Économie

Algérie : nouveau cafouillage dans la gestion des importations

Nouveau cafouillage dans la régulation des importations en Algérie. Cette fois, c’est une nouvelle décision du ministère du Commerce qui est à l’origine.

Lorsqu’un projet manque de maturité et est lancé de façon improvisée, voire à la hussarde, ça débouche inévitablement sur un cafouillage tel que celui dans lequel se débattent depuis plus d’un mois plusieurs ministères, tous les importateurs du pays et de nombreux producteurs algériens.

En cause, la décision visiblement unilatérale du ministère du Commerce (au moins deux ministères ont réagi après cette décision) imposant un document supplémentaire au importateurs, délivré par l’Agence algérienne de promotion des exportations (Algex) et attestant que la marchandise à importer et destinée à la revente en l’état n’est pas produite localement.

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L’instruction a été transmise aux banques via une note de l’Association des banques et établissements financiers (ABEF) le 24 avril dernier. « Toutes les marchandises importées et destinées à la revente en l’état sont concernées par cette procédure obligatoire », ce qui signifie que la note s’applique aussi aux intrants destinés à l’industrie et l’agriculture. Un site internet est mis à la disposition des importateurs pour vérifier si le produit à importer est disponible ou non en Algérie.

Dans un pays qui affiche une forte dépendance aux matières premières importées, l’activité de l’importation, et plus globalement du commerce extérieur, touche directement le consommateur et les producteurs de tous les secteurs.

Toute décision y afférente doit en principe être prise de concert avec les départements concernés. Ce qui ne semble pas être le cas précisément dans cette obligation de passer par Algex pour importer. La preuve, en à peine un mois, la décision a fait l’objet de plusieurs précisions et de contre-annonces.

Le 25 mai, le ministère de l’Industrie pharmaceutique a annoncé que le ministère du Commerce dispense les produits pharmaceutiques et les dispositifs médicaux, « eu égard à leur spécificité », de l’obligation de présenter le document d’Algex.

Obsession

Le département de Lotfi Benbahmed n’a pas manqué de rappeler que c’est lui qui est chargé de la « régulation du marché pharmaceutique national », conformément à ses prérogatives.

Ce premier couac a été suivi par une autre précision similaire, émanant du ministère de l’Agriculture. Celui-ci a fait savoir ce dimanche 29 mai que les produits agricoles et vétérinaires destinés à la revente en l’état aux agriculteurs sont également exemptés par la décision de Kamel Rezig.

Si de tels revirements ont lieu quelques semaines seulement après l’entrée en vigueur de l’instruction, c’est qu’on s’est rendu compte que son application est de nature à entraver le tissu productif national et même des secteurs sensibles comme celui de la santé.

Il n’est pas exclu que d’autres secteurs annoncent à leur tour l’exemption de produits qui les concernent tant la décision du ministère du Commerce, telle qu’elle a été pensée et mise en œuvre, semble incompatible avec l’impératif d’assurer la pérennité et le développement de la production nationale, qu’elle vise paradoxalement à protéger et à encourager.

Entre les deux sorties des ministères de l’Industrie pharmaceutique et de l’Agriculture, une usine de boissons employant 300 personnes a annoncé l’arrêt de ses activités faute de disponibilité d’un intrant indispensable à son fonctionnement.

Et comme les Douanes ne comprennent que le langage du tarif douanier, ce n’est que ce dimanche que le ministère du Commerce a fixé une liste de produits et intrants agricoles autorisés à l’importation, en précisant les tarifs douaniers de chaque position.

L’Algérie veut rationaliser ses importations, lutter contre les pratiques frauduleuses comme la surfacturation et préserver ses réserves de change. Aussi louable soit cet objectif, les mesures prises pour le réaliser risquent d’être contre-productives quand elles sont décidées sans stratégie ni concertation et quand la démarche tourne à l’obsession.

L’épisode du document de l’Agex a été précédé il y a quelques mois par le feuilleton du tarif douanier « Autres », sans qu’aucune leçon n’ait été tirée.

En septembre dernier, le ministère du Commerce avait pris la décision de geler les importations sous le tarif douanier « Autres », ce qui a provoqué le blocage de l’importation de plusieurs produits.

Il aurait fallu attendre deux mois pour que le gouvernement revoie sa copie pour préciser que les producteurs n’étaient pas concernés.

Avec ces décisions visiblement non concertées et manquant de maturation, l’administration ainsi montre à quel point elle peut faire du mal à l’économie algérienne.

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