Économie

Algérie : la gestion des importations au cœur des critiques

En Algérie, la gestion des importations par le gouvernement est au cœur des critiques. Depuis la parution mardi 21 février d’une dépêche APS faisant état de la colère du président Abdelmadjid Tebboune contre le gouvernement, la parole s’est quelque peu libérée, avec des critiques qui visent le ministre du Commerce.

Selon la dépêche de l’agence officielle, le président Tebboune « n’a, à aucun moment, interdit » les importations, et a « plutôt exigé la fin de l’anarchie ». « L’autosuffisance n’existe dans aucun pays au monde, les importations sont nécessaires », a écrit l’auteur de la dépêche.

Si le président Tebboune n’a cité aucun nom, certains ont décrypté ce reproche comme un désaveu, un désaveu à l’égard de Kamel Rezig, le ministre qui est en première ligne dans la gestion des importations algériennes.

Le député de Djelfa, Rabhi Ahmed a lancé ainsi un véritable pavé dans la mare.

«Le président Tebboune est en colère contre la gestion de certains responsables de l’exécutif. L’ère de la hogra et de la fausse interprétation de l’acte d’importer est révolue. Le protectionnisme n’est pas synonyme de fermeture. La colère du Président est aussi dirigée contre les bureaucrates, les résidus de la bande (issaba). Le citoyen est source de souveraineté», a déclaré ce député dans un post publié, jeudi 23 février, sur Facebook.

Algérie : tirs croisés contre la gestion des importations

Ce député n’est pas le seul à critiquer la gestion des importations par le gouvernement. Plusieurs analystes et acteurs de la sphère économique ont exprimé au lendemain du « coup de gueule » de Tebboune des critiques quant à la gestion des importations.

C’est le cas d’Ali Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal).

«Les instructions du président de la République portant sur la nécessité de la rationalisation des importations sont mal interprétées. Le président a insisté sur la protection de la production nationale. Or, il y a un grand décalage sur l’application de ses instructions», a-t-il déploré sur Echorouk News, mercredi 22 février.

Selon ce dernier, les importations sont passées de 34 milliards de dollars en 2020 à 40 milliards de dollars en 2022. «Le problème est que ces statistiques ne sont pas fiables car 50% du marché est dominé par l’informel», relève-t-il.

Ali Bey Nasri a critiqué la gestion de la plateforme mise en place par le ministère du Commerce pour la gestion des importations des produits destinés à la revente en l’état.

«Le critère fondamental doit être la nécessité de la protection de la production nationale. Or, il y a des produits qui ne sont pas produits en Algérie et qui font l’objet d’une restriction. Ce n’est pas normal», regrette-t-il.

Le président de l’Association des exportateurs algériens a cité l’exemple des pièces de rechange automobile, qui sont sous fortes tensions en Algérie. De nombreuses pièces de rechange indispensables pour l’entretien et la réparation des voitures sont introuvables sur le marché algérien.

«Tout le monde sait qu’il y a une pénurie de pièces de rechange automobile. Ces produits, qui ne sont pas produits en Algérie, sont pourtant soumis au passage par la plateforme (…) Il n’y  a pas une vision claire et précise sur l’offre et la demande pour pouvoir accorder des autorisations d’importation», critique-t-il.

L’APN dénonce l’attitude de Kamel Rezig

Dans un tel contexte, marqué par des critiques ciblant le secteur des importations, un clash a opposé récemment le ministre du Commerce Kamel Rezig à un député de l’APN.

Le député a dénoncé le retard pris par le ministre pour répondre à une question qu’il a posée, il y a dix mois, et déployé une « humiliation ». En réponse, le ministre lui a demandé de retirer ses propos qu’il a jugé « inacceptables ».

Dans un communiqué, publié, jeudi 23 février, sur sa page Facebook, l’Assemblée populaire nationale affirme que «lors de sa réunion, le bureau de l’APN a déploré ce qui s’est passé lors de la dernière séance des questions orales lorsque le ministre du Commerce a transgressé les normes établies et les règles de bienséance lors de sa réponse à l’un des députés».

Le communiqué qui a été publié suite à une réunion du bureau de la chambre basse du Parlement, présidée par le président de l’APN Ibrahim Boughali, a vivement exprimé son indignation.

«Le ministre a transgressé le caractère sacré de l’institution constitutionnelle d’une manière qui ne convient pas à un membre du gouvernement et a accusé l’APN d’obstruction et de négligence concernant des questions que la Constitution a pourtant tranché», poursuit le communiqué.

Ce conflit est le premier du genre, opposant un membre du gouvernement et des députés, depuis les dernières élections législatives de 2021. La réponse de l’APN représente un premier couac dans les relations entre la chambre basse du Parlement et le gouvernement.

«Cela se produit à un moment où les relations entre l’APN et le gouvernement sont caractérisées par l’harmonie et le respect mutuel, chacun cherchant à consacrer le principe de complémentarité et de coordination entre les deux institutions et la coopération dans la mise en œuvre du programme prometteur du président de la République», ajoute le communiqué de l’APN publié jeudi 23 février.

Hasard du calendrier ou non, le bureau de l’APN a procédé à l’étude des propositions d’amendements au projet de loi organique modifiant la loi organique 16-12 définissant l’organisation et le fonctionnement des deux chambres du Parlement, ainsi que les relations entre ces dernières et le Gouvernement.

SUR LE MÊME SUJET : 

Colère de Tebboune : qui est visé et de quoi est-elle le signe ?

Les magasins franchisés en Algérie dans la tourmente

L’Algérie a-t-elle interdit l’importation des chaussures ?

Les plus lus