Économie

« Augmenter ou introduire des taxes supplémentaires sur le dos du citoyen n’est pas la solution »

Abdelkader Gliz, un professeur d’économie à l’École supérieure de commerce de Koléa, a dressé ce mercredi un constat et des perspectives accablantes pour l’économie algérienne, alors que le gouvernement s’apprête à rouvrir la voie à l’endettement extérieur.

« Il y a un problème fondamental en Algérie : on ne sait pas quel est le modèle économique algérien », a regretté M. Gliz dans un entretien accordé à la radio nationale francophone. « On n’est ni dans l’économie planifiée, ni dans l’économie de marché. Il n’y a pas de marché, car il y a une présence de l’administration très importante. Pour pas mal de décisions, il faut aller vers une autorisation administrative. Or cela est déjà un fait qui encourage beaucoup la corruption car ça donne une force à l’administration », a analysé l’économiste.

« Nous sommes dans une situation où le secteur privé n’a pas été développé, et quand on voit que les recettes ordinaires de l’Etat sont très faibles, nécessairement il y a un déficit qui se creuse. Comme il faut financer le déficit et comme il n’y a pas d’autres sources de financement, on est parti vers la planche à billets », a expliqué le professeur d’économie.

« Il y a un déséquilibre structurel important de l’économie algérienne. C’est cette dépendance à un seul chiffre, celui du prix du pétrole. Dès que le prix du pétrole diminue, tout va mal », a déploré Abdelkader Gliz.

« C’est le rêve des autorités de dire que l’Algérie est un pays riche, mais en fait, même avec 200 milliards de dollars de réserves de change, nous n’étions pas du tout riches », a avancé le professeur d’économie. « Un pays riche est un pays qui a du flux, pas un pays qui a un trésor de guerre caché quelque part. C’est le flux qui fait la richesse, or nous n’arrivons pas à dégager du flux actuellement », a tranché M. Gliz.

Le professeur a également estimé « difficile » pour l’État de réduire son déficit. « Les dépenses de l’État n’arrivent pas à diminuer. Pour les dépenses d’équipement, est-ce que le recours à l’endettement extérieur sera suffisant pour réduire ce déficit ? Je n’en suis pas sûr », a indiqué Abdelkader Gliz, estimant qu’«augmenter ou introduire des taxes supplémentaires sur le dos du citoyen n’est pas la solution idoine pour réduire le déficit budgétaire de l’État ». Dans le projet de loi de finances 2020, le gouvernement Bedoui a introduit plusieurs nouvelles taxes pour combler le déficit budgétaire de l’État.

Il estime aussi que financement extérieur a été « diabolisé ». « Si vous avez un projet d’investissement dont la rentabilité est de 20% et que vous empruntez à un coût de 6 ou 7%, vous êtes bénéficiaires », a expliqué l’économiste, mettant toutefois en garde contre un « financement externe excessif ».

« Si vous obtenez des financements externes pour les dépenses de fonctionnement ou la consommation, ça c’est très mauvais », a averti M. Gliz. « Mais si le financement externe est destiné à financer des projets rentables, il n’y a pas de difficultés majeures car ces projets vont rembourser la dette », a-t-il précisé.

« Avec 60 milliards de dollars de réserves de change, c’est le moment d’aller vers le financement externe. Cette somme peut être mise dans un fonds d’investissement pour garantir le financement externe et ça permettra de réduire éventuellement le coût d’un tel investissement. Car dans les conditions actuelles si l’Algérie va vers le financement externe, le coût risque d’être élevé puisqu’il y a une situation politique qui n’est pas stable et des perspectives économiques qui ne sont pas encore certaines. Le coût de financement serait donc très élevé », a préconisé Abdelkader Gliz.

« Si le risque algérien est considéré comme étant élevé sur le marché international compte tenu de la situation politique et économique, les taux d’intérêt risquent d’être très élevés », a prévenu le professeur d’économie.

Les plus lus