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Amara Benyounès, l’homme qui en sait un peu plus que les autres

Amara Benyounès, l’homme qui en sait un peu plus que les autres

Avril 2018. À une année de l’élection présidentielle, et alors que le président de la République semblait plus que jamais amoindri par la maladie, Djamel Ould Abbès, alors Secrétaire général du FLN, l’appelle solennellement à briguer un cinquième mandat. Les autres soutiens traditionnels du chef de l’État rappliquent et émettent le même vœu de voir Abdelaziz Bouteflika poursuivre son œuvre.

Sauf un. Contre toute attente, Amara Benyounès, Secrétaire général du MPA, le Mouvement populaire algérien, soutien inconditionnel du président depuis plus de quinze ans, refuse de joindre sa voix à l’air du temps. Le cinquième mandat, il promet d’en parler, mais « au moment opportun ».

Pour beaucoup, ce n’était qu’une question d’agenda. Benyounès finira par prendre le train en marche et rejoindre ses alliés de la majorité qui semblaient alors exécuter une feuille de route tracée en haut lieu, affirment-ils.
Mais énigmatiquement, il ne le fera pas. « Nous avons soutenu le président Bouteflika pour le quatrième mandat. Laissons ce quatrième mandat se terminer et laissons le président de la République prendre sa décision en son âme et conscience », explique-t-il, imperturbable.

Benyounès se permet même de faire la leçon à ceux qui supplient le président de se représenter. « Nous refusons de faire dans la surenchère politique. Personne ne doit forcer la main et ne doit obliger le président à se représenter pour un autre mandat, comme personne n’a le droit de l’empêcher de se porter candidat en dehors du Conseil constitutionnel », estime-t-il.

Début mai, il lâche : « Bouteflika est le président de tous les Algériens et il n’est pas le président d’un parti en particulier ». Suffisant pour déclencher l’ire du très zélé Ould Abbès qui verse alors dans l’insulte et gratifie le chef du MPA d’un retentissant « aghyoul » qui « ne sait rien et n’est pas bien informé ».

Bien sûr, Amara Benyounès répond, mais de manière très diplomatique. « Nous n’avons aucun problème avec le FLN. Nous avons répondu et pour nous, le sujet est définitivement clos. Le MPA sait toujours distinguer l’essentiel de l’accessoire. L’essentiel, c’est que nous serons toujours solidaires de la majorité présidentielle », déclare-t-il dans un entretien à TSA.

L’essentiel, c’est donc la constance dans son soutien au chef de l’État qu’il réitère à chacune de ses sorties publiques. Logiquement, le président du MPA est accusé de tenir le bâton par le milieu, de temporiser le temps de détecter « le sens du vent ». Mais l’homme ne se laisse pas démonter et répond sèchement : « Nous avons soutenu le président Bouteflika avant, pendant et après notre entrée au gouvernement. Et en 2013, quand il est tombé malade, on a été le seul parti à le soutenir pendant que certains, qui appellent aujourd’hui à un cinquième mandat, tenaient le bâton par le milieu. Le président Bouteflika sait sur qui compter dans les moments difficiles sur le terrain. »

Fin septembre, le conseil national du parti se réunit à Zemmouri mais laisse tout le monde sur sa faim. Il reporte toute décision en rapport avec la présidentielle jusqu’à ce qu’il y ait « suffisamment d’éléments pour pouvoir trancher ».

Parallèlement, la campagne pour le cinquième mandat battait son plein, avec en chef d’orchestre le même Ould Abbès qui s’affaire à dresser le bilan des réalisations du président de la République et annonce même sa candidature au nom du FLN. Benyounès ne branche pas, mais se montre très prudent et ne fera rien qui peut remettre en cause sa place au sein de la majorité. Durant la crise qui a secoué l’APN en octobre, les députés du MPA sont aux avant-postes de la fronde qui a débouché sur la destitution du président Saïd Bouhadja, de même que le parti sera parmi les fondateurs de la nouvelle Alliance présidentielle avec le FLN, le RND et TAJ en novembre.

Ce n’est que lorsque ses alliés cesseront subitement de parler de cinquième mandat que Amara Benyounès commencera à être pris au sérieux, devenant l’homme « à surveiller de près », celui qui en sait peut-être un peu plus que les autres. Ceux qui, pendant l’été, lui prédisaient un sort à la « Belkhadem », vont vite déchanter.

Le MPA peut aujourd’hui sans gêne défendre quelque option que ce soit, contrairement aux trois autres partis de l’Alliance qui se retrouvent dans une situation inconfortable maintenant qu’ils semblent contraints de faire la promotion d’une autre feuille de route. Djamel Ould Abbès, qui s’est un peu trop mouillé dans cette histoire de cinquième mandat, est carrément mis au frigo.

C’était pourtant lui qui, en mai dernier, divisait le monde, verset du Coran à l’appui, en deux catégories : ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Benyounès était visiblement classé dans la mauvaise case. Soit il était dans le secret des dieux, soit sa perspicacité et son sens de l’analyse sont un cran au-dessus. Dans les deux cas, Ould Abbès et tous ceux qui ont raillé le président du MPA se sont lourdement gourés.

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