
L’Algérie a décidé d’exiger des entreprises qui importent pour le fonctionnement et/ou la production la présentation aux banques d’un document intitulé « Programme prévisionnel d’importation pour le second semestre 2025 ».
Ce document est délivré par le ministère du Commerce et de la promotion des exportations qui a décidé de s’attaquer frontalement à la nouvelle technique pour frauder à l’importation qui prend de l’ampleur. Pour l’obtenir, six étapes sont nécessaires comme l’a détaillé le département de Kamel Rezig jeudi 10 juillet.
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Cette mesure qui est entrée en vigueur mercredi 9 juillet concerne toutes les entreprises qui importent pour leurs propres besoins, des équipements et des matières premières notamment.
Ce ne sont plus que les importateurs qui activent dans la revente en l’état qui sont sous surveillance uniquement. Toutes les entreprises qui effectuent des opérations d’importation sont tenues de faire connaître leur programme prévisionnel d’importation pour le second semestre de l’année 2025. Astreindre un très grand nombre d’entreprises (il y aurait 300 000 qui effectuent des opérations d’importation) peut paraître comme une corvée administrative supplémentaire, mais le gouvernement ne semble plus avoir le choix face à la multiplication des tentatives de fraude.
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Selon nos sources, la dernière mesure, qui survient dans un contexte de baisse des prix du pétrole, est destinée à contrecarrer certains opérateurs qui, sous couvert de l’importation pour leur propres besoins, font en fait de la revente en l’état en revendant les intrants et matières premières importées à des entreprises qui en ont réellement besoin.
Hormis l’État, tout le monde trouve son compte dans cette pratique. L’importateur fait de la revente en l’état en évitant de payer le taux élevé de taxe douanière prévu pour ce type d’opération, les matières premières destinées à la production étant taxées à 5% dans le cadre de la politique d’encouragement de la production nationale, au lieu de 25% pour les autres produits. L’écart est significatif.
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L’acheteur aussi a recours à ce stratagème pour pouvoir masquer au fisc une partie de son chiffre d’affaires. Tout se passe en dehors de la sphère légale et dans l’opacité et il n’est pas possible de ce fait de savoir si l’on est face à un phénomène marginal ou très répandu. Mais la mesure radicale prise par le ministère du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations d’imposer à toutes les entreprises qui importent pour le fonctionnement et/ou l’équipement, illustre l’ampleur de ce nouveau phénomène qui gangrène l’économie nationale.
Les entreprises qui utilisent cette technique se sont inspirées de certaines minoteries qui achetaient du blé subventionné par l’Etat pour le revendre au prix fort comme aliment de bétail sur le marché noir. C’est cette catégorie d’importateurs fraudeurs qui est dans le collimateur du gouvernement.
« Les nouvelles mesures de contrôle sur les importations renseignent sur la question stratégique que revêt le contrôle du commerce extérieur en Algérie. Au delà de la question des approvisionnements liés au marché national et à l’outil de production, c’est toute la dimension se rapportant à la régulation par l’État d’un secteur sensible pour la souveraineté nationale. Les pratiques liées à la faiblesse dans la transparence des activités ainsi que les positions de rente détenues par certains, font que les mesures administratives destinées à l’encadrement d’importations de marchandises mais aussi de services, sont régulièrement décriées à tort ou à raison », explique à TSA l’économie Brahim Guendouzi.
Malgré les efforts du gouvernement pour juguler la fraude aux importations et la fuite des devises, certains opérateurs indélicats n’hésitent pas à s’engouffrer dans la moindre faille dans la réglementation et le dispositif de contrôle pour s’enrichir sur le dos du Trésor public. Les autres entreprises qui travaillent sérieusement deviennent des victimes collatérales des fraudeurs.
En avril dernier, lors de sa rencontre avec les opérateurs économiques, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a regretté que l’Algérie soit passée de la surfacturation des importations ces deux dernières décennies à la sous-facturation des exportations. Le chef de l’Etat a cité l’exemple des dattes algériennes, exportées vers l’étranger à un prix dérisoire, nettement inférieur à celui de leur vente sur le marché national.
Comme la surfacturation, cette pratique a pour but de disposer de devises à l’étranger. De nombreux économistes expliquent que cette problématique de la devise, avec l’existence d’un double taux de change, est en grande partie responsable des malversations qui entourent les importations. En 2022, après une vaste opération d’assainissement, l’Algérie avait réduit le nombre des importateurs de 43 000 à 13 000, mais des tentatives de fraude sont toujours enregistrées, d’où les multiples notes émises régulièrement par le ministère du Commerce extérieur et la Banque d’Algérie. Cette fois, le mal s’est déplacé au sein des entreprises classées dans la catégorie des producteurs.