Politique

Apaisement du climat politique : cette fois sera-t-elle la bonne ?

2 janvier – 2 juillet 2020. Six mois jour pour jour après la libération d’un trait de près de 80 détenus d’opinion, dont le moudjahid Lakhdar Bouregâa, les autorités judiciaires et politiques procèdent à une autre vague d’élargissements, de moindre envergure certes du point de vue du nombre de personnes concernées, mais avec peut-être une plus forte charge symbolique au vu du poids dans le hirak et sur l’échiquier politique de certains des personnages libérés.

Karim Tabbou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, remis en liberté simultanément ce jeudi 2 juillet, comptent parmi les figures connues du mouvement populaire.

En fin de journée, le tribunal de Bejaïa a condamné à des peines avec sursis deux autres activistes du hirak, Khaled Tazaghart et Zahir Moulaoui, les laissant donc libres.

La veille, d’autres militants moins médiatiques, six détenus définitivement condamnés pour des faits en lien avec le hirak, ont bénéficié d’une grâce présidentielle.

Pour ceux qui ont été remis en liberté jeudi, c’est, officiellement, la justice qui a statué sur leur sort : le verdict de Tazaghart et Moulaoui a été prononcé séance tenante, Benlarbi et Hamitouche ont bénéficié d’une remise en liberté automatique, c’est-à-dire à l’initiative du juge d’instruction, Tabbou et Bouraoui ont vu la cour faire droit à une demande introduite par leur défense respective.

Mais la simultanéité des arrêtés, intervenant de surcroît au lendemain de la grâce décrétée par Abdelmadjid Tebboune, laisse supposer des décisions politiquement concertées.

Il est d’autant plus légitime de le penser que la libération de Karim Tabbou et de Samir Benlarbi a été annoncée il y a un mois par un chef de parti politique, Sofiane Djilali pour ne pas le nommer, à la sortie d’une entrevue avec le président, laquelle annonce sera quelques jours plus tard confirmée par la voix la plus officielle de l’État, le porte-parole de la Présidence de la République Mohand Oussaïd Belaïd.

Le début de quelque chose ?

Les familles des élargis sont soulagées, celles de ceux qui demeurent détenus tiennent une raison d’espérer, mais les militants et les observateurs restent légitimement prudents.

Échaudés par la main lourde de la justice quelques semaines seulement après avoir libéré près de 80 détenus dans le sillage de l’investiture du nouveau président de la République, beaucoup ne souhaitent pas tirer de conclusion hâtive quant à l’enclenchement d’un processus d’apaisement devant mener à une solution globale à la crise.

Des réactions enregistrées à chaud, il se dégage par exemple une incompréhension que le journaliste Khaled Drareni n’ait pas bénéficié de la même mesure que Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche avec lesquels il a été arrêté le même jour, pour les mêmes faits.

D’autres signalent que les arrestations et les incarcérations se poursuivent parmi les activistes anonymes, ou encore que le caractère provisoire des libérations prononcées constituent une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête de ceux qui en ont bénéficié. La relaxe et la réhabilitation de tous les militants et activistes incarcérés pour des faits en lien avec le mouvement populaire serait plus juste et plus à même de créer un climat serein et convaincre de la volonté des autorités d’aller vers l’apaisement, estime-t-on.

Une telle intention n’est néanmoins pas à balayer d’un revers de main. Après plusieurs mois d’incarcérations systématiques et de condamnations parfois à de lourdes peines, la remise en liberté simultanée d’une dizaine de détenus, parmi lesquels des figures connues de la contestation, peut bien cacher un changement de cap à venir et sonner le début de quelque chose.

Certaines libérations se sont faites sur intervention directe du premier magistrat du pays et ça, les plus optimistes ne le perdent pas de vue.

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