
Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a tranché : l’octroi des agréments pour les activités de fabrication et l’importation de véhicules en Algérie sera désormais du ressort exclusif du Conseil des ministres.
Derrière la décision annoncée au cours de la réunion du conseil des ministres tenue lundi 7 juillet, il y a le souci de ne pas refaire les erreurs du passé. L’Algérie a mené à partir de 2013 une première expérience de lancement d’une industrie automobile qui s’est très mal terminée.
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Les usines d’assemblage ont commencé à ouvrir à partir de 2014. Après quelques années, il s’est avéré qu’elles faisaient de “l’importation déguisée”, comme l’a dénoncé à maintes fois le gouvernement. Des concessionnaires et importateurs, reconvertis parfois forcément dans l’assemblage, ont fait d’énormes profits grâce aux avantages fiscaux du dispositif CKD-SKD. Plusieurs d’entre eux, ainsi que de hauts responsables de l’Etat, dont deux Premiers ministres et plusieurs ministres de l’Industrie, ont été lourdement condamnés par la justice après le Hirak de 2019 pour des faits liés précisément à cette activité.
L’activité a été arrêtée net en 2020. Fin 2022, l’Algérie a promulgué un nouveau cahier des charges de l’industrie automobile. Le document exige notamment un taux d’intégration élevé de 30% après cinq années d’activité, le but étant d’asseoir une industrie automobile véritable. Une année plus tard, fin 2023, la première usine ouverte dans le cadre du nouveau dispositif, celle de FIAT à Oran, est entrée en production. Très vite, de nombreuses marques étrangères ont exprimé leur intérêt pour ouvrir des unités en Algérie.
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En janvier 2024, un haut responsable du ministère de l’Industrie, Mokdad Aggoune, a révélé que 30 dossiers avaient été déposés pour l’ouverture d’usines de voitures. Depuis, le nombre a augmenté au vu des annonces faites çà et là sur des partenariats avec notamment des constructeurs asiatiques. En plus de Renault Algérie qui attend le feu vert des autorités pour relancer son usine d’Oran, une dizaine de projets d’usine sont annoncés : réouverture des usines KIA et BAIC de Batna, ouverture d’usines des marques Chery, JAC, Hyundai…
L’attrait de la filière et le grand nombre de prétendants fait craindre la réédition du scénario des années 2014-2019, alors que l’Algérie n’est encore prête pour accueillir un nombre aussi important de constructeurs automobiles. Son tissu de sous-traitance est encore faible pour espérer d’atteindre un véritable taux d’intégration élevé, et son marché n’a pas la taille nécessaire absorber la production d’une dizaine d’unités de montage.
Tebboune a salué, dans son intervention lors du conseil des ministres de lundi, “les concessionnaires sincères qui œuvrent à asseoir une véritable industrie automobile, rompant ainsi avec l’histoire sombre de certains fraudeurs qui opéraient dans ce secteur avant 2019”.
La meilleure manière d’assurer le succès de la nouvelle expérience est de veiller à la stricte application des dispositions du nouveau cahier des charges, notamment celles relatives au taux d’intégration, et de limiter le nombre d’intervenants dans le processus de sélection. En somme, il est impératif de laisser la porte ouverte uniquement aux professionnels honnêtes.
L’octroi des agréments en Conseil des ministres, c’est-à-dire au plus haut niveau de l’Etat, en lieu et place d’une commission dédiée au ministère de l’Industrie, est une manière de garantir la stricte application des nouvelles règles très exigeantes. La réalisation de l’objectif de doter le pays d’une industrie automobile véritable, avec un taux d’intégration élevé, des capacités d’exportation et une contribution de 12% au PIB, ne peut tolérer aucun laisser-aller ou passe-droit.