Économie

Blé dans le sud de l’Algérie : le témoignage d’un agriculteur d’élite

En Algérie, produire du blé en plein Sahara nécessite des rampes pivots, des engrais, de l’électricité et surtout des semences. Un jeune agriculteur d’élite expose son expérience de produire du blé dans le Sud algérien. Entre la disponibilité de l’eau et les entraves bureaucratiques, il raconte.

Cet agriculteur a été repéré par les services agricoles et à qui ils ont confié l’approvisionnement en semences certifiées de la région de Timimoun et Adrar. Des semences en provenance de la banque nationale de gènes.

Debout dans un champ de blé, casquette sur la tête et barbe fournie, Lahmidi Kahlouche témoigne de son expérience dans la culture des céréales dans le Sud de l’Algérie.

Ce jeune entrepreneur est installé depuis 2017 au niveau d’une concession d’une cinquantaine d’hectares à Timimoun. Grâce à deux rampes-pivots, il produit du blé, du maïs grain et du maïs fourrage sous forme de balles rondes enrubannées. Ses rendements sont honorables : 70 quintaux en blé et 90 en maïs grain.

Des semences en qualité et en quantité

Ce qui fait l’originalité de cet agriculteur qui a fait le choix de produire des céréales dans le Sud algérien n’est pas la modestie de son exploitation, mais la production de semences de blé. C’est avec une fierté à peine cachée qu’il confie, à la chaîne web Dz News, produire des semences de type G3.

« Des semences qu’il n’est pas donné à tout le monde de produire et que les responsables de l’ITGC de Oued Smar (Alger) m’ont confié », a-t-il dit.

Cet agriculteur profite de l’occasion qui lui est fournie pour remercier l’ITGC et ajoute : « Nous avons fourni à l’institut des preuves concrètes du respect du cahier des charges que doit suivre tout producteur de semences et nous avons été au-delà de leurs exigences afin de fournir des semences en qualité et quantité. »

Blé dans le Sud de l’Algérie : un agriculteur d’élite réclame de l’électricité

La qualité du travail de Lahmidi Kahlouche transparaît immédiatement à la vue de son champ. Le blé est d’un beau vert, mais le détail révélateur n’est pas là.

Le champ présente la forme circulaire caractéristique de son mode d’irrigation par la rampe-pivot et les traces concentriques laissées par le passage des roues. Mais d’autres traces apparaissent qu’on ne voit nulle part ailleurs lorsqu’il s’agit de blé de consommation.

On distingue un étroit passage entre chaque passage de semoir. Un passage étroit qui permet aux ouvriers de passer dans le champ pour l’épuration de l’épiaison. Tout épi d’orge ou d’une variété autre que celle semée doit être éliminé.

La G3, des semences de haute valeur

Certains agriculteurs attirés par la production de semences ne signent un contrat que pour le bonus de 20% attribué en plus des 6.000 DA par quintal qu’assure ce type d’activité.

Et dans ce cas-là, ils donnent peu d’importance à l’épuration de leurs parcelles, allant parfois jusqu’à négliger de laisser ce passage étroit entre chaque passage de semoir. Une pratique décelée lors du passage des contrôleurs de l’organisme de suivi et par le Centre national de contrôle et de certification des semences et des plants (CNCC) lors de l’examen en laboratoire des lots de grains issus de la récolte.

Dans le cas de ce jeune agriculteur, son professionnalisme est avéré. Il a gagné la confiance du service semences de l’ITGC comme l’atteste l’attribution de la production de semences de type G3.

Car Lahmidi Kahlouche ne produit pas de simples semences de reproduction de type R1 ou R2 qui, une fois récoltées, servent de semences certifiées. Des semences qui serviront aux agriculteurs pour produire du blé de consommation.

Lui se situe bien en amont et produit des semences de base qui suivent un cycle de 5 ans, depuis la génération GO à la génération G4. Une GO issue de la banque nationale de gènes et qui n’est cultivée que dans les stations de l’ITGC. À la récolte, seulement 100 des plus beaux épis sont récoltés pour produire la génération G1.

Être chargé de produire des semences G3 signifie que Lahmidi Kahlouche appartient au cercle restreint des agriculteurs d’élite en Algérie.

Absence de réseau électrique

Malgré la mission qui lui est confiée, sa concession n’est pas reliée au réseau électrique. Et quand le jeune entrepreneur parle du fonctionnement de ses deux pivots, on sent en lui monter la colère.

De la main, il désigne un local aux murs de briques qui abrite un groupe électrogène : « Depuis 2017, j’ai demandé à être raccordé au réseau électrique. L’État a dépensé des sommes importantes pour installer une ligne électrique. Les poteaux arrivent à 40 mètres de l’exploitation, mais depuis deux ans le projet est à l’arrêt. »

Devant le local, on aperçoit quelques fûts de mazout et une citerne sur roues. Une citerne à la peinture verte en partie recouverte de taches de mazout sur lesquelles adhère le sable ocre de la région.

Il affirme ne pas comprendre pourquoi il n’existe pas de suivi des projets d’électrification et rappelle : « Nous avons entendu à la télévision que le Chef de l’État avait demandé à ce que toutes les exploitations agricoles soient rattachées au réseau électrique en 2023. »

De quoi produire 2,4 millions de quintaux

Afin de mieux faire comprendre l’importance de sa mission de producteur de semences, cet agriculteur explique que mis bout à bout, les différentes générations de semences de base issues de son exploitation assurent une production potentielle de 2,4 millions de quintaux de blé.

Se basant sur le chemin parcouru, il indique : « Je ne demande que 2 choses, être relié au réseau électrique et bénéficier d’une extension de la concession ».

Hausse des coûts de production

Quelque peu intrigué, l’agriculteur ajoute : « Je suis étonné qu’à ce jour, malgré l’immensité de la région, je ne puisse pas bénéficier d’une telle extension. »

Concernant ses charges, il précise : « Auparavant, le prix des engrais n’était pas élevé, mais actuellement, les prix ont triplé et le carburant nécessaire au groupe électrogène revient cher. »

La faible fertilité des sols du Sahara tracasse également le jeune agriculteur : « Nous avons réalisé des analyses, le sol est très pauvre. Il ne sert que de support à la plante », sous-entendant qu’il ne la nourrit pas.

L’enrichissement du sol peut être amélioré par l’enfouissement des abondants résidus de récolte laissés après la récolte du maïs grain. Sous le deuxième pivot de l’agriculteur, le sol est jonché de ces résidus. De plus, cette culture lui assure un revenu intéressant. La production est achetée par la CCLS au prix de 5.000 DA le quintal et le rendement atteint 90 quintaux.

Lahmidi Kahlouche se plaint des charges financières de son exploitation : « Elles sont très lourdes, mais avec des différences selon les exploitations, car certaines ont leur propre matériel alors que d’autres le louent. »

Sur ce point, il semble serein : « Dans notre cas, nous avons une moissonneuse-batteuse neuve, un tracteur et tous les outils qui vont avec. Nous essayons également de nous adapter. Ainsi, face à la hausse des engrais, nous utilisons du fumier que nous compostons et dont nous tirons un extrait qui sert de fertilisant. »

Il ajoute : « Avec deux autres pivots, il me serait possible de fournir des semences permettant une production potentielle de 5 millions de quintaux de blé. »

Une proposition intéressante dans le contexte de sécheresse que connaît le Nord de l’Algérie. Une sécheresse qui pourrait affecter le niveau de la production de semences attendue en conditions non irriguées.

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