
Benjamin Stora travaille depuis un demi-siècle sur l’histoire de l’Algérie. Ses conclusions font évidemment mal au courant français nostalgique de la période coloniale mais aussi, curieusement, au Maroc.
L’historien, dont l’impartialité et la rigueur scientifique sont pourtant reconnues par ses pairs, est attaqué avec véhémence par les relais du palais royal de Rabat qui, décidément, ne savent plus faire la part des choses. Au royaume, des attaques insupportables, parfois ad hominem, ciblent le chercheur académique.
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Exprimer un avis favorable à l’Algérie a un prix dans le Maroc d’aujourd’hui, obnubilé par l’imposition du fait accompli colonial au Sahara occidental, mais aussi de plus en plus par un expansionnisme dangereux qui cible une partie du territoire algérien.
Un complexe vis-à-vis de l’histoire de la révolution algérienne
C’est précisément la vérité sur ce point, qu’il a osé exprimer publiquement, qui vaut à Benjamin Stora d’être vilipendé comme personne dans la presse marocaine. Dans ses sorties médiatiques, nombreuses ces derniers mois tant en France qu’en Algérie, Stora a livré son avis d’historien sur l’affaire Boualem Sansal, expliquant que l’écrivain franco-algérien a eu tort d’affirmer qu’une partie de l’ouest algérien appartient historiquement au Maroc.
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“Dire par exemple que l’ouest algérien n’est pas algérien, j’ai trouvé ça absurde. L’histoire en a décidé autrement depuis très longtemps et cela renvoie notamment à l’histoire du nationalisme algérien”, tranche-t-il dans un entretien à TSA en février dernier.
Suffisant pour se faire traiter d’« imposteur au service d’Alger » par la presse marocaine pour qui la référence c’est peut-être le complotiste et extrémiste Bernard Lugan, que personne ne connaît ni ne reconnaît, dans le monde académique ou en dehors. Ce proche du courant extrémiste et raciste en France est mobilisé par les médias proches du Palais royal pour dénigrer l’Algérie, sa révolution, remettre en cause ses frontières. Ceux qui alimentent les attaques contre Benjamin Stora cachent en réalité un complexe envers l’Algérie et sa révolution qui a émerveillé le monde entier.
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Pourquoi des médias marocains s’acharnent sur Benjamin Stora
Dans un article au vitriol publié sur le site réputé proche du palais royal, le 360.ma, Benjamin Stora est traité de tous les noms et accablé de toutes les forfaitures, y compris celle d’être le “fossoyeur” de la réconciliation franco-algérienne, qui “manipule les mémoires pour satisfaire ses propres démons”.
Quels démons peut donc bien avoir un historien qui s’est imposé une rigueur scientifique irréprochable pendant 50 ans ? Ceux de son enfance à Constantine, sa ville de naissance qu’il a dû quitter à l’indépendance avec sa famille, et ceux de son passé de militant de gauche, croit déceler le journal marocain. Une analyse qui frise le ridicule.
Benjamin Stora est habitué des attaques en France, notamment de la part de l’extrême-droite et des pro-israéliens, unis pour propager l’algérophobie dans l’Hexagone et ailleurs, et il les comprend presque. “Il y a le poids de l’actualité, le poids de l’extrême-droite qui est très puissante maintenant en France et qui veut absolument qu’on ne reconnaisse rien du tout. Ils sont forts et la bataille est difficile”, admettait-il dans un autre entretien à TSA en mai dernier.
Mais force est de constater que les insultes et attaques émanent désormais du Maroc, comme dans ce “portrait” du 360.ma, l’historien ne les a pas subies en France de la part de ses pourfendeurs les plus acharnés.
Cela ne change évidemment rien. Les frontières de l’Algérie restent ce qu’elles ont toujours été et Benjamin Stora ce qu’il a représenté pendant 50 ans, c’est-à-dire un historien rigoureux et l’un des plus grands connaisseurs de l’histoire de l’Algérie contemporaine. En un demi-siècle, il a produit des dizaines de livres, d’articles et de documentaires et jamais un acteur du mouvement national ou de la guerre d’Algérie, de part et d’autre, n’a remis en cause ses travaux et ses conclusions. Difficile de faire mieux.
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