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Algérie : la culture de la grenade prend de l’ampleur

Algérie : la culture de la grenade prend de l’ampleur

Depuis plusieurs années sur les marchés en Algérie, les grenades font une apparition remarquée. Autrefois rares, elles sont aujourd’hui plus présentes à côté des oranges et des clémentines sur les étals des marchés de fruits et légumes.

Comme les clémentines, les grenades ne possèdent pas de pépins. Retour sur cet engouement pour la grenade.

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Avec plus de 1200 hectares de grenadiers en 2018, la wilaya de Djelfa bénéficie d’un savoir reconnu, notamment à Messaad. Un savoir qui essaime à travers le pays.

Des plantations de grenadiers à El Tarf

A Djerma (El Tarf) Kraïmiya Hamid est un investisseur heureux. Il récolte des grenades, des fruits juteux et sucrés. Un fruit à la main, il confie à HipponeNews : « On l’appelle Echachi, c’est la grenade de Sidi Djmil (Djelfa). Elle est connue du monde entier, on a amené des pieds de là-bas et on les a plantés. Il y a 6 hectares en tout ».

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Alliant la parole au geste, il indique comment détacher les fruits de leur branche : « Il ne faut pas tirer, mais faire pivoter le fruit tout en tirant pour ne pas abimer sa peau ».

Près de jeunes arbres de 2 mètres de haut au port buissonnant, des ouvriers agricoles récoltent les fruits parfois groupés par 5 à l’extrémité d’une branche.

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« L’eau d’irrigation vient d’un forage. C’est une eau potable que nous buvons nous-mêmes. Vous pouvez voir cette richesse, des fruits sans pépins. » Ouvrant une grenade, il vante sa qualité liée à l’absence de pépins et son goût. « Le fruit est sucré, il est excellent. J’en consomme malgré mon diabète et regardez, je me porte comme un charme ».

Cette parcelle, Hamid Kraïmiya l’a plantée il y a 4 ans à peine : « Les arbres vont encore pousser et donner plus. » Une parcelle dont l’ayant droit est un orphelin et avec qui il s’est associé.

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Le forage a été réalisé lors de la plantation et permet l’irrigation localisée des arbres par goutte à goutte.

Hamid Kraïmiya est un agriculteur dynamique. Outre les grenades, il est très investi dans la production de tomate de conserve dont il exploite près de 100 hectares. Il dispose de sa propre pépinière de plants, d’une planteuse et d’une machine de récolte.

En période de pointe, il lui arrive d’employer jusqu’à 200 ouvriers agricoles. Cette extrême spécialisation ainsi que l’importance des capitaux mobilisés fait que les économistes le classent dans la catégorie des entrepreneurs.

Des commerçants ravis de cette production

En bordure du verger, un 4×4 de marque Toyota Hilux et des caisses remplies de grenades. Elles sont chargées dans un camion. Un commerçant témoigne de la qualité des produits : « Nous achetons les produits de Si Kraïmiya, c’est une marchandise saine. Le prix du kilo au marché de gros de Annaba avoisine 100 DA et parfois moins. On vend la marchandise la tête haute et celui qui en prend revient. »

L’entrepreneur est obligé de vendre sa production dès la récolte. Des chambres froides seraient les bienvenues : « Nous demandons aux responsables de la wilaya et de l’Etat une aide pour des chambres froides. Car dans la wilaya d’El Tarf, la culture des arbres fruitiers se développe et les fruits pourraient ainsi être conservés plus longtemps. »

Il déclare confiant : « Ces arbres ne sont âgés que de 4 années et devraient produire beaucoup plus à l’avenir. ». Il se dit en mesure de relever le défi de l’approvisionnement du marché local et même d’envisager des exportations.

Dans la Tafna, des grenades à la place des orangers

« Au début nous avions une activité de pépiniériste. Puis, il y a 15 ans, du fait du manque d’eau les orangers ont commencé à se dessécher », confie un investisseur dans un reportage du Groupement Agricole de Oued Tafna. Il poursuit : « Dans la région, il y avait peu de grenades, un seul verger planté de vieux arbres. Nous avons remarqué que ces arbres demandaient moins d’eau. Aussi, nous nous sommes reconvertis dans la culture des grenades. »

Vu du ciel, le verger paraît immense : des rectangles formés d’alignements d’une vingtaine d’arbres chacun et répétées plus d’une cinquantaine de fois. Les orangers ont été remplacés par des variétés productives de grenadiers : « Des variétés spécialement adaptée aux conditions locales. En moyenne nous obtenons un rendement de 150 quintaux par hectare. Nous nous équipons de l’irrigation par goutte à goutte qui permet un arrosage de jour et de nuit. »

Les services agricoles et le wali ont apporté l’aide nécessaire à l’installation du verger m, confie l’investisseur, qui souhaite « bénéficier de plus d’eau en provenance du barrage de Boughrara » et rêve de se tourner vers l’exportation.

Il indique un problème de commercialisation sur le marché de Tlemcen : « une chute des prix. Il manque des industries de transformation de la grenade à qui on pourrait vendre les fruits fendus et de deuxième choix. Actuellement, ce sont des fruits qu’on jette. »

Au bout d’une allée, une station de conditionnement de tri improvisée : de chaque côté de la piste, des caisses sont alignées sur 4 niveaux. A proximité, un camion en attente d’être chargé. Mais avant, il faut trier les fruits dont certains sont fendus sur le côté et donc invendables. Aussi sont-ils jetés en bordure de champs par les ouvriers qui s’emploient à les ranger dans les caisses.

Pulvérisateur manuel accroché à l’épaule, un ouvrier traite les arbres. D’une main il tient la lance dirigée vers les branches tandis que de l’autre il actionne en permanence de haut en bas le levier générateur de pression. Un geste répété une vingtaine de fois pour chaque arbre.

La grenade compte de nombreux parasites : champignons, pucerons et un papillon lépidoptère « considéré comme le plus grand ennemi des grenades, pouvant causer des dégâts considérables en affectant 90% des fruits d’une récolte », explique la spécialiste Chougui Hanane.

Vitroplant, une pépinière dynamique

A l’université de Mostaganem, elle a eu l’occasion de travailler sur le bouturage des variétés locales. Au début, note-t-elle, dans un rapport, « les fellahs refusaient de nous donner les boutures de leurs variétés (monopole), surtout les variétés Mrini et Maadam. »

Gagnant progressivement leur confiance, elle a pu s’en procurer pour des études en laboratoire et tester l’utilisation d’hormones de bouturage. Les résultats obtenus ont montré la capacité naturelle au bouturage des variétés Mrini et Maadam et aussi celles de Sefri et Lahmar.

La filière peut compter sur la pépinière privée Vitroplant. Elle est issue de la coopération algéro-italienne et est spécialisée dans les techniques de reproduction des végétaux.

Grâce aux techniques de cultures de tissus en laboratoire, cette société met aujourd’hui sur le marché national de grandes quantités de plants. Ainsi à Biskra, en 2018 des centaines de plants ont été mis en terre avec irrigation localisée et protection plastique du tronc. Une année plus tard des photos du verger montraient une belle reprise de végétation.

Des plantations à Aïn Témouchent

A Aïn Témouchent, c’est en mars 2020 que Farid a planté un verger de grenades. Il a choisi une variété à gros fruits et d’une belle couleur rouge de chez Vitroplant. En à peine deux années, les arbres produisaient leurs premiers fruits. Dans un film promotionnel, cette société montre Farid réalisant sa première récolte. Les ouvriers déposent délicatement les grenades dans des caissettes munies d’alvéoles en plastique.

Tout au long du cycle de croissance, Farid indique avoir été suivi par les techniciens de Vitroplant, une pépinière qu’il recommande : « Je conseille à tous les agriculteurs souhaitant planter des arbres fruitiers de se tourner vers cette entreprise ».

Jus de grenade, des bienfaits reconnus

A l’étranger, la consommation de jus de grenade se développe. Ce jus est riche en anti-oxydants et permet de réduire les radicaux libres issus du fonctionnement cellulaire qui sont susceptibles d’endommager les cellules.

La grenade, une culture que des viticulteurs du sud de la France développent suite à un voyage d’études en Espagne et qui a abouti en 2014 à la création de la Fédération des Producteurs de Grenades (FPG) d’Occitanie.

Ces producteurs sont à l’origine du dépôt de la marque « Grenades d’Occitanie » devant permettre d’aboutir à une identification géographique protégée afin de se démarquer des grenades en provenance de Turquie.

« En tant que viticulteurs, nous étions plus intéressés par la transformation de la grenade en jus que par le fruit de bouche » , indique le président de la FPG. Un jus qu’ils vendent aujourd’hui à 8 euros le litre.

Ces agriculteurs voient plus loin et avec l’Ecole nationale des ingénieurs en arts chimiques et technologiques de Toulouse, ils cherchent à valoriser les sous-produits : « pulpes et graines de grenades, riches en antioxydants, intéressent tout particulièrement la cosmétologie. » La grenade, un fruit qui n’a pas fini de nous étonner…

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