superbe. Ce poète troubadour, au verbe ciselé, continue à envoûter son public intergénérationnel par des textes d’une rare beauté.
Et qui mieux que lui peut encore drainer les foules et des fans de tout âge dans ces moments de trouble et d’incertitudes ? Pourtant, c’est le pari qu’il vient de réussir à la coupole Mohamed Boudiaf lors d’un concert exceptionnel organisé vendredi 12 janvier à l’occasion du nouvel an berbère, Yennayer.
Vieux, jeunes, femmes, familles entières avec enfants, tous ont pris d’assaut l’enceinte de la coupole, qui s’est révélée exigüe pour l’occasion, pour écouter l’un des derniers bardes de sa génération, le Brassens kabyle comme le définissent certains, à juste titre.
Malgré une santé déclinante, -l’artiste est âgé aujourd’hui de 73 ans- Ait Menguellet, accompagné par ses deux fils musiciens, Tarik et Djaffar, a durant près de trois heures de spectacle envoûté une salle comble dont les présents n’hésitaient pas de reprendre en chœur toutes ses chansons.
Une communion dont seuls les artistes, au long cours, à la magie du verbe et à la profondeur des textes, de sa trempe ont le secret. Il faut sans doute remonter à plusieurs années en arrière pour voir un tel enthousiasme chez un public privé de spectacles et avide de ces moments de retrouvailles avec les artistes auxquels ils vouent une admiration sans limites.
Accompagné d’une chorale d’Ait Saada, Ait Menguellet, qui s’est toujours défini comme un poète dont la musique n’est qu’un support, a puisé dans son riche répertoire qui s’étale sur plus d’un demi-siècle pour satisfaire son nombreux public venu l’acclamer et le porter au pinacle.
Ait Menguelet, le Brassens kabyle qui sait répondre aux exigences de son public
Et le choix n’était pas fortuit : des chansons érigées déjà en patrimoine musical, apprises par cœur par le public, à forte charge émotionnelle par les messages qu’elles véhiculent. Des chansons où la philosophie le dispute à une fine observation de la société et les enjeux afférents à ses dynamiques culturelles et politiques.
Comme souvent, Ait Menguellet sait répondre aux exigences de son public : servir un mélange de chansons qui renvoient à la joie et celles qui interpellent les consciences. Entre autres chansons choisies pour l’occasion : « Abrid n’Temzi » (le chemin de la jeunesse), « Ettes Ettes » (Dors encore !), « Ssereh Iwamane » (Laisse l’eau couler), « chaaltagh tafat »(éclairez-nous le chemin). Ou encore JSK et la plus célèbre de ses chansons, reprises par plusieurs autres chanteurs, « Kechini ruh nek addekimegh) (Pars, moi je reste).
Soit, près de trois heures de pur bonheur et d’émerveillement d’un public qui, non seulement célèbre pour une fois avec faste une fête ancestrale, mais aussi retrouve les joies d’événements culturels dont le pays manque tant.
En guise de cadeau, Ait Menguellet a annoncé la sortie de son nouvel album « Snitraw » composé de six titres. De quoi perpétuer le lien viscéral entre le public et son poète adulé dont la production a fait l’objet de recherches et consignée dans plusieurs ouvrages.
Et rien de plus édifiant de ce que symbolise Ait Menguellet, sa poésie et ses textes que cet hommage du journaliste Hacen Ouali. « Lounis Ait Menguellet : un homme d’exception, un chanteur singulier qui sait redonner vie et envie à son peuple à chaque fois qu’il traverse un moment de doute. Immense merci ».
Oui, Ait Menguellet n’est pas simplement un artiste. Un observateur, un visionnaire et un guérisseur des âmes tourmentées. Le nombreux public qui lui a fait le triomphe ce vendredi, sans compter les milliers qui n’ont pas eu la chance de faire le déplacement, est sans doute la preuve éclatante.