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Algérie, Maroc, Niger : les messages du président Macron

Confronté à des difficultés pour établir des relations normales et apaisées avec le Maghreb, particulièrement avec le Maroc et l’Algérie, la France entend repenser « plus profondément » ses partenariats avec ces pays.

Une révision qui devrait toucher également le partenariat en Méditerranée. Dans son discours annuel ce lundi 28 août devant les ambassadeurs à l’Élysée, le président français Emmanuel Macron a avoué que les relations avec les pays du Maghreb ne sont pas au niveau où elles devraient être.

« Je pense, en effet, que nous avons déployé ces dernières années des efforts avec les sociétés civiles, beaucoup d’initiatives. Mais, soyons lucides, les relations ne sont pas au niveau où elles devraient être », a-t-il admis.

Les raisons ? Outre la crise dans la région, allusion au bourbier libyen, Emmanuel Macron a évoqué les « inimitiés » entre certains pays, sans prononcer les noms de l’Algérie et du Maroc dont les relations avec la France traversent une période difficile.

« C’est dû à quoi ? Ce n’est pas un manque d’engagement avec beaucoup d’entre eux de la France, y compris avec les efforts que nous avons pu faire sur la mémoire ou les questions économiques. Il y a aussi une crise de la région et de son organisation où les inimitiés ne sont pas absentes. Il y a des difficultés multiples et hétérogènes et donc au-delà de ce que nous avons fait avec les sociétés civiles », a égrené Emmanuel Macron.

Alors qu’il a tenté de relancer la relation avec l’Algérie depuis son arrivée à l’Élysée, en faisant des gestes notamment sur le registre de la mémoire, comme la restitution des ossements des résistants algériens, la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la mort de l’avocat Ali Boumendjel et de Maurice Audin, Emmanuel Macron a dû se heurter cycliquement à des turbulences et à des tensions.

Signe du froid persistant entre Alger et Paris : les contacts entre officiels sont quasiment au point mort et la visite du président Abdelmadjid Tebboune en France, reportée à deux reprises, n’est toujours pas programmée.

Avec le Maroc, la France est en froid également en raison du scandale d’espionnage Pegasus du nom du logiciel israélien avec lequel Rabat a espionné le téléphone du président français. Il y a aussi la question du Sahara occidental et les pressions exercées par le Maroc qui veut que la France reconnaisse la « marocanité » des territoires sahraouis sous occupation.

Quant à ses relations avec la Libye, elles subissent les contrecoups de la situation chaotique prévalant dans ce pays.

Algérie – France : Macron veut-il tourner la page ?

« Sûr, nous allons prendre plusieurs initiatives bilatérales (…). Et je souhaite que d’ici la fin de l’année, sous l’autorité de la ministre, consolider un agenda de relance intergouvernemental avec toute la région et plus largement », a promis Emmanuel Macron.

En évitant d’évoquer nommément l’Algérie et le Maroc, en dépit des tensions avec les pays, le président français envoie des signaux à la droite en France. Cette dernière réclame un rééquilibrage de la politique française au Maghreb en faveur du Maroc et au détriment de l’Algérie.

Alors que la majorité présidentielle se fissure avec des voix qui réclament une ligne dure contre l’immigration et la montée en puissance de l’extrême-droite qui ne cesse de gagner du terrain, le président Macron semble à la recherche à passer un deal avec la droite pour faire passer des lois importantes pour le pays comme celle sur l’immigration, et empêcher l’arrivée de Marine Le Pen à l’Élysée en 2027.

Pour des observateurs, la décision annoncée dimanche par le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal sur l’interdiction de l’abaya à l’école à partir de la rentrée scolaire 2023-2024 fait partie des signaux lancés par Macron à la droite. Une mesure qui a été applaudie par les Républicains qui demandent un durcissement des mesures anti-immigration, l’abrogation des accords de 1968 avec l’Algérie et une réconciliation avec le Maroc.

Il y a un an, tout allait pourtant bien entre la France et l’Algérie. Le président Emmanuel Macron avait effectué une visite réussie en Algérie fin 2022, suivie de celle de sa première ministre Elisabeth Borne avec la moitié de son gouvernement en octobre de la même année.

La réussite de cette visite devait permettre une refondation des relations entre les deux pays, mais les crises qui ont suivi (affaire Amira Bouraoui, polémiques sur l’hymne national algérien et les accords de 1968, le report de la visite de Tebboune en France, etc.) ont assombri une nouvelle fois l’horizon entre la France et l’Algérie.

Pour Emmanuel Macron, qui est sous pression pour « rééquilibrer » la relation en faveur de Rabat au détriment d’Alger, c’est peut-être une façon de tourner la page avec l’Algérie. Va-t-il sacrifier la relation avec l’Algérie pour un deal avec la droite dont il a besoin pout terminer son quinquennat ?

Crise au Niger : la France refuse de céder aux putschistes

Évoquant la crise au Niger où la présence de la France est contestée par les manifestants proches des putschistes qui ont renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier, Emmanuel Macron a défendu la démarche de son pays, jugée « bonne ». Le président français a réitéré son soutien à Mohamed Bazoum qu’il a qualifié de « courageux » parce qu’il a refusé de démissionner.

Niant tout « paternalisme » et « faiblesse » de la France en Afrique, Emmanuel Macron a appelé ses diplomates « à ne pas céder à un narratif utilisé par les putschistes qui consisterait à dire : ‘Notre ennemi est devenu la France’ ». Dans la foulée, le président Macron a sévèrement jugé les militaires au pouvoir à Niamey.

« Le problème des Nigériens aujourd’hui sont les putschistes qui les mettent en danger parce qu’ils abandonnent la lutte contre le terrorisme, parce qu’ils abandonnent une politique qui était bonne économiquement pour eux et qu’ils sont en train de perdre tous les financements internationaux qui étaient en train de leur permettre de sortir de la pauvreté », a-t-il dit.

Même s’il a affiché ouvertement sa fermeté vis-à-vis du nouveau pouvoir à Niamey, Emmanuel Macron n’a pas cependant dévoilé ce que compte faire la France pour rétablir l’ordre constitutionnel et la réhabilitation du président Bazoum. « Nous soutenons l’action diplomatique, et quand elle le décidera, militaire, de la Cedeao, dans une approche de partenariat ».

Le président Macron a rejeté la demande des putschistes qui ont demandé à l’ambassadeur de France à Niamey de quitter le Niger. Comprendre que la France ne quittera pas le Niger et le Sahel aussi facilement et qu’elle est déterminée à rester sur place.

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