L’Algérie a passé une commande pour l’achat de 420.000 tonnes de blé tendre. Cet achat opéré par l’Office algérien des céréales (OAIC) intervient alors que le ministère de l’Agriculture table sur une récolte qui devrait permettre d’engranger 5 millions de tonnes de céréales en 2025.
L’annonce de Reuters précise qu’il s’agit « d’un appel d’offres international qui s’est clôturé mardi, avec des achats rapportés à environ 244,50 dollars la tonne, y compris le coût et le fret. »
L’OAIC aurait profité d’une baisse des prix pour passer cette commande. Selon Reuters, cette baisse est due au fait que « certains vendeurs souhaitent libérer de l’espace de stockage à l’approche des récoltes. »
Pour sa part, UkrAgroConsult précise que cet appel d’offres de blé meunier concerne « toute origine ». Cet organisme ukrainien ajoute que selon les termes de l’appel d’offres, « le blé sera expédié du 10 au 20 août et du 21 au 30 août s’il est d’origine européenne ou de la mer Noire ».
Dans le cas de livraisons de blé en provenance d’Amérique du Sud ou d’Australie, il est de coutume de décaler d’un mois ces délais.
Blé en Algérie : des leviers pour réduire les importations et la consommation
Ces importations représentent des sommes considérables pour l’Algérie. Afin d’augmenter l’offre en blé, la stratégie du ministère de l’Agriculture et du Développement rural est de développer la culture du blé au Sud.
Selon les données des services agricoles, Adrar et Menia devraient produire en moyenne un million de quintaux chacune, Timimoun et Ouargla autour de 350.000 quintaux chacune, quant à Biskra et El Oued respectivement 250.000 et 210.000 quintaux, soit un total de 3 millions de quintaux sur les 50 millions escomptés cette année au niveau national.
Au Sud, à l’avenir, il est question de porter les superficies cultivées à un million d’hectares de céréales.
Au Nord, sur les 7 millions consacrés aux grandes cultures, 40 % de ces surfaces ne sont pas travaillées. Elles sont laissées en « repos » ou jachère. Chaque année, les céréales occupent en moyenne 3 millions d’hectares, dont un million pour les moutons à travers la culture d’orge. Outre les possibilités de « résorber les terres en jachères », l’objectif actuel des services agricoles est d’améliorer les rendements et de les faire évoluer de 17 à 30 quintaux.
Un autre moyen d’augmenter l’offre est de jouer à l’extrémité de la chaîne de valeur. C’est-à-dire au niveau des moulins et non pas dans les champs. Il est possible d’augmenter le taux d’extraction de la farine qui est actuellement de 75 % en moyenne.
On obtient alors de la farine semi-complète ou complète. À raison de 244,5 dollars la tonne de blé importée, la confection de farine complète à la place de farine blanche avec passage du taux d’extraction de 75 à 100 % permettrait d’économiser 61,1 dollars par tonne de blé. Un chiffre à rapporter aux 420.000 tonnes de blé du dernier appel d’offres de l’OAIC et aux importations globales de l’Algérie qui est parmi les plus grands acheteurs au monde de cette céréale.
Cependant, si les nutritionnistes plébiscitent les farines semi-complètes et complètes pour leur faible indice glycémique et la réduction de la prévalence du diabète, une telle mesure réduirait drastiquement les quantités de son de blé actuellement utilisées par l’élevage.
Lutter contre le gaspillage du pain et la vente du blé sur le marché noir
Plusieurs moyens peuvent permettre d’agir sur la demande en blé. C’est le cas du gaspillage du pain. En mars dernier, le quotidien El Moudjahid s’est penché sur le pain retrouvé dans les poubelles.
Selon le témoignage de Nassima Yakoubi, la chargée de communication de Netcom, l’un des établissements missionnés pour le ramassage des ordures dans la wilaya d’Alger, le pain retrouvé dans les poubelles a nettement augmenté durant le Ramadan 2025.
« Pas moins de 6,4 tonnes de pain jetées durant les deux premières semaines, contrairement à l’année précédente, où l’on a enregistré la moitié du chiffre, soit une augmentation du taux de gaspillage de 92 % », a confié Nassima Yakoubi. Il semble que toutes les actions de sensibilisation des consommateurs développées ces dernières années aient échoué.
Autre moyen, réduire les détournements frauduleux comme ceux documentés ces dernières années par des universitaires. Ils ont montré que dans des régions d’élevage intensif, du blé était utilisé pour nourrir des moutons.
Des enquêtes menées par les services du Commerce et de la Gendarmerie nationale ont également mis en évidence des fraudes opérées par certaines minoteries sur le taux d’extraction de la farine.
Ce taux est en moyenne de 75 %, c’est-à-dire que ce qui est considéré comme « issues de meunerie » consiste en les 25 % restants. Traditionnellement, ces issues et notamment le son de blé sont destinés à l’élevage. Face au manque de fourrages, ce produit est aujourd’hui extrêmement demandé.
L’hiver dernier, au paroxysme d’une période marquée par le manque de fourrages, le prix du quintal de son a atteint celui du quintal de blé, provoquant l’indignation des éleveurs. Certains s’écrient devant les caméras des chaînes Web venues en reportage dans les marchés hebdomadaires des bestiaux : « Comment des épluchures de blé valent aussi cher que le blé lui-même ».
Autre subterfuge : certaines minoteries réduisent frauduleusement le taux d’extraction de la farine, d’où une augmentation automatique de la partie considérée comme « issues de meunerie ». Lors d’interventions au niveau de minoteries, les gendarmes ont pu montrer aux équipes de télévision qui les accompagnaient des sacs de son où la couleur anormalement blanche du contenu révélait cette pratique frauduleuse.
Face aux importations de blé, l’augmentation de la production locale permise par l’action du ministère de l’Agriculture permet de réduire considérablement la facture. En 2024, ce sont ainsi 1,2 milliard de dollars qui ont été économisés au profit du Trésor public. Entre offre et demande en blé, les leviers d’action dont disposent les pouvoirs publics sont multiples.
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